Lettre ouverte à la Garde rapprochée de Paul Biya

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Les grossiers abus en tout genre de la part de certains tyrans africains, qui, sans aucune espèce de pudeur, viennent encore se pavaner en Europe, dépensant des milliards de francs Cfa chaque année, à l’instar de Paul Biya qui pille non seulement les ressources naturelles du Cameroun pour lui-même ainsi que pour le compte de l’Etat français et ses partenaires/propriétaires (Areva, Bolloré, TotalElf, et consort), mais qui pille aussi le Trésor public camerounais jusqu’à la lie, continuent de me préoccuper, et m’ont notamment animés dans l’écriture de cette lettre ouverte lors de mon passage en Suisse et à Genève le 24 septembre dernier.


En tant que journaliste indépendante, je ne suis à la solde d’aucune organisation politique quelle qu’elle soit. Résidant partout et nulle part, je ne cherche qu’à contribuer à la dénonciation inlassable de ce que tant d’africains – et de camerounais en l’occurrence – vivent au quotidien, en termes de souffrances extrêmes infligées par un système étatique complètement pourri et inutile, avec un puissant gang de vulgaires coupeurs de route à sa tête. Dans ce gang justement, se trouve la fameuse Garde rapprochée de Paul Biya ainsi que son Service de renseignement.
Je me suis donc trouvée le week-end dernier au bon endroit au bon moment, ce qui m’a permis à travers la lettre qui suit, de faire le récit de ce que j’ai vu et entendu.
Juliette Abandokwe

Chers Frères,
chers
Agents des renseignements et
Gardes rapprochés de Paul Biya,


Par la présente, je souhaite vous remercier.
En effet, depuis la galerie vitrée surplombant le hall d’entrée de l’Hôtel Intercontinental à Genève, j’ai eu l’opportunité d’assister à l’étalage de vos prestations professionnelles de ce jour.  J’ai vu la qualité de la manière dont vous assurez la protection environnementale de votre patron M. Biya. J’ai admiré la finesse de votre système de communication, ainsi que vos talents d’observation. La preuve, vous ne m’avez même pas vu. Les sonneries incessantes de vos portables et vos rapports décousus, ont vraiment témoigné de l’agitation qui régnait dans vos rangs dispersés.
Depuis mon perchoir, je vous ai tous filmé copieusement. Même celui qui se cachait avec son petit appareil photo derrière le mur qui avait peur d’être filmé. Vous devriez vraiment être davantage prudents, comme l’a dit un de vos vieux. Le danger ne vient jamais d’où on l’attend et bientôt vous serez prié de rendre des comptes au peuple camerounais que vous pillez et que vous prenez de haut. La facture, mes frères, sera très salée.
Depuis, la galerie, je vous ai vu filmer les protestataires, des voitures et plaques d’immatriculation, et même des passants que vous suspectiez de connivence avec les manifestants. Vous avez même compté et rendu compte bruyamment du nombre de noirs (vos frères camerounais) et les blancs qui étaient là. Pensez-vous vraiment que vous allez exporter vos méthodes de répression de la moindre miette de contestation? Pourquoi donc vous sentez-vous si menacés !
