Maurice Kamto: "Au cours du double scrutin du 30 septembre 2013, nous avons assisté à l'expression même de la barbarie électorale"

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Militantes et militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun, Sympathisants du MRC,
Mes chers compatriotes,
Le 30 septembre 2013 a eu lieu dans notre pays, le double scrutin des législatives et des municipales.
Comme vous le savez, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun était en compétition dans 5 des 10 Régions du pays, en l’occurrence dans le Centre, l’Est, le Littoral, le Nord-Ouest et l’Ouest. Notre parti était en course dans 7 circonscriptions pour les législatives, à savoir : les Bamboutos, les Hauts- Plateaux, le Koung-Khi, le Mfoundi, la Mifi, le Wouri-Centre et le Wouri-Est ; et dans 17 circonscriptions pour les municipales, à savoir : Baham, Bafang, Bafoussam Ier, Bamenda III, Bamendjou, Deuk, Douala Ier, Douala III, Douala IV, Douala V, Fonfuka, Monatélé, Yaoundé Ier, Yaoundé II, Yaoundé III, Yaoundé VII, et Yokadouma.
Les résultats officiels de ces élections sont maintenant connus. Mais si ces résultats sont désormais irréversibles en ce qui concerne les législatives, les résultats définitifs des municipales sont encore attendus ; ils ne seront connus qu’à l’issue du contentieux engagé par plusieurs partis politiques, dont le MRC, devant la Chambre administrative de la Cour suprême. En effet, notre parti, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun a introduit des recours en contestation des élections municipales dans les circonscriptions de : Baham dans le département des Hauts-Plateaux (Région de l’Ouest), Deuk dans le département de Mbam-et-Kim (Région du Centre), Monatélé dans le département de la Lékié (Région du Centre), Yaoundé I, II, III et VII dans le département du Mfoundi (Région du Centre) et Yokadouma dans le département de la Boumba-et-Ngoko (Région de l’Est).
Au total, le MRC s’en sort avec 1 siège de député aux élections législatives. C’est acquis et définitif. Aux municipales, notre parti obtient provisoirement, sous réserve de l’issue du contentieux électoral, 19 Conseillers municipaux répartis dans 5 communes, à savoir : 5 conseillers à Bafoussam Ier, 1 à Douala Ier, 7 à Douala III, 2 à Douala IV et 4 à Douala V.

Il en résulte que notre parti qui a engrangé près de 100.000 voix aux élections législatives dans le Mfoundi n’aura aucun député dans ce département, ni dans les Hauts-Plateaux où tout indique qu’il y est le parti majoritaire ; en attendant de voir ce que nous dira la Chambre administrative sur nos recours en contestation des élections municipales.
La singularité de ces résultats sur la scène politique nationale est édifiante pour un parti politique qui n’avait que 10 mois au moment de la convocation du corps électoral. Nous avons osé, et le double scrutin du 30 septembre a donné l’occasion à de nombreuses populations de différentes régions de notre pays de marquer leur adhésion massive à la vision que propose le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun. Je pense notamment aux populations de Deuk, Monatélé et Yaoundé dans le Centre, de Yokadouma à l’Est, de Douala I, III, IV et V dans le Littoral. Vous avez démontré de façon éblouissante que ces zones géographiques souvent considérées comme des chasses gardées du parti dominant sont ouvertes aux idéaux de la Renaissance nationale, de la fraternité républicaine et de la mobilisation pour une société solidaire et de progrès collectif.
Je saisis cette occasion pour adresser mes plus vifs remerciements à nos camarades qui ont travaillé sans relâche pour rendre cela possible. Je voudrais adresser des remerciements particulièrement appuyés aux représentants du MRC dans les bureaux de vote et aux coordonnateurs de zone ainsi qu’aux scrutateurs bénévoles. Ils ont été tout simplement héroïques dans l’accomplissement de leur mission si difficile et parfois franchement périlleuse. Mes remerciements vont par ailleurs aux nombreux sympathisants de notre parti, aux électrices et aux électeurs qui, par centaines de milliers ont porté très haut l’étendard du MRC.
Face aux fraudes sauvages orchestrées par le RDPC, avec la complaisance et quelquefois la participation directe des agents d'ELECAM et de l'administration au plus haut niveau, le MRC a saisi les juridictions compétentes. En ce qui concerne le contentieux des législatives, la Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel a rendu une décision que seule l'histoire jugera. Dans notre posture légaliste et républicaine, nous avons accepté courageusement cette décision.

