Biya prépare un coup d’État! Voici comment

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Il s’agit d’un coup d’État constitutionnel, s’entend. Le coup d’État le plus traficoté de l’histoire africaine, parce qu’ici il s’agit bien de se succéder à lui-même contre le texte de la loi fondamentale camerounaise qui l’en empêche. Mais traficoté surtout parce que sa préparation remonte à mars et avril 2008, quand profitant de la stupéfaction liée aux massacres qui s’étaient succédés aux revendications formulées autour de l’article 6.2 de la constitution qui limitait son nombre de mandats, il fit les députés de l’Assemblée nationale passer en catimini d’autres articles et modifications constitutionnelles, dont surtout celle de l’article 15, aliéna 4. Je le cite dans sa version originale, telle qu’écrite dans la constitution de 1996 issue de la tripartie : ‘En cas de crise grave, le Président de la République peut, après consultation du président du Conseil constitutionnel et des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, demander à l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger ou d'abréger son mandat. Dans ce cas, l'élection d'une nouvelle Assemblée a lieu quarante (40) jours au moins et soixante (60) jours au plus après l'expiration du délai de prorogation ou d'abrègement de mandat.' Voilà ce que dit le texte sur lequel tout se joue.
Seulement il s’agit ici du texte original de la constitution de 1996 qui aurait posé un certain nombre de problèmes à Biya dans sa tentative de se succéder à lui-même, car cet article parle de ‘crise grave’, or selon la vulgate du Rdpc, le Cameroun est en paix, le Cameroun n’est pas le Congo, ni la Rdc, ni la Côte d’ivoire, oui, le Cameroun, havre de paix pacifique, est bien le Cameroun. Qui plus est, Biya et les grandes ambitions auront eu sept (7 !) ans pour préparer cette élection du 9 octobre qu’ils veulent plutôt tenir en décembre 2011 ! D’où la modification hâtive faite en avril 2008 qui précise : ‘en cas de crise grave ou lorsque les circonstances l'exigent.’ Détail d’importance capitale, ce ‘ou’, car c’est ici que la fameuse loi qui soi-disant ‘donne le droit de vote aux Camerounais de la diaspora’ devient tactique, elle qui ‘donnerait’ au bas mot ‘le droit de vote à 2.5 millions de concitoyens, selon les chiffres de Charles Ndongo de la Crtv. 2.5 millions de nouveaux compatriotes à enregistrer, à décompter, à faire voter ! Et l’on peut imaginer cette ‘circonstance’, car qui ne voudrait pas que tous les enfants d’un pays votent leur président ? Qui ? Avec le temps les ‘circonstances’ deviennent encore plus dramatique, parce que Paul Biya qui en 2009 a ‘promis cette loi à la diaspora’ lors d’un voyage à Paris, qui a bien promulgué cette loi le 13 juillet 2011, n’en a pas encore signé les décrets d’application aujourd’hui en aout, à deux mois des élections ! Or comme nous savons tous, depuis son voyage chinois, il est en vacances !
Soulignons pourtant un détail d’importance, car tous les Camerounais – y compris ceux qui ‘vivent ou résident à l’étranger’ – ont toujours eu le droit de vote comme le stipule bien la constitution de 1996. Pour preuve, s’ils retournaient en vacance au pays lorsqu’il y a des élections municipales, législatives ou présidentielles, ils prendraient bien sûr part à celles-ci. Un de mes amis qui vit à Paris s’est ainsi fait établir une carte d’identité ce jour au cours de ses vacances à Yaoundé – et ira voter avec, comme il me dit. Oui soulignons cette évidence, car l’imagination du putschiste Biya a inventé pire : l’article 15 aliéna 4 (1996) dit en effet que le prolongement du mandat présidentiel ne peut avoir lieu qu’après consultations avec ‘le président du Conseil constitutionnel et (j’insiste sur le ‘et’) des bureaux de l'Assemblée nationale et (j’insiste encore sur le ‘et’) du Sénat.’ J’insiste sur ce triple ‘et’ parce qu’évidemment le Cameroun n’a encore ni Conseil constitutionnel, ni Sénat comme on sait. D’où la modification subtile introduite en 2008 dans les textes qui - prudence! prudence du juriste malfaiteur! - veulent que : ‘...la cour suprême siège en lieu et place du conseil constitutionnel...’, et d’autre part que: ‘...l'Assemblée Nationale exerce la plénitude du pouvoir législatif et jouit de l'ensemble des prérogatives reconnues au Parlement jusqu'à la mise en place du Sénat...’
