Quel (s) sens donner aux votes des Camerounais lors du double scrutin du 30 septembre 2103 ?

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« Aucun Camerounais n’a, toute sa vie, participé dans son pays à des élections libres, compétitives, et sans trucages ni tripotages. L’institution électorale a été dévoyée dès le principe. Elle a toujours été une démonstration de force de la part du pouvoir, un rituel de soumission et d’allégeance au chef incontesté. » Fabien Eboussi Boulaga, Lignes de résistance, Yaoundé, Clé, 1998, p.51.
À l’occasion de la 31e édition de La Grande Palabre, le groupe Samory, éditeur de Germinal et ses partenaires (Harmattan Cameroon, La Fondation Gabriel Péri, Dynamique citoyenne, le quotidien Le Messager, Radio Cheikh Anta Diop, Addec et Human Rights Initiatives (HRI)), invitent le public à prendre part à la réflexion (conférence-débat) qu’ils organisent à Yaoundé, le jeudi 31 octobre 2013, l’hôtel Franco, sis en face du collège Matamfen, à 14h sur le thème:
Quel (s) sens donner aux votes des Camerounais lors du double scrutin du 30 septembre 2103 ?

Contexte

Convoqué par décret présidentiel le 2 juillet 2013, c’est le 30 septembre 2013 que les électeurs se sont rendus aux urnes pour élire les députés et les conseillers municipaux. Pour les législatives, l’on a enregistré 29 partis politiques pendant que 35 d’entre eux engageaient des candidatures pour les municipales. À la différence de ces devancières (celles de 1992, 1996, 1997, 2002, 2007), ces élections ont consacré les inscriptions biométriques, ce qui a tout de suite entretenu une sorte d’illusion quant à sa fiabilité et à sa sincérité à l’échelle locale. Auparavant cependant, les Camerounais auront traîné les pieds aussi bien pour les inscriptions sur les listes électorales que lors du retrait des cartes d’électeur biométriques. Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, a, comme à l’accoutumée, mené des campagnes avant-gardistes, question de susciter un quelconque engouement au sein de la société et, principalement, chez ses militants. Des forces politiques dites de l’opposition comme, entre autres, le Social Democratic Front (SDF), l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), l’Union démocratique du Cameroun (UDC), l’Union pour la fraternité et le progrès (UFP) ou encore le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) ont organisé des rencontres de sensibilisation des Camerounais afin qu’ils s’inscrivent massivement sur les listes électorales et rentrent en possession de leurs cartes d’électeur.
Hélas, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Seulement environ cinq millions et demie (5 481 326) de citoyens se sont inscrits par rapport au nombre potentiel à inscrire qui était de plus de sept (7) millions et pour une population estimée à plus 20 millions d’habitants. Tous n’ont paradoxalement pas honoré le rendez-vous électoral du 30 septembre 2013. Ce jour-là, plus d’un million (1 272 430) d’entre eux se sont abstenus d’exercer leur droit de vote. Le taux de participation légèrement supérieur à 75 %, selon Elections Cameroon (ELECAM) et la Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel, ne fait pas l’objet d’un consensus aussi bien dans l’opinion que chez les observateurs électoraux dûment accrédités (Union africaine, Commission de l’Union africaine, Institut Électoral pour une démocratie durable en Afrique, etc.).
À l’évidence, la désaffection pour les élections est manifeste. Les élections législatives et municipales qui viennent de se dérouler, et qui ont déjà dévoilé leur verdict, se sont largement inscrites sur la pente de leurs « ancêtres » avec pratiquement les mêmes atomes crochus, les mêmes tares et avatars, les mêmes récriminations et contestations, les mêmes contingences, les mêmes sonorités dissonantes au sein de différentes composantes sociopolitiques nationales en raison notamment des distorsions et des dysfonctionnements qu’elles auront révélés au grand jour: fraude électorale, falsification des procès-verbaux, confusion des rôles entre l’organe électoral et les autorités administratives, complaisance des agents d’ELECAM, volonté manifeste d’exclure certains leaders et formations politiques, achat des consciences, non-respect de l’heure d’ouverture des bureaux de vote, bureaux de vote fictifs ou dissimulés à dessein, forte immixtion de l’élite politique dans les opération du vote, financement tardif de la campagne électorale, encre délébile, absence des bulletins de certains partis dans des bureaux de vote, etc.
Certes, au début du processus électoral, une fraction du corps sociopolitique avait été envahie par un optimisme béat quant à la capacité de cette élection à opérer un rééquilibrage du rapport de force exagérément inégal entre les composantes partisanes du champ politique national. C’était sans compter avec la volonté du RDPC à préserver ses acquis par tous les moyens et l’autisme et l’incapacité chronique des formations dites de l’opposition et de leurs leaders à mutualiser les moyens afin de couvrir l’ensemble du territoire national. Au finish et comme et il fallait s’y attendre, à l’issue de ces élections, l’ambiance a été au désenchantement, aux jérémiades, aux pleurnicheries et aux indignations vertueuses tant du côté des électeurs, militants et sympathisants désabusés que de celui des acteurs politiques, leaders des entreprises politiques. Le RDPC, principale formation politique de la mouvance présidentielle a reconduit son hégémonie et son monopole éléphantesques tant aux municipales (305 communes) qu’aux législatives (148 députés).  Au même moment, les formations politiques présumées de l’opposition, avec 32 sièges à l’Assemblée nationale et ne contrôlant que 55 communes, ne sont pas parvenues à provoquer le resserrement des lignes d’inégalité et de distance numérique entre elles et le RDPC. Les six (6) partis dits de l’opposition (SDF, UNDP, UDC, UPC, MDR, MRC), ces faire-valoir démocratiques, qui siégeront désormais à l’Assemblée nationale ne disposeront pas, tant s’en faut, d’une marge de manœuvre nécessaire pour infléchir les décisions et les lois dans cette Auguste Chambre du Parlement. Ils seront protégés par leur immunité parlementaire et auront droit, quand même, comme tous les autres députés d’ailleurs, à un véhicule avec macaron, aux frais de missions alimentaires à l’étranger, à leur traitement mensuel mirobolant et aux fonds de financement des microprojets, entre autres.
Au demeurant, comme d’habitude, l’opposition a fait piètre figure, en dépit de la volonté déclarée de changement et de fracture manifestée par des citoyens naïvement enthousiastes. Nonobstant l’émergence de nouvelles forces politiques dans l’espace institutionnel (communal et/ou parlementaire) à l’instar du MRC de Maurice Kamto, de l’UMS de Pierre Kwemo ou encore de l’UFP d’Olivier Bilé, force est de constater que les Camerounais ont assisté au soir du 30 septembre 2013 à un vote d’attestation du régime actuel au Cameroun, malgré ses piètres performances économiques, environnementales et sociales (absence d’eau et d’électricité dans les ménages, routes défoncées, métropoles devenues des poubelles géantes, vie chère, etc.). Dans ce contexte, un tel comportement électoral suscite un questionnement. Les Camerounais sont-ils décidément acquis à la cause du système gouvernant porté par le Renouveau national depuis 1982 ? Ou bien, déçus par les leaders des partis dits de l’opposition qui n’hésitent pas de reproduire les pratiques (corruption, népotisme et clientélisme) du pouvoir qu’ils dénoncent du bout des lèvres, ont-ils préféré l’original à la copie ? S’est-il agi d’un vote réfléchi (rationnel) révélant un choix politique libre ou alors d’un vote captif (directif/injonctif) au regard de la rareté matérielle et de l’inégale répartition de ressources entre les formations politiques ? À quelle (s) variable (s) devrait-on ajuster ou affecter les résultats du double scrutin du 30 septembre ?
Au cours de cette session de La Grande Palabre, les panélistes scruteront l’environnement politico-institutionnel, socio-économique et sociopolitique dans lequel se sont tenues ces élections couplées. Il s’agira pour eux d’examiner, empiriquement et heuristiquement, les déterminants et déterminations qui ont régi les attitudes politiques des Camerounais.