Chers camarades, électeurs et électrices qui nous avez fait confiance et l’honneur de nous accorder vos suffrages, je sais quelle est la profondeur de votre déception, voire de votre colère face à ce coup de massue. Mais comme je vous l’ai toujours dit, le MRC travaille à l’avènement du changement au Cameroun dans la paix, et croit qu’il est bon d’avoir en cette douloureuse circonstance, de la retenue pour sauver la paix dans notre cher pays. C’est pourquoi, je vous exhorte à continuer à garder votre calme, comme vous avez su le faire jusqu’à présent, et à ne céder à aucune provocation.
Sachez-le, nous avons écrit une page glorieuse de l’histoire politique du Cameroun à l’occasion de ces élections. En attendant l’issue du contentieux des municipales, je puis vous dire, en effet, que nous avons gagné dans le Mfoundi, à Yaoundé, siège des institutions de la République ; nous avons gagné dans les Hauts-Plateaux, dont chacun connaissait le poids symbolique dans ces élections. Nous avons gagné même si l’on nous a déclaré perdants. Mais il y a une chose que l’on ne peut changer : nous avons gagné l’avenir.

Chers Camarades, mes chers compatriotes,
Au cours du double scrutin du 30 septembre 2013, nous avons assisté à l'expression même de la barbarie électorale, alors qu'ELECAM avait promis aux Camerounais une ère nouvelle dans les processus électoraux.
En voici une illustration : votes multiples qui montrent la vacuité de la carte biométrique et des empreintes digitales apposées après le vote ; bureaux de vote comptant plus de votants que d'inscrits ; votes de personnes non inscrites sur les listes électorales ; votes sous haute surveillance dans les casernes ; instrumentalisation de l'institution militaire et de l'administration en général au profit du RDPC ; désignation par ELECAM de candidats RDPC comme présidents des commissions locales de vote ; installation de bureaux de vote dans les domiciles des candidats du RDPC ; absence de publication par ELECAM dans les délais légaux de la liste des bureaux de vote et de la liste des membres des différentes commissions en charge des élections ; désignation de nombreux militants notoirement connus du RDPC comme présidents des commissions locales de vote et/ ou comme représentants de l'administration dans les bureaux de vote ; confiscation de procès-verbaux par des candidats du RDPC ; achat massif des consciences ; vote de personnes ne détenant pas de cartes d'électeurs ; vote de personnes non munies de leurs cartes nationales d'identité ; utilisation frauduleuse des cartes d'électeurs non retirées par les légitimes propriétaires ; poursuite de la campagne électorale dans les bureaux de vote, recours aux charters électoraux et aux votants ambulants ; achat des bulletins de vote du MRC aux électeurs à la sortie des bureaux de vote ; immixtion de certaines autorités administratives dans le déroulement du vote en faveur du RDPC après qu'elles ont battu campagne, de façon ostentatoire pour les candidats dudit parti dans leur territoire de commandement ; expulsion des bureaux de vote des représentants du MRC ; procès-verbaux sans fiches de pointage comme l'exige la loi (moins de 10% des procès-verbaux de toutes les circonscriptions dans lesquelles le MRC était engagé sont accompagnés de leurs fiches de pointage) ; intimidation des représentants MRC dans les bureaux de vote par des milices du RDPC et quelquefois par des agents des forces de l'ordre ; menaces des militants du MRC par certains membres du gouvernement et certains hommes d'affaires dans leurs régions d’origine ; décompte des voix à huis clos ; dépouillement du vote dans l'obscurité comme l’attestent à suffisance les constats d'huissiers, les procès-verbaux des commissions locales de vote, ceux des commissions communales de supervision de vote ou encore ceux des commissions départementales de vote ; ostracisme contre le MRC dans les média à capitaux publics (au total, 06 minutes lui ont été accordées pendant toute la campagne électorale, selon la commission nationale de la communication). En somme, les ouvriers de la fraude, au service du parti dominant, n'ont rien épargné à notre parti et à ses valeureux militants.