Vous avez l’air de croire que vous êtes au-dessus de tout. Et pourtant l’hymne national entonné par « les noirs » dehors  vous a fait frissonner, car c’était le même que celui que vous connaissez bien ! Vous êtes issus des mêmes terres et vous avez les mêmes ancêtres eux et vous. Au nom de quoi donc vous croyez-vous doté d’un tel pouvoir d’intimidation? Vous ne savez même pas ce que vous réprimez, vous obéissez simplement au chef qui vous paie. Et c’est votre instinct animal qui sort au grand jour, jusque dans le hall de l’Intercontinental de Genève. Les énormes factures que vous engendrez au quotidien aux frais du peuple camerounais ne vous rendent pas moins animal.
En fin de compte, vous avez bien raison de vous agiter, car vous savez bien que vous n’êtes pas intouchables. Vous n’intimiderez bientôt plus personne avec vos grimaces patibulaires.  
C’était aussi très amusant de voir comment vous pensiez dur comme fer que la police allait venir « embarquer tout ce monde », à cause d’une bande de compatriotes qui vous dérangent dans votre auguste tranquillité, loin de l’épidémie de choléra qui fait en ce moment rage au pays. Mes frères, vos méthodes sont camerounaises, etoudiennes plus précisément, et certainement pas universelles. Nous ne sommes pas au Cameroun, et comme vous l’avez vu aujourd’hui, la police suisse n’embarque pas les gens parce qu’une bande d’imbus d’eux-mêmes le réclame à grands cris ! Elle sait qui sont les vrais coupables dans la situation d’aujourd’hui, et vous observe seulement. L’attitude calme et pacifique des deux policiers a dû vraiment vous étonner et vous énerver. Au moins vos missions au QG de la résidence principale de votre patron-président, vous permettent de diversifier vos connaissances en termes de répression !
Bientôt c’est vous et votre « n’importe-quoi » qu’on va venir embarquer, et par les méthodes que vous-mêmes utilisez contre vos frères camerounais. Je ne sais pas s’ils pourront vous pardonner, ça ne sera pas chose facile. Franchement je ne voudrais pas être à votre place car de toute évidence votre fin ne sera pas heureuse.
Tout le monde autour de vous sait que vous n’êtes que de simples mange-mille haut de gamme. Comme des poules de luxe, ce n’est pas un titre particulièrement honorifique, et tout le monde, y compris vous-même, sait que votre fin est proche. Ne dit-on pas que toutes les bonnes choses ont une fin ? D’où le vent de panique qui soufflait aujourd’hui dans le hall de l’Intercontinental. C’était en tout cas magnifique, et je me suis bien régalée.
Mes frères, avec un service de renseignement vieillissant et agité tel que le vôtre, qui trahit l’angoisse régnant autour d’une fin de carrière, vous avez raison d’avoir peur. Le coin de la rue est juste là.
Juliette Abandokwe
Genève, 25 septembre 2010
Copies :  Direction de l’Hôtel Intercontinental, Genève
Police cantonale et internationale, Genève

