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Quand les opposants refusent le pouvoir. Analyse des stratégies de la défaite. - Occasions manquées et myopie de l'opposition camerounaise, par Enoh Meyomess

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Index de l'article
Quand les opposants refusent le pouvoir. Analyse des stratégies de la défaite.
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Elections en 2018 au Cameroun : Faut-il déjà crier ''haro'' sur l'opposition?, par Roger Kaffo Fokou, enseignant, écrivain et chercheur
Les opposants et leurs stratégies de la défaite, par Ikemefuna Oliseh
Pour changer la donne
Le charlatanisme comme alternative politique, par Jean-Bosco Talla
Le défi de l'organisation
Les chances de succès des candidats potentiels ou déclarés sont assez limitées, par Ahmadou Sehou
Occasions manquées et myopie de l'opposition camerounaise, par Enoh Meyomess
Problèmes actuels de nos luttes actuels, Guillaume Henri Ngnepi, Philosophe
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Occasions manquées et myopie de l'opposition camerounaise, par Enoh Meyomesse
Pendant longtemps des occasions et des opportunités ont été offertes aux «opposants» camerounais pour prendre le pouvoir. Ils les ont laissés passer. par myopie, par tribalisation du débat politique ou en faisant des choix politiques contre-productifs
Lorsque la démocratie a été de retour au Cameroun en 1991 après une interdiction de 25 longues années, tout semblait indiquer qu’une alternance politique allait immanquablement se produire dans les meilleurs délais dans le pays. Mais, aujourd’hui, soit 27 ans plus tard, il n’en est toujours rien. Comment expliquer cela ? Bien que les causes de cette situation soient multiples, il est néanmoins possible de retenir celles-ci comme étant les fondamentales.

 

La destitution de Samuel Eboua de la présidence de l’UNDP.
La jeune génération de Camerounais qui n’a pas vécu les batailles politiques de 1991-1992 ne mesure pas suffisamment le désastre qu’a constitué, pour l’opposition camerounaise, la destitution de Samuel Eboua de la présidence de l’Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès, Undp.
En effet, en 1991-1992, face à Paul Biya, seules deux figures politiques étaient de nature à le mettre en difficultés lors du scrutin présidentiel du mois d’octobre 1992, à la condition qu’elles fussent dotées de formations politiques qui, par leurs implantations, étaient capables de mobiliser les masses. Il s’agissait d’Ayissi Mvodo Victor, d’une part, et d’Eboua Samuel, d’autre part. Tous les deux, anciens barons du régime d’Ahmadou Ahidjo, représentaient aux yeux de la population, des figures hautement crédibles parce que bien connues et plutôt appréciées par elle, pour remplacer Paul Biya. Il importe de le rappeler, une élection présidentielle est avant tout un rendez-vous entre un homme, et son projet politique, d’abord, et les électeurs, le tout soutenu par une efficace machine électorale. Sans candidat d’envergure, et sans une machine électorale performante, les chances de succès sont minimes.
Ayissi Mvodo n’avait guère manifesté le désir de se porter candidat, à la différence d’Eboua Samuel. Ce dernier, en revanche, président de l’UNDP, remplissait les deux conditions évoquées ci-dessus.
A l’issue d’une émission de très grande écoute de la CRTV intitulée « Actualité hebdo » et diffusée le dimanche soir, sa stature de présidentiable et de challenger valable de Paul Biya s’était confirmée. Il ne faisait plus de doute tout au long des mois qui ont suivi, que le futur Président de la République s’appellerait Eboua Samuel. L’année 1991 s’est ainsi achevée sur cette certitude. Mais, voilà que contre toute attente, à la veille des élections législatives du 1er mars 1992, les premières après le retour de la démocratie au Cameroun, un congrès extraordinaire de l’Undp est convoqué, avec pour unique point d’ordre du jour : la destitution d’Eboua Samuel et son remplacement par Bello Bouba Maïgari. Les mises en garde des uns et des autres n’ont pu rien y faire. Le congrès s’est bel et bien tenu à Garoua, et Eboua Samuel a été évincé de la présidence de l’Undp. Ce parti politique a du coup perdu sa stature nationale, pour se rétrécir d’année en année sur le Nord du pays, au point d’être devenu un petit parti finalement régionaliste comme il en existe de très nombreux au Cameroun. A l’élection présidentielle de 1992, le candidat présenté par l’UNDP n’est finalement arrivé qu’en troisième position, avec 19% des voix.