Le jour du vote, nos camarades ont arrêté de nombreux fraudeurs en flagrance, ont fait établir des constats d'huissier avant de les remettre aux autorités administratives, et quelquefois directement aux autorités policières ou aux gendarmes qui les ont auditionnés mais les ont libérés aussitôt, malgré les faits qui les accablaient. Dans certains cas, on a noté entre les fraudeurs et les autorités publiques saisies, une certaine complicité. Lorsqu'il est arrivé que nos militants tentent de mettre fin aux fraudes par eux-mêmes, les fraudeurs ont appelé les forces de l'ordre au secours, et ce sont nos militants qui, dans certains cas, ont été arrêtés et jetés en cellule.
Au total, c'est toute la puissance étatique qui a été mise en branle pour empêcher que la mobilisation populaire observée en faveur du MRC, le 30 septembre
2013, ne se traduise en sièges gagnés par notre parti.
ELECAM avait été vendu aux Camerounais comme une institution crédible et impartiale. Il a trompé les Camerounais. ELECAM avait prétendu organiser un vote biométrique ; tous les électeurs ont pu constater que seule l’inscription l’était, et encore ! Il est incontestable qu’en son sein, il y a des femmes et des hommes de qualité, pleinement conscients de leurs responsabilités. Mais on ne peut s’empêcher de relever l’amateurisme et l’esprit outrancièrement partisan de nombre d’entre eux. Le vote du 30 septembre était un vote à l’ancienne ; il y avait pratiquement à tous les étages de son organisation des militants du parti au pouvoir. ELECAM a même réussi le tour de force de nommer un candidat du RDPC président de la commission locale de vote dans sa propre circonscription électorale. Dans diverses circonscriptions, ses agents ont vendu les cartes d’électeurs non retirées par leurs propriétaires aux candidats du RDPC. Sa réforme est de salubrité publique.
En fait, ELECAM a peint des trompe-l’œil sur les murs de la démocratie camerounaise, et le RDPC étant passé maître dans l’esthétique de la fraude, l’observateur pressé n’y a vu que des étoiles. En effet, malgré ces fraudes multiples et variées dont les Camerounais ont eux-mêmes été témoins, des observateurs internationaux ont, sans attendre de voir les procès-verbaux des commissions locales de vote, ni de suivre le déroulement des contentieux électoraux, et dans un empressement et un formalisme qui discréditent sérieusement leur appréciation, tressé des couronnes au pouvoir pour, disent-ils, célébrer la bonne qualité du double scrutin. Chacun appréciera.
Il n'a pas été facile de faire admettre la guillotine judiciaire à nos très nombreux militants et sympathisants frustrés et sous le choc. Il n’a pas été facile d’apaiser ceux qui étaient tentés par la défiance vis-à-vis des institutions de la République, face au spectacle honteux auquel se sont livrés, le 30 septembre 2013, dans nos villes et campagnes, l'élite politique au pouvoir et les hommes d'affaires du sérail ; devant les célébrations impudentes auxquelles se sont adonnés ceux qui entreront par effraction à l’Hémicycle de l’Assemblée nationale.