 


Le Code saute sur l’Intercontinental à Genève

Après son récent séjour aux Nations Unies, où il a pris la parole à l’occasion de la 65e session de l’assemblée générale, le président Biya ne se doutait pas qu’il allait affronter pour la première fois ses ennemis les plus déterminés et les plus audacieux, ceux que le ministre des Relations Extérieures appelle « une bande de d’antipatriotes qui ternissent l’image du Cameroun et de l’homme qui l’incarne ». Débarqué à Genève dans la matinée du samedi 25 septembre dernier, son cortège a pris la direction de l’Intercontinental, l’hôtel où il séjourne pendant ses déplacements en Suisse depuis plusieurs années. Alors que le président s’installe tranquillement dans ses appartements de l’hôtel avec son épouse Chantal Biya, les agents de sa  garde rapprochée prennent position dans le restaurant et la galerie de l’hôtel.
Il est 13h. La pluie qui tombait depuis le matin, a cédé la place à un soleil qui brille avec une certaine paresse. L’hôtel Intercontinental est connu comme un havre de paix. C’est un endroit qui respire la douceur et la quiétude. Cet imposant immeuble vitré est une icône qui s’est forgé une  solide réputation. Des milliardaires venant des pays du Golfe viennent ici avec leurs familles pour se reposer. Ce jour, il y a un ballet incessant de grosses limousines qui débarquent des clients qui arrivent des quatre coins  du monde. Cet endroit permet au président Biya d’échapper à la pression de la responsabilité présidentielle. Ce samedi en début d’après-midi, cette réputation va prendre un coup très dur. Subitement, des journalistes Suisses et africains débarquent à l’hôtel avec des camescopes qui filment une scène étonnante. Ce sont des membres du Code, dirigés par leur leader Brice Nitcheu en personne, qui viennent « pour débarquer Paul Biya » dira ce dernier, lorsqu’il se pointe, flanqué de deux de ses fideles lieutenants, à la réception de l’hôtel.
Le coup est astucieusement préparé. Lorsqu’ils déjouent la vigilance de la sécurité de l’hôtel et s’introduisent à l’intérieur, ils déposent doucement un gros sac, duquel ils sortent des drapeaux du Cameroun qu’ils enroulent autour du cou. Il y a aussi une chaine, que l’un des activistes, attache autour du cou. De grands posters sortent des poches. On peut y voir une photo montée du président Biya, sur laquelle il porte de gros sacs de dollars. Il y a aussi des posters de Lapiro de Mbanga, et de Paul Eric Kingué, qui croupissent tous les deux dans des prisons au Cameroun. On voit également certains posters de Paul Biya et de sa famille, sur lesquels on peut lire « La famille royale en pleine détente, pendant que les journalistes meurent dans les prisons au Cameroun » et des dizaines d’autres affiches portant des massages divers.
Ainsi équipés, les trois membres du Code se dirigent vers la réception. Pendant ce temps, la garde rapprochée qui a remarqué la scène, panique. Lorsqu’elle voit  les activistes se diriger vers la réception avec des journalistes qui filment la scène, on les entend crier, presque les larmes aux yeux «ce sont les gars du Code». C’est la débandade.
On les voit dans une agitation qui frise la transe. Ils sont, à ce moment, six agents. Nitcheu et ses lieutenants les ignorent et sont maintenant devant les cinq réceptionnistes de l’hôtel, qui sont pétrifiés par la scène. Nitcheu explique, très sereinement l’objectif de l’assaut : «Nous sommes des Camerounais, et nous sommes venus ici vous dire, après plusieurs lettres de protestation que nous vous avons envoyées, que vous devez appeler les appartements de Paul Biya pour lui de sortir d’ici. Les Camerounais ne peuvent plus accepter qu’un homme qui pille le Cameroun avec sa famille, viennent s’installer chez vous, 7 mois sur 12, pour dilapider l’argent que les travaillent à la sueur de leur front ». Le ton est placide, direct, mais sans ambigüité. Pendant que Nitcheu parle, ses lieutenants déposent sur le comptoir des tracts faisant état du nombre des victimes de cholera et dénonçant Elecam. Interloqués les réceptionnistes ne savent quoi faire, ni quoi dire.
Après quelques minutes d’hésitation, les réceptionnistes font appel à la directrice de l’hôtel, une dame qui arrive en courant, la main sur la tête. Elle dit aux membres du Code que l’hôtel est un endroit privé, et qu’ils doivent se mettre dehors. Un des activistes du Code rétorque qu’elle ne saurait appeler le siège de la présidence du Cameroun un endroit privé, car c’est ici que Paul Biya réside, après avoir placé le Cameroun en pilotage automatique.
