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Sortir de l'impasse. Défis et responsabilités de l'opposition patriotique - Les Camerounais n'attendent pas un Messie

Sortir de l'impasse. Défis et responsabilités de l'opposition patriotique - Les Camerounais n'attendent pas un Messie

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Index de l'article
Sortir de l'impasse. Défis et responsabilités de l'opposition patriotique
Les Camerounais n'attendent pas un Messie
Le défi des choix institutionnels
Cohésion et conhérence
Le défi de l'organisation
L'intellectuel comme Vigie
Le défi de l'information et de la formation
Période ou gouvernement de transition?
Guillaume Henri Ngnepi: La victoire de l'opposition est posible aux prochaines élections
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Les Camerounais n'attendent pas un Messie
Les Camerounais ont besoin d’un leadership, nationaliste, patriote qui émerge d’un groupe qui place l’intérêt général au cœur de ses préoccupations et qui est capable de faire du Cameroun la tête de proue du développement en Afrique.
Qui sont donc ces hommes et femmes que l’on regroupe sous le vocable d’opposition politique ? Au Cameroun, ce que l’on appelle opposition est en réalité une faune où le meilleur côtoie le pire. C’est une sorte de jungle où chacun rêve de devenir le Messie qui sauvera le Cameroun.
Dans un contexte marqué par le pourrissement général et la volonté du régime politique en place depuis presque 60 ans de demeurer au pouvoir ad vitam aeternam, l’opposition camerounaise, une partie du moins, n’a pas pu ou n’a pas su tirer son épingle du jeu. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Marches, boycotts, meetings, communiqués et conférences de presse, désobéissance civile, villes mortes…Elle a tout essayé sans parvenir à inverser le rapport de force lui permettant d’arriver au pouvoir. En même temps, elle a joué au saprophyte et accéléré la décomposition du tissu social. Elle s’est fait acheter, manipuler, marginaliser, laminer, c’est selon. Elle a pêché en n’entreprenant pas le travail d’éducation politique et d’implantation organisationnelle entre les différents scrutins. Elle ne se réveille généralement qu’à l’approche des élections.
Englués dans des querelles de leadership, incapables de transcender leurs divergences, de se poser et d’agir comme les représentants de l’intérêt général et de la volonté des citoyens, c’est-à-dire de placer l’intérêt général au cœur de leurs préoccupations, elle a réussi la prouesse de décourager les citoyens-électeurs qui non seulement ne respectent plus les consignes de vote et n’écoutent plus les leaders, mais manifestent un désintérêt à l’endroit de l’activité politique partisane. De sorte que, de nos jours, l’augmentation du nombre de partis politiques – le Cameroun en compte 300 - ce qu’on appelle multipartisme intégral, n’est en réalité que l’arbre qui cache la forêt du désenchantement et du désengagement des citoyens-électeurs vis-à-vis de la politique.
Une formule sentencieuse bien connue veut que chaque peuple n’ait que les dirigeants qu’il mérite. On pourrait bien ajouter que chaque peuple a non seulement les dirigeants, la classe politique ou l’opposition qu’il mérite, mais le régime politique qui lui permet d’avoir un niveau de culture civique et politique. Car, c’est le niveau de culture civique et politique des citoyens qui engendre (ou non) en eux le réflexe d’indignation et de libération ou d’auto-délivrance.
Cette affirmation s’apparente à une sorte d’accablement des citoyens et des populations qui, quand ils ne sont pas la plupart du temps brimés par la classe politique, sont abandonnés à leurs tristes sorts et utilisés, le moment venu, comme du bétail électoral. Elle traduit pourtant une réalité implacable.
Ceux – les partisans du statu quo - qui affirment que « tout est perdu. Les partis politiques de l’opposition patriotique n’y peuvent rien » sont de mauvaise foi. Tout n’est pas perdu. L’opposition peut rebondir. Il faut et il suffit qu’elle prenne conscience des défis et contraintes auxquels elle fait face et qu’elle engage des actions concrètes pour relever lesdits défis.
Parmi ceux-ci, le plus important est, nous semble-t-il, celui de la formation et de l’éducation politique. Il est indéniable que la construction d’une démocratie solide passe obligatoirement par la formation du personnel politique, des hommes et femmes d’envergure, capables d’assumer les responsabilités importantes. Dans un environnement où le régime pseudo-démocratique en place a tout fait pour détruire les systèmes scolaires et tenir les Camerounais captifs de leur instinct de conservation, il est indispensable pour les forces progressistes de créer des conditions permettant aux Camerounais de prendre conscience de leur statut de citoyen, d’appréhender les jeux et les enjeux politiques.