Les axes de la discussion
1- Sens de la victoire du RDPC, Mathias Eric Owona Nguini, enseignant à l'université de Yaoundé II
2- Les forces politiques dites de l’opposition pouvaient-elles faire mieux ? Quelle(s) signification(s) donner aux résultats obtenu(s), Hans de Marie Heungoup, Doctorant/Chercheur FPAE
3- Comment comprendre le choix des Camerounais à l’issue de ce double scrutin (Alawadi Zelao, Maître de recherche au Centre national de l'éducation (CNE)
4- Elections Cameroon : Satisfecit, complaisance ou connivence, Hilaire Kamga, secrétaire exécutif du Réseau des Observateurs nationaux d'Afrique centrale et occidentale (RONACO)
5- Implication de la Conac: enjeu stratégique ou folklore ? Pr Claude Abé, enseignant à l'UCAC
Modérateurs : Jean-Bosco Talla et Francis Mbagna
Contact : 77 31 48 98
En direct sur les ondes de Radio Cheikh Anta Diop, FM, 101,1

À paraître très bientôt aux Éditions Terroirs
Repenser et reconstruire l’opposition camerounaise. Questions sur la quête de sens et la subjectivation politique, une publication de La Grande Palabre (Coordination éditoriale: Fabien Eboussi Boulaga, Claude Abé, Mathias Éric Owona Nguini, Jean-Bosco Talla).
Avec les contributions de : Fabien Eboussi Boulaga, Maurice Kamto, Claude Abé, Mathias Eric Owona Nguini, Jean-Bosco Talla, Christopher Fomunyoh, Bernard Guimdo, Georges Noula Nangue, Serge Banyongen, Gilbert Taguem Fah, Mbog Bassong, Armand Leka Essomba, Guillaume Henri Ngnépi, Sehou Ahmadou, Alawadi Zelao, Thiérry Amougou et un groupe d’étudiants.