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Le Cameroun sous le Renouveau: la descente aux enfers - Le chantage politique permanent et le poids des maux

Le Cameroun sous le Renouveau: la descente aux enfers - Le chantage politique permanent et le poids des maux

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Index de l'article
Le Cameroun sous le Renouveau: la descente aux enfers
Le chantage politique permanent et le poids des maux
Paul Biya rate encore le coche
Hans De Marie Heungoup, La libération des leaders ne marque pas la fin de la politique représsive
Une économie d'imprevision, d'imprévoyance et de prédation
Mathias Eric Owona Nguini, Une insécurité institutionnelle permanente et conflictogène
Toutes les pages

Le chantage politique permanent et le poids des maux
Pour accéder à la mangeoire ou s'y maintenir, des hommes politiques camerounais n’hésitent pas d’utiliser l'ethnie comme tremplin ou pour faire pression sur le Prince. Un chantage qui, en plus des maux qui minent le Cameroun, menace la stabilité du pays.
A la question de savoir comment faire pour accéder au pouvoir ou pour s'y maintenir, certains Camerounais n'hésitent pas à donner des réponses qui surprennent ceux qui croient en une République des citoyens. "Il suffit de formuler des revendications identitaires, c'est-à-dire de soulever les problèmes qui minent notre région, de montrer que le régime en place n'a rien fait pour notre région depuis l'accession de Paul Biya à la magistrature suprême,  pour que le prince prête une oreille attentive à celles-ci et coopte quelques-uns parmi nous au gouvernement", assure un observateur. Un chantage politique non dissimulé qui semble être devenu, pour certains hommes politiques et autres personnalités occupant de hautes fonctions, l'arme efficace  pour accéder à la mangeoire ou s'y maintenir. Certes, l'instinct de survie commande à chaque communauté ou chaque groupe ethnique de veiller sur ses intérêts. Tout sentiment d'insécurité, d'exclusion, de menace, provoque une réflexion légitime d'autodéfense. Et comme si le Cameroun avait atteint le stade suprême de développement, il a toujours été présenté comme un gâteau à partager, chaque groupe ethnique ou tribal se devant de conquérir sa part, grâce la ''répartition équitable des fruits de la croissance'' promise par les politiciens démagogues.
Selon Emmanuel Ekika, préfacier de l'ouvrage, Le Cameroun éclaté, que « l'interethnicité, pour être opérationnelle doit se fonder sur l'échange, la réciprocité, la reconnaissance et le respect de la différence entre les différences acteurs sociaux.» Mais, celle-ci devient problématique lorsque l'une des parties en présence s'érige en modèle à suivre au risque de susciter des attitudes hostiles envers des (groupes) de personnes qui ont des opinions différentes ou ne partagent pas les mêmes convictions politiques ou morales. ''On regarde son nombril, il est le plus beau. On regarde son biceps, on est le plus fort. On regarde son village, c'est le centre du monde.'' Démissions collectives suscitées, tracts, memoranda et autres lettres ouvertes prouvent que les hommes politiques ont très souvent instrumentalisé des identités  pour atteindre des objectifs précis.

Illustration
C'est Ahmadou Ahidjo, alors ministre de l'Intérieur et vice-Premier ministre, qui inaugure cette politique, avant même l'indépendance. Le 11 février 1958, il réussit à fédérer autour de lui tous les ministres du Nord. Ceux-ci démissionnent en bloc du gouvernement de Mbida. Cinq  jours plus tard,  le 16 février, il est appelé à former un nouveau gouvernement en tant que Premier ministre. 25 ans plus tard, le 18 mars 1983, après avoir volontairement quitté le pouvoir et au moment où la crise entre son successeur constitutionnel et lui évolue, il tente vainement, d'obtenir la démission en bloc des ministres originaires de la partie septentrionale du Cameroun. Avec le retour du multipartisme au début des années 90,  les manifestations de l'ethnocratie sont patentes. Il s'agit, selon les auteurs de l'ouvrage sus-cité, d'un ''système de gouvernement qui tire ses ressources, précise ses tenants et aboutissants, essentiellement dans le rapport de force entre les ethnies qui composent la société camerounaise''. Cette période est caractérisée par des récriminations tous azimuts et la profusion des écrits (memoranda, lettres ouvertes et autres tracts), généralement publiés dans les journaux. Les uns et les autres décrivent les aspects des marginalisations dont ils soutiennent être victimes, en même temps que des attitudes et/ou stratégies adoptés collectivement ou individuellement pour faire échouer toutes tentatives d'inclusion ou d'exclusion et dont ils rejettent presque toujours la responsabilité sur les autres. ''L'enfer, c'est les autres'', affirmait Sartre.
En 2002, l'élite du grand nord rédige un mémorandum, un véritable brûlot, qui ébranle le régime. Chiffres à l'appui, ce mémorandum du Grand Nord, publié dans Le Messager n° 1417 du 23-09-2002, ouvre les yeux des élites et originaires du Grand Nord et leur a fait prendre conscience qu'ils ne sont qu'une quantité négligeable depuis l'avènement du Renouveau. Les auteurs relèvent la dégradation croissante des voies de communication construites avant l'arrivée de Paul Biya à la magistrature suprême, l'absence de nouvelles structures scolaires et sanitaires, la sous représentation des fils de la région tant dans les cercles de décision qu'à la tête des entreprises étatiques ou d'économie mixte. Paradoxalement, après la publication de ce mémorandum, deux des rédacteurs, Dakollé Daïssala et Hamadou Moustapha sont rappelés au gouvernement après l'élection présidentielle d'octobre 2004. Marafa Hamidou Yaya, Amadou Ali et d'autres apparatchiks de la région sont maintenus au gouvernement. Certains parmi eux sont même dépêchés sur le terrain pour tenter d'atténuer les effets du mémorandum.Après un temps d’accalmie, l’élite du Grand Nord est revenur à la charge. En 2008, ils réussissent, en exerçant une forte pression, à faire entrer au cycle A et B de l'Ecole normale supérieure (Ens)  5615 candidats ressortissants des régions de l'Adamaoua, du Nord et de l'Extrême Nord  de Maroua.
De nos jours, à quelques différences près, les ressortissants des régions du Sud-ouest et du Nord-Ouest formulent les mêmes récriminations. Paul Biya a cédé sur presque tout. Sous certains aspects, on peut affirmer que les revendications identitaires ont encore de beaux jours devant elles. Surtout que le Cameroun est à la veille d’une année électorale décisive. Il est presque certain que Paul Biya sera incapable d’apporter des solutions à toutes ces menaces et insécurités qui menace son régime et qui risque d’hypothéquer durablement l’avenir du. Cameroun qui a amorcé depuis quelque temps sa descente aux enfers. Entre autres insécurités qui menacent la stabilité du régime et du Cameroun: Une économie embourbée et plombée par le laxisme, le casse-tête de l’accès aux soins de qualité; une justice accroupie caractérisée par une  insuffisance de l’offre en juridictions et des procès qui durent une éternité; l’insécurité chronique aux frontières du pays dans l’extrême nord et l’est, le difficile accès à l’eau et à l’électricité, l’absence de voirie dans la plupart des villes camerounaises, une insécurité institutionnelle permanente et conflictogène, une École du sous-développement; la question foncière qui constitue une véritable bombe à retardement. Pour tout dire, le Cameroun sous Paul Biya, non seulement coule sous les poids des maux, mais est devenu une véritable poudrière.
Serge Alain Ka’abessine