Elle insiste, le Code résiste. Elle fait appel aux agents de la sécurité de l’hôtel, ce qui laisse les activistes imperturbables. A ce moment, tout le personnel administratif arrive, et tente de persuader Nitcheu et ses amis d’aller manifester à l’extérieur. « Mettez d’abord Biya » dehors rétorque l’intrépide leader du Code.  « Avez-vous obtenu une autorisation pour manifester ici » ? Demande la directrice. « Paul Biya ne demande l’autorisation à personne pour venir dilapider l’argent des Camerounais chez vous » ,répond le leader du Code
Juste à coté, dans un corridor de l’hôtel, les agents de la sécurité présidentielle, tout en évitant soigneusement d’aborder les protestataires, se concertent au téléphone. Le chef de protocole de Paul Biya arrive. La directrice de l’hôtel va vers eux pour tenter de les rassurer. La police, que la directrice ne cesse d’appeler, tarde à arriver. Les contestataires sont postés juste à l’entrée de l’hôtel, de l’intérieur, leurs grands posters en main. Tous ceux qui arrivent, ou qui ressortent voient la scène, certains avec effarement. Un responsable de l’hôtel tente d’utiliser la force pour les mettre dehors et rencontre une résistance farouche.
Dans le corridor, la sécurité présidentielle s’agite avec excitation. Ils sortent des cameras et se mettent à filmer discrètement la scène. Ils reculent lorsque Nitcheu, très en colère, fait la menace d’une confrontation directe avec eux. Ce qu’ils ignorent, c’est qu’une journaliste, Juliette Abandonkwe, qui soutient l’action du Code, est installée dans le corridor où ils se trouvent et enregistre tout ce qu’ils disent.
Dans la bande d’enregistrement, que la journaliste a partagé avec les autres journalistes présents, on peut écouter le  chef du protocole demander à la directrice de l’hôtel « d’appeler la police pour qu’elle mettre fin au scandale » et « d’embarquer ces agitateurs pour aller les coffrer ». « Vous ne pouvez pas permettre ce genre d’intrusion qui menace la sécurité de hauts responsables », peut-on l’entendre dire. Il donne aussi des consignes à la garde rapprochée de tout faire pour éviter le moindre contact avec les activistes, « pour éviter toute exploitation malveillante des journalistes» présents
Cela fait déjà une heure de temps que le siège dure.  Nitcheu et ses amis sont toujours là. La direction de l’hôtel est dépassée par les événements. Les agents de la garde de Paul Biya, qui évitent absolument Nitcheu et ses deux camarades, ont les nerfs à vif. « Comme vous pouvez le constater, la peur a changé de camp », déclare le leader du Code aux journalistes. Plusieurs clients de l’hôtel sont sortis pour voir la scène, et certains posent des questions, auxquelles les activistes du Code s’empressent de répondre en distribuant des tracts et des posters
Après plus d’une heure, la police arrive enfin. Aussitôt ont-ils garé devant l’hôtel, que les activistes du Code entonnent bruyamment l’hymne national du Cameroun, qui résonne au loin. Deux policiers sortent du car de la police, en arborant un grand sourire. Ils evitent d’interrompre l’hymne national. A fin de l’hymne, les activistes entonnent aussi une autre chanson patriotique, « Liberté ». La police laisse faire
Les agents de la garde présidentielle sortent tous, pour venir assister à l’embarquement de Nitcheu et de ses seconds. Il n’en est rien. Les deux s’engouffrent dans un entretien très amical entre les activistes. Ils leur demandent d’ailleurs quelques posters, que le Code offre sans se faire prier. A ce moment précis, Nitcheu demande la levée du siège, et improvise un entretien avec la presse présente.
« Nous avons atteint notre objectif », déclare Brice Nitcheu. « Désormais, Paul Biya doit savoir que nous suivons tous ses mouvements. Il ne pourra plus se cacher en Europe. Et tous les voyous et profiteurs qui l’entourent, y compris ceux qui composent sa garde, se rendent bien compte que cet homme qui a mis notre pays par terre, ne tardera pas à rendre de tous ses crimes. Nous allons le traquer partout, et lui rendre l’humiliation qu’il inflige au peuple camerounais au quotidien »
Les activistes, qui sont venus de Londres et de Bruxelles, ont repris la route, et promettant
de revenir dans les prochains jours, à sans doute à l’ occasion du sommet de la Francophonie qui se tient  à Montreux, toujours en Suisse, au moins d’octobre.
On n’avait plus entendu parler de Brice Nitcheu depuis des mois. « Nous ne perdons plus notre temps dans des rencontres et des résolutions et autres communiques qui ne servent à rien, et nous n’allons  plus jamais communiquer nos actions avant de les exécuter. Nous agissons maintenant en  privilégiant l’effet de surprise. Nous avons installé ici à Genève une antenne opérationnelle pour traquer Paul Biya », conclu t-il.
Avec l’action spectaculaire et audacieuse qui vient de prouver l’impuissance de la sécurité présidentielle à l’Intercontinental,  on peut simplement en déduire que le leader du Code sait de quoi il parle. Just wait and see
Yolande Tankeu

à Genève