Le boycott des législatives de 1992 par le SDF et l’adoption en conséquence du scrutin présidentiel à un tour.
Eboua Samuel évincé de la présidence de l’UNDP, de nombreux militants de ce parti se sont dirigés vers le SDF, qui jusque-là ne bénéficiait guère d’un grand rayonnement. Ses rangs se sont du coup gonflés, au point d’être rapidement devenu la première formation politique de l’opposition.
Mais, contre toute attente, le SDF a boycotté les législatives du 1er mars 1992, laissant ainsi accéder au Parlement, des formations politiques pour la plupart se présentant pour la plupart comme des continuités de l’UNC. Malheureusement, au cours de cette législature, la loi électorale portant élection du Président de la République a été adoptée, avec pour caractéristique un scrutin à un seul tour ! L’opposition s’est, à la suite de celle-ci, retrouvée fortement handicapée pour accéder au pouvoir suprême. Un scrutin à deux tours en effet, lui aurait indiscutablement permis d’accéder depuis 1992 à la Présidence de la République.
Il y a tout lieu de valablement estimer que cette décision funeste du SDF aura été une erreur monumentale, une balle tirée dans le pied de l’opposition par elle-même.

La tribalisation du débat politique
Aussitôt la démocratie de retour au Cameroun, maladie infantile probablement de celle-ci dans notre pays, le débat politique a été fortement tribalisée par la presse, d’abord, et ensuite par nous de l’opposition naissante. Bien avant la fin du premier trimestre de l’année 1991, le discours des uns et des autres est devenu nauséabond. Le merveilleux slogan émis par le SDF « Suffer don finish », est rapidement devenu « Sangmelima don fall ». Puis, on s’est mis à entendre, « Beti égale bêtise », « bête comme un Beti », « stupid like a Beti », « tchop bluck pot », et également, « il faut enfin que ceux qui travaillent puissent enfin jouir des fruits de leur travail ». Lorsqu’à ces dégoûtantes paroles se sont rajoutées les violences des villes mortes, le repli de la communauté Beti autour de Paul Biya, s’est opéré, et ce dernier a eu beau jeu de crâner en ces termes : « lorsque Yaoundé respire, le Cameroun vit ». En clair, nous, de l’opposition, lui avons offert gratuitement une population qui a été la première, en 1986, à contester son pouvoir dans son propre département d’origine, le Dja & Lobo, alors que tout le reste du pays le vénérait encore comme un Dieu. Nous lui avons offert un électorat d’environ 20% des voix sur le plan national qu’il conserve jusqu’à ce jour. Dans un contexte d’un scrutin à un tour, ceci se transforme inévitablement en gros handicap pour nous de l’opposition.
Cette tribalisation politique du débat, malheureusement, revient de nouveau en force aujourd’hui, alors que se profile une nouvelle élection présidentielle en fin d’année.

Des choix politiques contre-productifs
Très souvent, nous de l’opposition, nous prenons des positions politiques qui au final nous conduisent dans des impasses, en tout cas, ne nous ouvrent guère les portes du pouvoir. Il en est ainsi actuellement du pari que nous faisons sur les violences dans le NW et le SW. Nous soutenons de manière à peine voilée les sécessionnistes, dans l’espoir que ceux-ci feront tomber le régime et nous prendrons alors le pouvoir. Naturellement, nous nous trompons royalement. D’une part, au Soudan, il y a eu sécession, et Omar El Béchir n’est pas tombé, d’autre part, au Zimbabwe, Mugabé a été renversé ans que l’opposition ne prenne le pouvoir. Donc, miser sur la réussite de la sécession pour accéder au pouvoir au Cameroun est une option politique totalement erronée.

Le pari erroné de la diaspora.
Nous pensons dans l’opposition que la fameuse « diaspora » camerounaise nous sera d’un apport décisif pour accéder au pouvoir. Alors, nous nous bousculons systématiquement auprès d’elle, pour attirer sa sympathie, mais aussi prétendument pour accroître notre audience et notre crédibilité au Cameroun. Erreur monumentale. D’abord, en Europe comme en Amérique, 75 à 80 % des Camerounais qui y sont installés ont depuis longtemps renoncé à la citoyenneté camerounaise. En Allemagne, par exemple, sur les vingt mille Camerounais qui s’y trouvent, près de seize mille sont déjà Allemands ! En France, sur près de trois cents mille Camerounais, au moins deux cents cinquante mille sont depuis longtemps Français. Autre information, sur les 1700 médecins Camerounais qui exercent leur métier en Allemagne, 1400 sont déjà Allemands ! Seuls 300 sont demeurés Camerounais, mais pour combien de temps encore ! Aux Etats-Unis et au Canada, c’est une situation identique qui prévaut. En conséquence, lorsque nous nous targuons d’avoir fait le plein d’une salle à Nanterre, Créteil, à Montréal, à Washington ou à Berlin, combien de votants il y avait-il parmi ces « Camerounais » qui nous ont chaudement applaudi ? Parfois, pas même vingt !
Enoh Meyomesse



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