Des « Honorables » qui ne connaissent et ne connaitront que le déshonneur !
Les fraudes systématiques, assumées avec une décontraction provocante par le pouvoir et le RDPC, à l'occasion de toutes les consultations électorales depuis
1992, ont conduit même les plus optimistes parmi nos compatriotes à la conclusion terrifiante que l'alternance politique dans notre pays se fera, non pas par la voie électorale, mais par la violence. En contraignant le peuple camerounais à cette dangereuse conclusion, le régime fait de notre pays une véritable citerne à gaz dont le détonateur sera la prochaine élection, si celle-ci se déroule dans les mêmes conditions.
Nous avions fait le pari de la confiance dans les institutions du pays, en particulier celles concourant de près ou de loin à l’organisation des élections. Manifestement ce pari a été perdu. En prenant à témoins nos compatriotes, les amis du Cameroun et la communauté internationale, nous voulons maintenant être le plus clair possible avec ceux qui nous gouvernent : notre attachement obsessionnel au changement dans la paix ne doit pas être mal compris. Lors du prochain scrutin dans notre pays, à la barbarie électorale du RDPC et du pouvoir, nous opposerons, jusqu'à notre dernier souffle, une résistance citoyenne et républicaine.
Il est plus que périlleux pour notre nation que le pouvoir empêche obstinément d'exprimer librement leurs choix politiques à des masses de jeunes Camerounais rongés par le terrible cancer du chômage et écrasés par une misère volontairement imposée par la classe dirigeante ; à des populations des zones rurales qui ont été cyniquement appauvries et abandonnées ; à la classe moyenne laminée et tenue en laisse depuis la coupe sauvage des salaires de la fonction publique en 1994 ; à des milliers d'employés des entreprises parapubliques licenciés sans que leurs droits soient liquidés ; à des familles de retraités morts devant des édifices publics alors qu'ils tentaient simplement de réclamer leurs droits ; à des milliers d'étudiants soumis à des formations indigentes et inadaptées qui ne leur offrent qu’une perspective marginale d'emploi.
Le seul espoir de ces millions de victimes d'un système orgueilleux et hautain, qui se contente du verbe là où l'action est urgente, se trouve dans le changement par les urnes.
Le pouvoir est désormais placé devant un choix crucial pour l’avenir politique du pays : engager très rapidement des discussions politiques sérieuses en vue de doter notre nation d'un système électoral crédible, garantissant le respect scrupuleux de l'expression de la volonté populaire ainsi que les engagements internationaux de notre pays, ou procéder à l'achat massif des armes pour affronter le peuple.
Car, il est devenu insupportable à nos compatriotes qui croupissent dans la misère et le désespoir, de constater avec quel mépris et quelle constance ceux qui dirigent le pays traitent l'expression de leur volonté politique. Ils les narguent d’un scrutin à l’autre. En raison de leur attitude de provocation permanente, leurs incantations quotidiennes sur la paix sonnent désormais faux.
Le MRC ne croit pas la confrontation inéluctable. Il ne la souhaite pas. Mais il est et sera toujours de son devoir d'être aux côtés de ce peuple bafoué, humilié et méprisé par un pouvoir aux pratiques archaïques qui s'est lancé dans le pari de l'impossible : défier le temps.
Tout le monde connaît maintenant l’extraordinaire ingénierie de la fraude du RDPC. Ce parti, psychologiquement unique, n’a plus rien à prouver dans ce domaine. Il est urgent qu’avec certaines autorités administratives, certains hauts fonctionnaires et certains agents d’ELECAM, ainsi que quelques hommes d’affaires sans foi ni loi, qui n’ont pas encore compris le cap démocratique choisi par le pays, le RDPC se ressaisisse. Le Cameroun n’est pas condamné à organiser des parodies d'élections.
Il est encore temps de corriger les dérives électorales évoquées ci-dessus, par un véritable dialogue politique animé par la volonté d’atteindre des résultats consensuels sur les règles du jeu électoral, et de conjurer ainsi le risque de basculement de notre pays dans la violence politique.
Tous les vrais amis du Cameroun et du peuple camerounais ne doivent ménager aucun effort pour persuader le pouvoir en place du caractère vital de cette démarche politique. C'est maintenant que ces pays amis, la communauté internationale et toutes les bonnes volontés doivent agir, s'ils veulent être utiles. Après il sera trop tard.

Chers camarades, mes chers compatriotes,
On peut peut-être ralentir notre élan ; on dressera sans doute des barrières pour essayer de nous endiguer. Mais on ne peut arrêter le vent ; nul ne peut arrêter la marche en avant d’un peuple déterminé à aller vers son destin de gloire. Il y aura un avant et un après 30 septembre 2013. C’est Toi, peuple camerounais, qui en a décidé ainsi. Jamais plus rien ne sera comme avant dans l’univers politique de notre pays.
Il nous reste maintenant à rassembler toutes les composantes de notre beau pays, riche de sa diversité humaine et culturelle ; à mobiliser nos intelligences pour enrichir et porter le message nouveau que le MRC propose à la nation pour bâtir ensemble un autre avenir que celui de la défaite et des lamentations que l’on veut nous imposer. Les chantiers à venir de notre parti sont nombreux, urgents, et les défis redoutables, mais exaltants. Il s’agit de consolider les bases du MRC, de l’implanter dans les coins les plus reculés de l’ensemble du territoire national ; de l’ancrer plus fermement dans la jeunesse de notre pays ; d’amplifier le rôle qu’y joue déjà les femmes, les personnes vivant avec un handicap et la diaspora ; d’affermir sa vocation de parti de masse dans lequel se reconnaissent toutes les couches de notre population, en particulier les plus défavorisées, telles que les petits agriculteurs et autres acteurs du monde paysan, les « sauvetteurs », les « bayam sallams », les « ben skiners », les chauffeurs de taxis et autres, les « call boxers » et tous les autres opérateurs des petits métiers qui se battent avec la dernière énergie pour survivre au quotidien. La politique prend sens quand elle est faite pour eux.
Dans les semaines qui viennent, nos camarades recevront le programme d’activités du parti pour les mois à venir, afin de construire sur le terrain le Pacte pour le changement que nous voulons passer avec notre peuple. Notre cap, c’est l’avenir, bâti ensemble dans la concorde nationale, sans haine ni désir de revanche.
Je vous exhorte à garder confiance. Un souffle s’est levé ; il ne s’est levé contre personne, mais pour tous les Camerounais. Une espérance est née. Et plus rien ne l’arrêtera avant qu’elle ne soit allée jusqu’à son accomplissement.
Vive le MRC !
Vive le peuple Camerounais en marche !
Vive le Cameroun !
Je vous remercie.