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Arts et Spectacles Crises multiformes: Le prix de la gouvernance différée des problèmes - Quand Paul Biya joue la carte du pourrissement, par Mila Assouté

Crises multiformes: Le prix de la gouvernance différée des problèmes - Quand Paul Biya joue la carte du pourrissement, par Mila Assouté

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Index de l'article
Crises multiformes: Le prix de la gouvernance différée des problèmes
Crise anglophone, Cause anglophone: Mobilisation identitaire et problème national camerounais, par Mathias Eric Owona Nguini
Les Camerounais d'expression anglaise, entre l'enclume et le marteau, par Jean Baptiste Sipa
Décentralisation, Fédéralisme, Sécession...par Alexandre T. Djimeli
Considérations générales sur la ''crise anglophone'', par G.L. Taguem Fah, Université de Ngaoundéré
La fronde des ''Anglos'', par Jean-Baptiste Placca, RFI
Pour une lecture politique de la crise dans les régions anglophones, par Serge Banyongen
Radiographie d'une dictature crépusculaire à huis clos, par Achille Mbembe
Anglophone Crisis: The Too Late President, par Njoya Moussa
Sauvons-nous nous-mêmes, par Guillaueme-Henri Ngnépi, philosophe
Crises anglophone: quelques vérités en guise de feuille de route, par Roger Kaffo Fokou
Et si le moment de la prise de conscience de la jeunesse était arrivé, par Blaise Djibùm
Quand Paul Biya joue la carte du pourrissement, par Mila Assouté
Comment éviter la fracture Francophone-Anglophone, Georges Dougueli
Existe-t-il un problème anglophone au Cameroun ou s'agit-il d'une vue de l'esprit?, par Jean-Emmanuel Pondi
Toutes les pages

Quand Paul Biya joue la carte du pourrissement
Le Cameroun est bloqué politiquement. Et c'est un euphémisme que de le dire. Même au sein du RDPC, « le parti proche du pouvoir », dixit Paul Biya, la dissonance n'est plus un tabou. Les rats se projettent subtils, à quitter un navire dans la tourmente et qui prend de l'eau. La parole se débride y compris à la présidence, parmi les conseillers du prince pour prendre le contre-pied du chef de l'État sur la crise anglophone.
Tout ceci dénote de la grande fébrilité due aux lendemains devenus incertains. La pagaille et la cacophonie sont effroyables. Seul un consensus sincère éloignera l'abîme qui se profile à l'horizon. La question dite "anglophone" n'est finalement qu'un signe précurseur des manifestations du malaise de désaffection et d’usure d'un interminable règne caractérisé par des échecs retentissants.
Le régime Ahidjo était rigide, policier, autoritariste, mais aussi visionnaire, intègre, futuriste et travailleur, au contraire de celui de son successeur désigné, qui est dictatorial, distant, méfiant, paresseux, tribaliste, clanique, kleptocratique et violent. Après plus de trente ans, notre pays a fait un bond en arrière de plus de 50 ans. Tous les acquis économiques bâtis en 22 ans par l’ex-président Ahidjo ont volé en éclats. De nos jours, le socle politique unitaire s’est désagrégé ; le palais de l'unité est devenu celui de la division et même de la criminologie.
L'État du Cameroun doit être reconstruit. Autrement dit, des réformes doivent être entreprises afin d’adapter nos institutions aux mécanismes de production et de satisfaire les attentes des populations. La question sur la forme de l’État n’est certes pas subsidiaire. Mais, nous plaidons pour une régionalisation avec l’exécutif régional élu, ainsi que pour des réformes de la préfectorale.
L'État sous le régime Biya s’est délité. La trop forte centralisation a montré ses limites. De sorte qu’il n'est plus apte à régenter de tout à partir Yaoundé, avec des duchés dans les départements et les régions qui se mêlent de tout.
Les Cameroun ont besoin d’un État protecteur qui rassure le citoyen. Pourtant, les citoyens ne croient plus à la capacité de l'État à réformer le système électoral avant le scrutin présidentiel et à organiser une consultation populaire inclusive. Pourtant, cette réforme est l'une des approches qu’il faudrait privilégier pour sauver notre pays d'un cataclysme politique de forte magnitude.
Ce qui se joue à Bamenda et Buea est révélateur de l'échec des stratégies de contrôle du pouvoir d’État après Paul Biya qui ne donne pas des signes de vouloir mettre fin au supplice des populations qui ont ras-le-bol.
Tous les indicateurs politiques présentent pour 2018, un risque électoral majeur que seul le consensus national peut exorciser.
 Le climat de guerre et d'insécurité chronique provoquées par Boko Haram à l'extrême-nord du pays malgré la maîtrise de la situation par nos forces de défense et de sécurité et la crise régionale dans l'ex-Cameroun occidental qui menace l'unité ne plaident pas pour un pouvoir arrogant et un chef d'État absentéiste, distant.
L'issue de cette confiscation du pouvoir depuis 35 ans risque d’être fatale. Les signes prémonitoires d’une fin de règne sont nombreux et sont le présage soit d’un coup d’État , soit d'une rébellion armée, soit enfin d'une insurrection populaire ou révolution de la rue (dans le meilleur des cas si l'élection présidentielle est différée) surtout si le pouvoir en place opère un passage en force en 2018 sans présenter les gages de transparence à travers  des reformes électorales exigées par la classe politique.
La crise "anglophone" est donc avant tout une crise de la conquête ou de partage du pouvoir d’État dans une atmosphère de guerre de succession, surtout que M. Biya a choisi un dauphin constitutionnel ailleurs que dans ces deux régions alors que les accords de Foumban signés en octobre 1961 réservait la vice-présidence de la République à un ressortissant de l’ex Cameroun occidental.
Paul Biya aux mains de qui se trouve la conduite des destinées de notre pays, saura-t-il s'abstenir de plonger les Camerounais dans des ténèbres en 2018 ? Si oui, la sagesse commande qu’il écoute ses compatriotes en procédant aux réformes politiques et électorales inclusives, et en organisant un dialogue national.
Il y a de sérieuses raisons de craindre que de nouvelles crispations politiques comme celles qui courent dans la zone "anglophone" naissent au cours de l'an 2018.
Une chose est certaine, le Cameroun n’a plus les moyens de supporter des conflits et crises ruineuses qui mettraient en mouvement l'État d'urgence, et qui pourraient entrainer le déploiement de l'armée sur tous les fronts de contestation.
Les dégâts causés par "le commandement opérationnel mis en place à Douala et au nord du pays pour réduire le grand banditisme et les prises d'otages des coupeurs de route sont effroyables : en 1998, un ministre de la sécurité parlait de 5000 morts, sans oublier les 9 disparus de Bepanda
La crise "anglophone", crise politique, il va de soi, a fait aussi de nombreuses victimes. Même si pour minimiser la capacité de nuisance des sécessionnistes, et des grévistes, le pouvoir s'est abstenu d'instituer l'État d'urgence, on se retrouve tout de même avec de nombreux morts, des centaines d’arrestations et des exactions attribuées à tort ou à raison aux forces armées déployées dans la zone militarisée.  
Cette crise est révélatrice de l'irresponsabilité des dirigeants camerounais. Et comme une carpe le chef reste muet et joue la carte du pourrissement !
Pierre Mila Assouté
Homme politique