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Médias Paul Biya, La malédiction du 6 novembre 1982 - Signes prémonitoires d'une fin de règne tumultueuse annoncée

Paul Biya, La malédiction du 6 novembre 1982 - Signes prémonitoires d'une fin de règne tumultueuse annoncée

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Index de l'article
Paul Biya, La malédiction du 6 novembre 1982
La Grande désillusion
Paul Biya : L'obsession de l'éternité
Signes prémonitoires d'une fin de règne tumultueuse annoncée
Signes prémonitoires d'une fin de règne tumultueuse annoncée
Signes prémonitoires d'une fin de règne tumultueuse annoncée
Paul Biya et la malédiction aujouliste
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Signes prémonitoires d'une fin de règne tumultueuse annoncée
Le jugement de la majorité des Camerounais est sans appel: le Renouveau est une illusion, un rêve inabouti. Les premiers signes avant-coureurs remontent à 2006, et même avant cette année si on tient compte de l’âge et de l’état de santé de Paul Biya qui radote très souvent.
Le lundi 12 novembre 2007, les Camerounais(es) étaient surpris(es) et choqué(e)s d’apprendre, selon un communiqué de presse signé de Laurent Esso, alors ministre d’État, Secrétaire général de la présidence de la République, que dans la presqu’île de Bakassi, une position de nos forces de défense, située au confluent du Rio del Rey et la crique Isangele, était attaquée à l’arme collective par un groupe d’individus sans attributs militaires apparents. D’après ce communiqué, les assaillants qui naviguaient à bord de sept (7) embarcations rapides, s’étaient rapprochés du poste baptisé C3 et avaient ouvert le feu sur nos militaires, faisant 21 morts et 10 blessés. Ripostant à cette attaque surprise, nos vaillants hommes de défense avaient fait une dizaine de morts dans les rangs des agresseurs.
Cette agression survenait après l’arrêt de la Cour international de justice (Cij) de la Haye du 10 octobre 2006 qui reconnaissait que la presqu’île de Bakassi fait intégralement partie du territoire camerounais et après le sommet tripartite du 12 juin 2006 entre notre pays, l’Organisation des nations unies (Onu) et le Nigéria, sommet ayant accouché les accords dits de Greentree définissant les modalités permettant au Cameroun d’assurer la gestion de cette partie de son territoire.
Une affaire macabre dont on parlera encore certainement lorsqu’il faudra réécrire l’histoire du Cameroun de Paul Biya qui, porte les stigmates d’une mafia pouvoiriste installée au cœur du ministère de la Défense au moment des faits, laquelle a voulu tordre le coup à Metiegue, vaillant militaire porteur de valeurs républicaines qui n’avait pas voulu entré en collusion avec le marché noir de la vente des armes camerounais entretenu par un gang central connu à l’époque tapis au ministère de la Défense. C’est déjà une curiosité que le chef de ce gang dénoncé par la presse en son temps soit encore en liberté. C’est davantage surprenant que l’officier supérieur venu exécuté les ordres, reconnu par quelques militaires survivants par sa démarche mabongo soit élevé à la dignité supérieure des armées par la main de Paul Biya au nom de l’équilibre régional. Une autre surprise est observée dans le dossier de l’assassinat du colonel Nnanga Pétin dont les commanditaires sont connues, puisque les lettres de dénonciations existent.
Si cette agression avait été condamnée avec la dernière énergie, il faut reconnaître qu’elle était la suite d’une série d’évènements inquiétants et/ou tragiques ayant marqués la vie du Cameroun. Entre autres : une atmosphère polluée par l’annonce de la préparation d’un coup d’État (imaginaire?) ; une bataille féroce entre les clans pour le contrôle du pouvoir; le soulèvement des populations de la ville d’Abong-Bang qui manifestaient leur mécontentement pour revendiquer l’alimentation de la ville en eau et en électricité; le meurtre de deux (2) adolescents, le 17 septembre 2007, au cours de cette manifestation; une mutinerie et une évasion massive à la prison de Yoko dans la nuit du 28 au 29 septembre 2007 avec 25 détenus abattus ; des émeutes survenues le 09 novembre 2007 à Kumba au cours desquelles 2 morts sont laissés sur le carreau; deux morts à Bamenda dans un affrontement entre policiers et motos-taximen.
Plusieurs années après les événements sus-évoqués, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Entre autres, modification de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 ayant permis à Paul Biya de se représenter et d’être élu à la présidentielle de 2011, la prise en otage inédite de la ville de Limbe et de Buéa pendant deux heures par des groupes de bandits venus par mer pour dévaliser les banques, la répression barbares des émeutes de la faim de février 2008 ayant laissé 140 Camerounais sur le carreau, de nombreux accidents de la route, la catastrophe ferroviaire d’Eséka ayant officiellement occasionné 79 morts, l’insécurité chronique, les attentats suicides attribués aux terroristes de Boko Haram et ayant déjà fait plus de 2000 morts.
