• Full Screen
  • Wide Screen
  • Narrow Screen
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size

Elections au Cameroun: Transparence opaque - Page 7

Envoyer Imprimer PDF
Index de l'article
Elections au Cameroun: Transparence opaque
Un jeu au dé pipé et à l’enjeu vicié
Les élections bancales au Cameroun de A à Z
L’impartiale dépendance
Nécessité d’un code électoral unique et consensuel
Le fichier électoral virusé
La réalité diverse des commissions électorales nationales
Mathias Eric Owona Nguini
Toutes les pages
La réalité diverse des commissions électorales nationales

La plupart des pays qui ont mis en place une commission électorale, ont expérimenté la formule dès la période de transition. Ensuite, ce modèle de gestion s'est imposé ou l'a été par la pression des oppositions. Ce phénomène s'inscrit dans un contexte particulier avec l'impératif libéral en matière économique et l'impératif démocratique en matière politique. Dans ce contexte s'impose la mise en place de « nouveaux modes de régulation de l'action publique » qui peuvent s'interpréter comme « la mise en place d'un tiers régulateur chargé de superviser le jeu social, en établissant certaines règles et en intervenant de manière permanente pour amortir les tensions, régler les conflits, assurer le maintien d'un équilibre d'ensemble ».
La composition de ces commissions électorales peut être très variable. Dans une forme très large elles associent, outre les représentants des partis de la majorité au pouvoir et ceux de l'opposition, des représentants des organisations de la société civile, ceci indépendamment de la nature du pouvoir en place. On retrouve ainsi cette configuration au Mali mais aussi au Burkina Faso. Pour les premières élections organisées sous la IIIe République malienne, une Ceni est mise en place par l'adoption du code électoral en janvier 1997. C'est le bâtonnier de l'ordre des avocats, Me Kassoum Tapo, qui la préside. Elle comprend 30 membres et est chargée de l'organisation et de la gestion des élections. Après la réforme du code électoral en février 2002, la Ceni ne comprend plus que quinze membres, mais garde cette pluralité. Au Burkina Faso, la Ceni mise en place lors du processus électoral de 1998 procède du même équilibre, mais intègre également des représentants des centrales syndicales. À l'opposé, d'autres commissions électorales présentent une composition basée exclusivement sur les partis politiques, comme au Togo où figurent à part égale les représentants du parti majoritaire et des partis de l'opposition.
Ces variantes dans la composition ne sont pas neutres. La commission électorale togolaise reste enfermée dans la bipolarité politique pouvoir-opposition, que la présence de membres de la société civile permet de rompre dans les autres exemples. Cela renvoie à la capacité de médiation du conflit politique de ces commissions, qui est essentielle dans certains cas. Par exemple, au Congo, la commission électorale mise en place en décembre 1992 après les premiers affrontements, a été présidée par un militaire, le général Ngollo, toujours ministre de la Défense, tandis que l'armée s'érigeait en arbitre du conflit.
Le mandat des commissions électorales est lui aussi très varié selon les situations. Rares sont celles qui peuvent assurer le suivi, a fortiori l'organisation du processus électoral dans toute sa continuité : préparations des listes, validation des candidats, contrôle de la campagne, organisation matérielle du scrutin, contrôle des modalités du vote le jour de celui-ci, contrôle des opérations de dépouillement et de la promulgation des résultats. De même, les commissions peuvent être chargées de l'organisation pratique du processus ou au contraire ne simplement assurer qu'un contrôle, un suivi des opérations électorales organisées par l'administration territoriale de l'État.
L'existence d'une commission électorale nationale ne signifie pas forcément que l'administration territoriale de l'État soit complètement court-circuitée (Burkina Faso) dans la gestion pratique de l'élection. La Ceni burkinabé a pour fonction non seulement la supervision des listes et cartes, le recensement des coûts, l'acquisition et la ventilation et la gestion des moyens nécessaires aux opérations de vote, mais elle d'autres commissions électorales présentent une composition basée exclusivement sur les partis politiques, comme au Togo où figurent à part égale les représentants du parti majoritaire et des partis de l'opposition.