Par un subterfuge constitutionnel, quelques phrases gommées ici et là, sont ainsi oubliés autant le Sénat que la Cour constitutionnelle qu’il n’a jamais créés ! Ne reste donc plus que l’Assemblée Nationale qui comme nous savons tous est à 80% acquise au Rdpc et donc à son ‘candidat naturel’, et bien sûr la Cour suprême dans notre pays où le judiciaire est aux ordres de l’exécutif. Le tour est joué et de retour des vacances (ou alors de son studieux conciliabule avec ses équipes de légalistes malfaiteurs), Paul Biya peut demander à Cavaye Djibril de convoquer une séance extraordinaire de l’Assemblée Nationale pour lui parapher ce qui avait été concocté depuis 2008 : le coup d’État qui serait ainsi consommé par sa succession qui le verrait jurer de respecter la constitution devant le même Cavaye Djibril qui l’a aidé à la déchirer ! Dans la foulée bien sûr, il pourrait demander une réélection du Parlement, pour effectivement prendre en compte les voix de ces 2.5 millions de ‘nouveaux Camerounais’ – qui sans doute ne se plaindraient pas, il se dit, d’être enfin entendus dans les halls de l’hémicycle. Pour ce il pourrait activer cette provision dernière de la loi qui soi-disant ‘donne le droit de vote aux Camerounais de la diaspora’, loi qui on se souvient, parle également de leur faire participer – ah, Biya, le bandit constitutionnel ! - à un referendum. Qui s’est jamais demandé pourquoi ‘referendum’ ? Pourquoi pas législatives ? Eh bien, c’est que Biya ne peut pas dire aux députés du Rdpc – de son propre parti donc ! - qu’il se passera d’eux à la fin comme il se passe du peuple camerounais, car il a besoin d’eux pour mettre son ignominie en branle !
Voilà donc dans les détails le plan d’un coup d’État constitutionnel qui s’il réussissait ne nous donnerait pas seulement pour 36 ans Biya comme président, mais surtout, surtout, et c’est le plus important, achèverait de discréditer nos institutions devant autant le pousseur, le sauveteur que la bayamsallam. Voilà en résumé l’ignominie pour la préparation de laquelle le tyran a besoin de se retirer, de bien réfléchir – et surtout de se bien préparer ! Voilà le subterfuge pour lequel sans doute il a eu besoin de disparaître dans la nature avant et après son voyage en Chine – est-il allé en France où se trouvent toujours des juristes lascars pour traficoter de telles machinations légales ? Mais surtout voilà le cercle qui sur un coup d’État constitutionnel fermerait en octobre 2019 la carrière sanglante de l’homme que le coup d’État du 6 avril 1984 a transformé en ce tyran que nous connaissons ! Qui se plaindrait puisque ce coup d’État – comme tous les coups d’État constitutionnels d’ailleurs – aurait lieu peut-être sans effusion de sang, dans une Afrique dans laquelle les coups ont débouché comme au Rwanda sur un génocide ! Qui se plaindrait dites-moi, surtout que le Bir serait là pour taire les voix les plus braillardes ? Qui se plaindrait surtout que l’opposition – John Fru Ndi, Anicet Ekane – a été triangulée depuis 2008, et donc participe de la machination dont elle est complice naïve sinon consentante ? Qui se plaindrait puisque les universités ont été assassinées dans les fleuves de motions de soutien et les intellectuels récalcitrants réduits au silence sinon ridiculisés ? Qui se plaindrait ? La ‘communauté internationale’, ô, oui : Sarkozy, Obama ou alors Clinton, Cameron. Mais voilà, Biya a commencé déjà à anéantir leurs condamnations dans l’opinion par des postures gbagboistes’, des mises en garde contre l’‘ingérence’, et puis surtout un voyage tactique en Chine !
Qui se plaindrait donc ? Non, non, non, c’est l’homme qui a peur ! Sinon il n’y a pas le feu ! Que chacun de nous qui a une bouche parle ! Que chacun de nous qui a des couilles se lève ! Que chacun de nous qui porte un pantalon marche ! C’est notre droit fondamental à dessiner notre avenir nous-mêmes qui nous est arraché-là ! Biya ! Biya ! Ah, Biya le bandit constitutionnel ! Il doit avoir salivé devant l’exploit de Laurent Gbagbo qui sera resté pendant dix ans président de la Côte d’ivoire sur un mandat de cinq ans, grâce à un article de la Constitution ivoirienne ! Ah, Biya ! Il doit s’être léché les babines devant le génie tactique de notre boulanger de cœur, confiant que les Camerounais ne feraient rien devant une violation de loi de plus, eux qui ont gobé truquage moins compliqué ! Ou plutôt non : Biya doit avoir grelotté le jour de 2008 où son ministre de l’intérieur aura reconnu que ses soldats ont tué des centaines de jeunes camerounais, et donc aura rendu son régime coupable de crimes graves. Sa réaction, on s’en rend compte, n’aura pas seulement été la grâce présidentielle aux prisonniers survivants le 20 mai 2008 – fait unique dans sa carrière ; elle aura surtout été l’article 53 de la constitution introduite en 2008 pour se couvrir d’immunité absolue. Aujourd’hui il a trouvé mieux : ne jamais quitter le pouvoir ! Comme Houphouet-Boigny ! La Côte d’ivoire est son modèle – mais à quel prix ? À quel prix ? L’entrée de notre pays dans l’État d’exception ! Et qui sait, son entrée dans l’État de nécessité ou alors dans l’État de guerre ! Non, cet homme n’aime pas notre pays, ô non, non, Biya n’aime pas le Cameroun ! Il y a urgence, mais que faire ? Le premier acte pour barrer la route au putschiste selon moi serait que tout Camerounais qui aime son pays et veut vraiment le voir demeurer en paix, exige partout où sa voix porte, que les élections présidentielles aient lieu au Cameroun comme le prévoit le Code électoral, le 9 octobre 2011. Respecter nos textes, c’est le premier pas vers notre salut public !
Patrice Nganang, écrivain
Texte d’Alerte envoyé individuellement à chacun des leaders politiques et d’opinion du Cameroun (sauf Biya)