Comme on peut le constater, le contraste est saisissant entre les déclarations des inconditionnels du régime en place et la réalité vécue par les populations et les citoyens camerounais. Et c’est au moment où les militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) clament, haut et fort, et avec emphase, que la paix et la sécurité règnent sur notre pays et que le Cameroun est un pays stable que ces événements viennent leur rappeler que dans la gestion des affaires d’un pays, rien n’est acquis définitivement. Ceux-ci apportent la preuve que - malgré 35 ans de règne sans partage, de gabegie, de gestion à l’emporte-caisse, d’impunité et d’incantations, de traitement sélectif des proies de l’opération épervier - la dégradation du climat social et des conditions de vie des Camerounais s’aggrave de façon exponentielle et que le Renouveau repose toujours sur des bases très fragiles. Le mal camerounais est si profond que l’on se demande si lesdits événements ne sont pas des signes prémonitoires d’une fin de règne. Autrement dit, ces évènements semblent constituer la chronique d’une décadence inéluctable du Renouveau. Aimé Césaire, dans son Discours sur le colonialisme, ne disait-il pas que « c’est une loi universelle que toute classe, avant de disparaître, doit préalablement se déshonorer complètement, omnilatéralement, et que c’est la tête enfouie sous le fumier que les sociétés moribondes poussent leur champ de cygne » ?
Après les événements sus-évoqués survenus à Bakassi, une commission d’enquête avait été mise sur pied en vue de déterminer la provenance des assaillants et de préciser tous les contours de cet incident. À ce jour, les résultats de cette commission sont connus mais jamais publiés parce que mettant en cause des intouchables de la mafia la plus sanguinaire du Cameroun indépendant.
Ayant été habitués aux méthodes de gestion de la clique au pouvoir qui n’hésite pas à créer des commissions d’enquête quand survient un scandale ou une tragédie, des Camerounais, sceptiques, n’avaient pas eu tort de dire que chez nous pour étouffer une affaire, on créé autour d’elle une commission alimentaire d’enquête.
A raison, puisqu’à ce jour, on ne sait toujours pas ce que sont devenues les enquêtes ouvertes autour de l’assassinat du Père Engelberg Mveng, de Me Ngongo Ottou, de Mgr Yves Plumey, des sœurs de Djoum, de Mgr Jean Marie Benoit Bala, des étudiants de l’université de Buéa, entre autres. Les enquêtes sur les affaires Cellulose du Cameroun (Cellucam), Union centrale des coopératives agricoles de l’Ouest du Cameroun (Uccao), Société de développement du coton (Sodecoton) ont été renvoyées aux calendes camerounaises. Que dire de l’affaire Socar (Société camerounaise d’assurance et de réassurance) alors dirigée par Paul Tessa ex-président de la Commission national anticorruption (Conac) et ami personnel de Paul Biya ? Que sont devenues les affaires Eily Florent Etoga alors Directeur général de la Ctv (Cameroon Television) ; Messi Messi qui dirigeait la Société camerounaise de banque (Scb), une banque coulée par la famille présidentielle ; Eboulè Ndoumbè alors Dg de la Loterie nationale, A.F. Nkodock alors Président directeur général de la Cameroon Airlines (Camair) ? Il en est de même pour les affaires nouvelles interessan le Tribunal criminel spécial (Tcs) : pillage des projets structurants, projet banane, projet maïs, acquisition des avions chinois MA 60 par Camair-Co, les affaires d’achat d’armes revélées par la presse française, l’affaire de l’acquisition des hélicoptères sud-africains par le ministère de la Défense à l’époque de Remy Ze Meka, l’affaire Compost, l’affaire de la location des avions présidentiels, les autres clients dans l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel BBjet II dévoilé par le rapport Manguemabe, le présumé détournement du budget de la décentralisation au Minadt par l’entremise du Feicom, l’affaire des émoluments impliquant les magistrats militaires. Pour ne citer que celles-là. Visiblement, malgré les arrestations, les condamnations et les incarcérations de quelques pontes du régime, dans la cadre de l’opération d’épuration politique à tête chercheuse, dénommée par la presse opération épervier, le Cameroun reste une république des affaires classées.
Indubitablement, le silence entretenu autour de tous ces scandales et assassinats traduit la gêne qu’éprouve le régime en place pour faire la lumière, faire connaître aux Camerounais les tenants et les aboutissants de crimes et assassinats le plus souvent cautionnés et même commandités par des personnalités les plus symboliques du régime. Ce silence complice et coupable est le signe d’une dérive vers un système totalitaire marquée par la violence (même symbolique) et la terreur.
C’est d’ailleurs un truisme lorsqu’on affirme que la paupérisation, l’injustice, la misère engendrent l’insécurité et la violence. Dans notre pays, la culture de la violence fait des ravages. Cependant, il y a plus grave. Ce qui est propre à nous, c’est qu’en fait, nous sommes une contrée de barbares. La violence, corollaire de l’aveuglement, de la politique de l’autruche et du mensonge éhontée, est aussi autant infligée aux vivants qu’aux morts. Pendant longtemps, toute honte bue, nous avons enseveli dans les entrailles de la censure les figures emblématiques de notre histoire que sont Um Nyobè, Moumié, Ernest Ouandié, Abel Kinguè et autres Ossendè Afana. Il n’y a pas longtemps encore, Paul Biya, dauphin constitutionnel d’Amadou Ahidjo dont le nom est visiblement tabou dans sa bouche, avait, après plusieurs hésitations, déclaré que la question du rapatriement de la dépouille de son illustre prédécesseur était de la compétence de sa famille.
Ces exemples non exhaustifs sont pris pour montrer que dans notre contexte et au-delà de la violence quotidienne voulue et entretenue, il ne suffit plus que les morts soient morts. Il faut, en plus, qu’ils soient « tués » même dans la tombe. Il ne faut même pas que les générations futures sachent un jour qu’ils ont existé, que sans eux nous n’aurons jamais été ce que nous sommes, ce que nous sommes devenus et ce que nous deviendrons. Même si certains de nos agissements font retourner plus d’un dans leur tombe.
Notre univers est traversé, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, par toutes sortes de menaces que l’on brandi à tout bout de champ, à propos et hors de propos. Même si celles-ci peuvent finir par apparaître soit comme du chantage politique (ce qui affaiblit leur portée), soit comme des manœuvres ou des tests initiés par le système en place désireux de déterminer l’état d’esprit des Camerounais(es) et/ou de s’attirer les sympathies des citoyens et des populations en vue de la mise en place des stratégies de sa pérennisation et de la confiscation du pouvoir politique, il n’en demeure pas moins vrai qu’elles traduisent l’existence d’un malaise profond, qui, faute par Paul Biya et sa clique ( constituée d’une pléthore de ministres et de conseillers occultes) de trouver des solutions idoines, peuvent miner la cohésion nationale et déboucher, un jour ou l’autre, sur des actes de désespoir, incontrôlables et aux conséquences imprévisibles. L’histoire ne nous enseigne-t-elle pas que « les révolutions sont précédées d’une désintégration des systèmes politiques, que l’érosion progressive de l’autorité gouvernementale constitue le symptôme le plus frappant de cette désintégration, et que la cause de cette érosion est l’inaptitude des rouages gouvernementaux à s’acquitter de leur fonction, ce qui conduit les citoyens à douter de leur légitimité », comme le souligne si pertinemment Hannah Arendt ? La situation dans laquelle se trouve le Cameroun tenaillé par la crise dite anglophone qui dure depuis un an, les attaques terroristes attribuées à la secte islamo-djihadiste Boko Haram et les crises sociales multiples, n’est pas si éloignée de celle décrite par cette illustre philosophe.
En tout cas, le souhait de la majorité des Camerounais demeure que Paul Biya laisse le Cameroun tel qu’il l’avait reçu le 6 novembre 1982 et qu’il tienne les engagements qu’il a toujours pris devant ses compatriotes en leur apportant la démocratie, l’État de droit et la prospérité, le respect de la chose publique. Et puisque l’enjeu démocratique semble avoir un sens dans la bouche du chef de l’Etat, et s’il pense que le changement doit avoir lieu, il lui faut rompre avec le vieil homme en lui et, avant son départ de la magistrature suprême, mettre en place un système dont « les fondements sont  le travail, le risque individuel, la responsabilité de ses actes, l’autolimitation et l’autodiscipline par une conscience morale et juridique [constamment cultivée et entretenue] et d’autres valeurs de civilisation » (Hannah Arendt, 1967), mettre en place des institutions fortes qui transcendent les contingences biologiques des individus, instaurer une saine compétition politique entre le Camerounais(es) et un État de droit au sein duquel la transparence, la reddition des comptes, le mérite, le désir de vivre ensemble et d’être meilleur sont encouragés car, souligne Hannah Arendt,  « c’est le désir de l’emporter sur autrui qui fait que les hommes aiment le monde et se plaisent dans la société de leurs pairs, et qui les conduit à prendre part aux affaires publiques ».
Nous osons croire que des réjouissances de l’œsophage marquant l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême, le 6 novembre 2017, à travers son slogan « défendre la nationalité camerounaise » indique peut-être un repenti du renouveau qui apparait jusqu’ici aux yeux de la majorité des Camerounais comme une illusion, un rêve inabouti.
Jean-Bosco Talla