Le reflux observé du militantisme et des mouvements de revendication d’envergure est conjoncturel. Il suffit d’une étincelle, d’un catalyseur pour que s’ébranle un vaste mouvement social pouvant conduire au changement de la donne politique. Les exemples tunisiens et burkinabè démontrent à suffisance que l’éducation et la formation politiques constituent le socle de toute révolution ou de tout mouvement social d’envergure. Ils apportent la preuve que des citoyens bien formés, conscients de leurs droits et des enjeux politiques, sont capables de défier toutes formes de dictature, de pousser les dictateurs inamovibles à leur dernier retranchement. Car, quelles que soient les contraintes et les difficultés rencontrées, il arrive des moments dans la vie d’une communauté historique où déceptions, crises et malaises sociaux nourrissent les mécontentements populaires et déclenchent des réactions d’indignations, des mouvements sociaux. Aimé Césaire ne croyait pas si bien dire quand il écrivait : « que c’est une loi implacable que toute classe décadente se voit transformée en réceptacle où affluent toutes les eaux sales de l’histoire ; que c’est une loi universelle que toute classe, avant de disparaître, doit préalablement se déshonorer complètement, omnilatéralement, et que c’est la tête enfouie dans le fumier que les sociétés moribondes poussent leur chant de cygne ». En sommes-nous si éloignés ?
 Il suffit dans des conditions de pourrissement avancé, comme les nôtres, qu’il y ait un catalyseur. Dans une pareille situation, il revient aux leaders politiques d’être en capacité d’intégrer tous les déterminants ou facteurs de la catalyse politique dont il faudrait préparer en déterminant les conditions permettant d’aboutir à une catalyse unificatrice de certains acteurs.
La catalyse structurelle fait partie de ces facteurs. Les partis et formations politiques, les OSC devraient pour ainsi dire travailler de manière à intégrer et à accueillir certaines demandes sociales, en mettant en place de nouveaux couloirs susceptibles de canaliser et d’emmagasiner l’énergie politique. Pour cela, tenant compte de la nature du régime en place et en évitant de braquer certains groupes sociaux, ils devraient créer des liens sociaux avec les citoyens et les populations sur la base des problèmes qu’ils veulent résoudre, sans nécessairement les entraîner dans une démarche politique partisane. Cette démarche a l’avantage de leur montrer que la politique peut être faite autrement.
Dans cette optique, les technologies de l’information et de la communication : sms, Internet, Facebook, twitter et autres réseaux sociaux peuvent être utilisées pour accélérer la prise de conscience des jeux et des enjeux, par conséquent les changements politiques et sociaux.
Au défi de l’éducation se greffe celui de l’organisation, car, le « hasard ne profite qu’à ceux qui sont bien préparés ». L’histoire nous enseigne qu’agir en politique sans organisation, sans stratégie et sans pouvoir rend tout changement improbable, voire impossible. C’est pourquoi il est important d’intégrer des éléments de la catalyse stratégique en jouant sur tous les tableaux, en commençant par le terrain institutionnel. Malgré les contraintes et les verrous, il est nécessaire d’avoir des antennes sur le terrain institutionnel, tout comme il est nécessaire d’agir à partir de sa périphérie, car le verrouillage de ce terrain devrait faire en sorte que ce soit à partir de sa périphérie que l’on crée des liens entre des groupes sociaux et que l’on commence à les préparer aux conditions d’un changement. Sans oublier de faire le travail de désaliénation des consciences de manière à amener les citoyens à surmonter la peur de la mort et à leur faire comprendre que, quelles que soient les voies, il n’y aura pas de changement tant que les différents segments de la société ne s’impliqueront pas.
Dans un moment de refondation politique, condition même de la renaissance ou de l’émergence économique, sociétale, politique et morale du Cameroun, des efforts gigantesques doivent aussi être faits pour trouver une solution à la question des inégalités qui fracturent la société camerounaise.
Somme toute, on ne devient pas virtuose, en jouant seul dans son coin. La conquête du pouvoir ne s’improvise pas. Elle est le résultat d’un travail méthodique de longue haleine. De plus, les Camerounais n’attendent pas un Messie. Ils ont besoin d’un leadership, nationaliste, patriote qui émerge d’un groupe, et non autoproclamé, capable de faire du Cameroun ce que Park Chung Hee de la Corée du Sud, Mahathir Mohammed de la Malaisie, Lew Kun Yew du Singapour, Luiz Inacio Lula da Sylva, entre autres, ont chacun fait pour leur pays.
Enfin, le renouvèlement des responsables politique est un impératif catégorique. Il est indispensable, car il substitue l’envie et l’enthousiasme des nouveaux venus à la routine, à la résignation et l’immobilisme des pères fondateurs. A bon entendeur...
Jean-Bosco Talla