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Médias Au nom de notre amitié - Médias

Au nom de notre amitié - Médias

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Index de l'article
Au nom de notre amitié
Pius Njawé: Fin tragique d’une vie titanesque
Pius N. Njawe plus vivant que jamais
Pius Njawé : Né pour combattre
Pius N. Njawe: Bloc-notes du Bagnard
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Pius Njawé : Né pour combattre

Durant son existence, Pius N. Njawe  n’aura pas connu une vie du tout aisée. Que ce soit comme journaliste, parent ou simplement comme citoyen, tout n’aura été que douleur et  combat

La fin tragique et douloureuse du Président du Free media group, entreprise éditrice du quotidien Le Messager dont il était par ailleurs le directeur de la publication, est à l’image de l’existence que Pius N. Njawe aura menée. Il aura en effet affronté une adversité plurielle dès sa naissance.
Né le 04 mars 1957, à Babouantou dans le département du Haut-Nkam, région de l’Ouest, Pius Noumeni Njawe doit, dès l’entame de sa vie, se battre contre le destin. Du fait des troubles sociopolitiques ayant précédé l’indépendance, son père abandonne le jeune Pius pour prendre la route de "l’exil intérieur". Il meurt quand il a neuf ans. Dès lors, Njawe se débrouille tout seul et obtient son Cepe en 1968. Départ pour Douala, puis inscription dans un collège de la ville et abandon des études, quatre années plutard, faute de soutien financier.
A partir de cet instant, il signe son entrée dans la vie active. Première activité, garçon de course, entre 1972 et 1974, dans le journal Semences Africaines, crée par René Philombe et un groupe d’amis. "Je me suis intéressé très tôt au métier de journaliste", se confiait-il en 1991, à son confrère de La Nouvelle Expression. En 1974, Semences Africaines est contraint à la fermeture du fait de sa ligne éditoriale impertinente pour la classe politique dirigeante de l’époque. Du coup, pendant quelques années, Pius N. Njawe a été vendeur à la crié dans les rues de Yaoundé avant  d’atterrir à Douala où il se fait recruter comme localier à La Gazette de Abodel Karimou. En 1979, pour des raisons de convenance personnelle, le jeune reporter quitte La Gazette et va à Bafoussam créer son propre journal, Le Messager.
Dès lors, s’ouvre un autre front pour lui. Il a alors 22 ans, mais malgré cette jeunesse, il s’engage résolument sur la voie du combat pour la liberté de presse. C’est ainsi que le journal rentre définitivement dans la cour des grands en publiant dans les années 1985, c’est-à-dire, trois ans seulement après l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême, un échange épistolaire par média interposé entre le philosophe pro biyaiste, Hubert Mono Ndjana et le juriste anti biyaiste, Maurice Kamto. Njawe et son canard sont désormais dans le point de mire du régime Biya : intimidations, interpellations, arrestations, emprisonnement, tentatives d’enlèvement, tentatives de "récupération", procès, puis censures, etc., sont au menu de la vie du journal et de ses dirigeants. Tout cela ne leur a pas fait que de mal puisque dans les années 1990, périodes de braise, Le Messager  a atteint un record de tirage jamais égalé : 120 000 exemplaires par semaine.

L’étau se resserre

A la faveur du multipartisme intervenu dans notre pays en 1990, Le Messager et son directeur seront une fois de plus au centre de l’actualité. Le 27 décembre 1990, Pius N. Njawe fait publier dans son journal une lettre ouverte de Célestin Monga intitulé "la démocratie truquée" à Paul Biya. Cette impétuosité vaut à Njawe et à Monga une condamnation à six mois d’emprisonnement, avec sursis de trois ans, et 300 000 F.Cfa d’amende chacun. Motif invoqué : "outrage au président de la République, outrage au membres de l’Assemblée nationale, outrage aux cours et tribunaux". Mais à sa sortie de prison, le combat continue. Le 04 septembre 1991, le patron du journal "à l’écoute du peuple" prend part à une marche de protestation contre la suspension arbitraire de cinq publications de la presse indépendante. Toujours en première ligne, au risque de perdre sa vie pour les autres, Njawe à failli être froidement abattu par un militaire lors de cette marche. "Je n’ai pas peur d’être sur la liste noire des personnes à abattre", confiait-il à Edmond Kamguia.
Comme il aimait souvent à le rappeler, il a été interpellé 126 fois pour presque autant de procès et 3 fois emprisonné . L’un des procès les plus retentissants est celui de décembre 1997 qui lui vaut 10 mois de prison à New Bell à Douala, pour avoir écrit que Paul Biya aurait eu un malaise cardiaque à la mi-temps de la finale de la coupe du Cameroun de football. Son épouse Jane Njawe, enceinte, donne naissance à un mort-né, suite aux tracasseries  et aux nombreuses bousculades dont elle a été victime aux portes de la prison centrale de Douala. Cela le marquera toute sa vie, tout comme cet exil au Benin, après l’élection présidentielle de 1992, parce que sa vie et celle de sa famille étaient menacées. Même au Benin où il a trouvé refuge, deux tueurs à gage ont failli lui ôter la vie n’eut été sa vigilance. Le 13 mai 1993, c’est-à-dire, à peine un mois après son retour d’exil, il est enlevé.
Avec toutes ces tracasseries, on aurait pu penser que c’en était trop pour ce journaliste, pourtant le plus dur était à venir. Septembre 2002, Jane Njawe, son épouse, trouve la mort dans un accident de la circulation, entre Douala et Yaoundé. Une fois de plus touché dans son amour profond, il crée en la mémoire de son épouse et de sa fille perdu du temps où il était en prison à New Bell la Fondation Jane & Justice dont la mission est de sensibiliser les usagers de la route sur le bien fondé du respect du code de la route.
Le 17 novembre dernier, il a célébré les 30 ans du Messager dans un sentiment mitigé. Il est vrai que 30 ans représentent plus de 3000 éditions, mais les défis restaient pourtant nombreux à relever. Par exemple, l’ouverture de sa chaîne de radio, et plutard celle de la télévision. Malheureusement, il quitte la scène sans avoir réalisé ses rêves, à cause d’un régime frileux qui n’aime pas avoir à faire aux esprits libres.
Professionnel aguerri, homme de cœur avéré, Pius N. Njawe était aussi un formateur, en dépit de tous les noms d’oiseau dont on l’affublait. Il enseignait le journalisme des les Universités américaines. Contradicteur et journaliste engagé, il l’a aussi été. Et c’est dans cette optique qu’il a répondu présent à l’appel du Camdiac le 10 juillet dernier, se privant ainsi d’un séjour d’agrément tous frais payés en Afrique du Sud où il était attendu pour la première coupe du monde de football organisée en terre africaine.
Au lieu donc de ce plaisir personnel, Njawe a préféré aller au front pour une cause commune. Il y trouve malheureusement la mort, les armes à la main. De la manière il est mort, après avoir vécu comme il a vécu, il sera désormais difficile de citer des exemples de patriote africains tels que Mandela, Amical Cabral, Diallo Telli, Kwame Nkrumah, Mongo Beti, Thomas Sankara, Norbert Zongo, etc., sans citer Pius N. Njawe. Et ce sera un autre honneur pour le Cameroun.

Simon Patrice Djomo



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