Ces variantes dans la composition ne sont pas neutres. La commission électorale togolaise reste enfermée dans la bipolarité politique pouvoir-opposition, que la présence de membres de la société civile permet de rompre dans les autres exemples. Cela renvoie à la capacité de médiation du conflit politique de ces commissions, qui est essentielle dans certains cas. Par exemple, au Congo, la commission électorale mise en place en décembre 1992 après les premiers affrontements, a été présidée par un militaire, le général Ngollo, toujours ministre de la Défense, tandis que l'armée s'érigeait en arbitre du conflit.
Le mandat des commissions électorales est lui aussi très varié selon les situations. Rares sont celles qui peuvent assurer le suivi, a fortiori l'organisation du processus électoral dans toute sa continuité : préparations des listes, validation des candidats, contrôle de la campagne, organisation matérielle du scrutin, contrôle des modalités du vote le jour de celui-ci, contrôle des opérations de dépouillement et de la promulgation des résultats. De même, les commissions peuvent être chargées de l'organisation pratique du processus ou au contraire ne simplement assurer qu'un contrôle, un suivi des opérations électorales organisées par l'administration territoriale de l'État.
L'existence d'une commission électorale nationale ne signifie pas forcément que l'administration territoriale de l'État soit complètement court-circuitée (Burkina Faso) dans la gestion pratique de l'élection. La Ceni burkinabé a pour fonction non seulement la supervision des listes et cartes, le recensement des coûts, l'acquisition et la ventilation et la gestion des moyens nécessaires aux opérations de vote, mais elle doit assurer la sécurité du scrutin et l'acheminement et la proclamation provisoire des résultats, qui n'est officielle qu'après promulgation par la Cour suprême. Les membres de la Ceni sont assistés de façon pratique par des personnes ressources extérieures dans le cadre de sous-commissions. Ainsi ce sont des commissions administratives émanant du ministère de l'Administration territoriale et de la sécurité burkinabé qui ont notamment réalisé la révision des listes électorales avec un membre de la Ceni pour superviser les opérations.
Du point de vue de l'analyse institutionnelle, la qualification juridique de ces commissions n'est pas évidente. A. Loada les assimile à des « autorités administratives indépendantes » s'inspirant de J.L. Quermonne :
« Instances administratives situées hors de la mouvance du gouvernement, d'un département ministériel ou de leur délégués, et qui reçoivent de l'État la mission d'opérer la régulation d'un secteur sensible de la vie en société, à l'interface de la société civile et du pouvoir politique »
Par contre, si leur caractère administratif ne fait pas de doute « ils se présentent également sur le plan formel comme un ensemble organisé de moyens matériels et humains mis en œuvre en vue de l'exécution de tâches précises », leur indépendance est beaucoup plus sujette à caution, en dépit de cette qualité conférée par la constitution ou le juge administratif :
« Pour certains, ce sont les garanties statutaires accordées, organiques et fonctionnelles (durée du mandat, inamovibilité, immunités, incompatibilités, obligations des membres, autonomie de gestion administrative et financière, absence de contrôle hiérarchique, etc.) qui permettent d'apprécier le degré d'indépendance d'une institution. Encore faudrait-il que ceux qui la font fonctionner soient animés d'une réelle volonté d'indépendance, et non de dépendance mue par la détermination de tirer quelques ressources du clientélisme ou du népotisme, dans un contexte économique, politique ou social favorable à ce type d'échange social ».
La Cen n'est donc qu'un des acteurs du processus électoral, qui en porte en grande partie la légitimité et la responsabilité. Mais la Cen à elle seule ne peut garantir l'équité et la liberté du processus électoral. Elle doit souvent s'appuyer au niveau local sur les autorités étatiques. Elle est tributaire de ses relations avec les autres intervenants. Ainsi au Togo, la Cen doit collaborer avec des préfets aux ordres du général Eyadéma. Sur un autre plan, la Cen est confrontée à un autre acteur que sont les observateurs électoraux, nationaux ou internationaux. Si en général ils sont officiellement placés sous l'égide de la Cen, en réalité ils représentent une source différente de légitimation qui parfois vient conforter la Cen comme parfois elle vient la neutraliser. Le rôle des observateurs est loin d'être neutre.
Céline Thiriot
Source : Voter en Afrique. Comparaisons et différenciation, Paris, L’Harmattan, 2004, pp 136-139. Pour les notes page, consultez l’ouvrage.

 



Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir