Eviter que le Cameroun devienne un poudrière

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Les Camerounais ont vécu la situation postélectorale du Gabon avec le sentiment de quelqu’un qui va au deuil du voisin pour pleurer sur sa propre mort supposée prochaine, même s’il est peu probable qu’avant 2018, des barons du RDPC aient pris leurs quartiers du RDPC, pour se présenter contre Paul Biya. On a beau se dire, ou constater que le RDPC est en train de s’organiser pour gagner comme toujours, on ne peut ne pas s’inquiéter de ce qui pourrait se passer dans cette hypothèse-là. D’autant plus que la jeunesse (environ 60% de la population) s’indigne de plus en plus que le pays continue d’être géré, et surtout exploité à titre privé par des octogénaires sans vision d’avenir.
Si l’on prend en compte le fait que cette « jeunesse androïde » du Président Biya est maintenant capable, de se connecter instantanément grâce aux réseaux sociaux, pour entrer dans la mouvance qui ressemble désormais à une démocratie de la rue ; et si on est un leader politique ayant tant soit peu le souci de la paix et du vivre ensemble dans le Cameroun de demain, alors, on a l’obligation de s’inquiéter de ce que les socio politologues pointent comme « un chaos latent derrière l’apparente tranquillité du pays ».

Pendant trente ans, M. Biya a défié le peuple dont il a confisqué la souveraineté par des votes truqués, en tournant en dérision toutes ses exigences légitimes, telles que la Conférence nationale souveraine, une Commission électorale indépendante, la limitation des mandats présidentiels, la déclaration des biens des dirigeants, des élections transparentes, une liberté d’expression authentique ; bref, toutes choses  aboutissant à l’instauration d’un État de droit, et à la réalité palpable d’un « gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple » sans lequel la démocratie n’est qu’un mot fossile chez nous.
A l’aube du fameux renouveau dont les hommes ne devaient pas être des « hommes nouveaux », M. Biya a affirmé à la presse française qu’il voulait rester dans l’Histoire comme celui qui a apporté la démocratie au peuple camerounais. Ensuite il a fait écrire par Cameroon Tribune qu’il voulait « conduire le changement à son rythme » (façon sans doute de dire : en faisant du sur place). Puis, tour à tour, il s’est mis à traiter ses opposants « d’apprentis sorciers », de « vendeurs d’illusion », pour finalement se demander  « veulent-ils changer le changement ?  « Qui sont-ils ? »,», signes que notre Président est un démocrate civilisé, et respectueux de ses adversaires politiques.
Au bout du compte, les élections présidentielle, sénatoriale, législative et municipale de 2011 et 2013 apportent la preuve d’une seule avancée dans la démocratisation de M. Biya : le retour à un monolithisme pluriel dans lequel, les apprentis sorciers, et vendeurs d’illusion ne siègent au Parlement – si cela leur arrive – que pour servir d’alibi démocratique au RDPC.
Tous les 5 et 7 ans, les populations acceptent ou refusent de se rendre dans les urnes où elles sont supposées se choisir librement soi-disant, des gouvernants ou des représentants dans les instances délibérantes du pays.
Ceux qui refusent d’y aller ont la conviction, à l’épreuve des faits, que c’est une perte de leur temps. Ils ne croient pas pouvoir par leur vote, changer quoi que ce soit dans la gouvernance, dans la mesure où leur vote n’est pas pris en compte. Cette incrédulité induit que depuis le retour des élections pluripartites dans le pays, l’électorat est resté bloqué en dessous de 5 millions de personnes sur un potentiel de 18 millions. Le chef de l’État est ainsi régulièrement élu avec un taux oscillant entre 17 et 30%, soit en termes de légitimité, une moyenne de plus ou moins 12% de la population du pays.
Ceux, minoritaires, qui se rendent aux urnes doivent voter contre leur conscience, car la pauvreté et le dénuement aidant, ils sont achetés pour donner leur voix au parti au pouvoir. On sait que ventre affamé n’a point d’oreilles, surtout lorsque la corruption est là pour rendre sourd et aveugle. Dans un département de notre beau pays, lors du scrutin de 2913, on a vu des dignitaires du parti au pouvoir constituer une cagnotte de 200 millions de francs, pour pouvoir gratifier de 10 000 FCFA tout électeur qui leur apporterait l’entièreté des bulletins de leurs adversaires, pour faire la preuve qu’il a bel et bien voter pour le RDPC et donc contre l’opposition. Il en aurait été de même dans les sept départements de ladite région, au su des autorités administratives.
Je devrais me demander comment un régime dont le leitmotiv est la lutte contre la corruption réussit à corrompre les électeurs avec l’argent, à corrompre les élus avec des privilèges indus et sans retenue, et à corrompre la justice par le chantage alimentaire sur les magistrats. Mais, mon objectif aujourd’hui est seulement de montrer qu’il n’y aura pas dans notre pays une Démocratie entendue comme « un gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple » aussi longtemps que les règles du jeu électoral ne permettront pas à tout citoyen en âge de voter, de se rendre dans un bureau de vote neutre et sécurisé, et d’aller dans l’isoloir pour glisser dans une enveloppe le bulletin du parti ou du candidat qu’en conscience il juge apte a doter le Cameroun de la meilleure gouvernance possible.
Il se trouve des Camerounais pour penser que « la démocratie que nous sommes en train de vouloir copier aujourd’hui […] reste et demeure une culture purement occidentale […]. Et même si c’était vrai, cela justifierait-il qu’on la tropicalise et s’en serve seulement comme trompe-l’œil pour maltraiter les populations et confisquer leur souveraineté ?
N’importe comment, nous ne sommes plus qu’à 24 mois de 2018. M. Biya qui est encore bien loin de l’image qu’il souhaite laisser dans l’Histoire, va-t-il laisser ce rendez-vous se transformer en échéance de tous les dangers ? Toujours est-il qu’il serait temps pour lui, de songer à créer les conditions d’élections transparentes dans leur organisation, justes dans leur représentativité, et accessibles à tous ceux qui en ont le droit, y compris à cette jeunesse qui est suffisamment RESPONSABLE pour aller en prison, ou pour faire la guerre contre le Boko haram, mais à qui le droit de vote est toujours refusé.
Après quelques-uns de ses devanciers, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), vient de commettre une correspondance au Chef de l’État, pour l’alerter « contre les menaces potentielles qui pèsent sur les lendemains électoraux au Cameroun, si le pouvoir demeurait sourd à la demande de réforme consensuelle du Code électoral, et sur les risques du glissement du calendrier électoral »
Dans son courrier, après avoir rappelé à M. Biya que le MRC a introduit au Parlement depuis décembre 2014 une proposition de loi portant modification du Code électoral dans laquelle il propose les modifications à apporter à la loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral, modifiée et complétée par la loi n°2012/017 du 21 décembre 2012, Maurice Kamto présente, sans être exhaustif, quelques points sur lesquels devra porter la réforme, notamment
l’instauration du bulletin unique; 2) les procès-verbaux (PV) à souches toutes originales et faisant foi, donc opposables à toutes les parties en cas de contestation; 3) le scrutin à deux tours pour la présidentielle; 4) la limitation des mandats présidentiels à deux; 5) les conditions d’une stricte application de l’article 96 (4) qui interdit l’ouverture de bureaux de vote dans les lieux non ouverts au public; 6) la visite physique des bureaux de vote par les parties prenantes avant le jour du scrutin; 7) les conditions d’un strict respect de l’article 97 qui impose que les listes des bureaux de vote soient affichées au moins huit (8) jours avant la date du scrutin; 8) l’interdiction de distribuer les cartes d’électeurs le jour du vote; 9) le découpage électoral consensuel qui respecte le poids démographique et l’égalité des circonscriptions; 10) l’instauration de la majorité électorale à 18 ans; 11 la possibilité de faire dresser des constats d’huissier le jour du vote sans requérir l’ordonnance d’un juge; 12) l’égalité d’accès des partis politiques et des candidats qualifiés aux médias publics pendant la campagne électorale; 13) la recomposition d’ELECAM afin qu’elle ne soit plus une antenne du RDPC. 14) Et au-delà du Code électoral, le respect permanent des libertés d’association, de réunion et d’expression aujourd’hui gravement entravées par des autorités administratives outrageusement partisanes.
Faisant notre ces propositions pertinentes nous avons décidé de les relayer, en espérant que pour une fois, la réponse du président de la République ne sera pas que « le chien aboie, la caravane passe ». Car le contexte politico-culturel n’est plus ni celui de 1992 ni celui de 2008. Les bombes sociales à retardement sont déjà trop nombreuses pour qu’une échéance électorale soit le prétexte de leur déclenchement.