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Les chantiers de l'inertie dans un Etat voyou - L'aloi fondamentale de Paul Biya

Les chantiers de l'inertie dans un Etat voyou - L'aloi fondamentale de Paul Biya

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Index de l'article
Les chantiers de l'inertie dans un Etat voyou
L'aloi fondamentale de Paul Biya
La Haute cour de justice pour le décor
Cachez vos biens!!!
La réforme de l'Education aux calendes camerounaises
Quand les syndicats indépendants donnent une trouille bleue à Paul Biya
La CSP soumet au gouvernement un avant projet de loi
Le Cameroun, un Etat voyou
Pr Magloire Ondoa : Nous n'avons pas de constitution tant que son protecteur n'est pas mis en place
Toutes les pages

L'aloi fondamentale de Paul Biya
La constitution camerounaise semble n'être qu'une belle aux bois dormant pour certains observateurs. Plusieurs dispositions de la loi fondamentale restent transitoires, 20 années après sa promulgation le 18 janvier 1996 et 8 ans après sa révision le 14 avril 2008.
Le Cameroun a t-il une constitution duale ? Le débat, de nos jours, n’est plus d’actualité. Il est même dépassé. Cependant, il reste constant que l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 avait laissé subsister des institutions de l’ordre constitutionnel antérieur, celui de 1972. C’est ce que lassait comprendre la précision suivante : « Les nouvelles institutions de la République prévues par la présente constitution seront progressivement mise en place » Cette incertitude est contenue dans le Titre XIII, de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, notamment, à l’alinéa 1er de l’article 67. Suivent des précisions sur les institutions, qui dans l’intervalle seront chargées de ce rôle transitoire. Jusqu’à la mise en place du Sénat (qui a déjà été mis en place) la plénitude du pouvoir législatif était exercée par l’Assemblée nationale. Les attributions du juge constitutionnel sont actuellement assumées par la Cour suprême.
S’il est vrai que la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 porte révision de la constitution du 2 juin 1972, il n’en demeure pas moins vrai que cette loi, comme le prescrit son article 69 ‘’sera exécutée comme constitution de la République du Cameroun.’’ Ainsi, l’article 67 n’est pas dans son principe juridiquement contestable. Seulement, une situation transitoire a vocation à être encadré sur le plan temporel. Ainsi de l’article 92 de la constitution française de 1958 qui avait laissé la possibilité au gouvernement, de fixer par voie d’ordonnance ayant force de loi, des mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions. Il était précisé que ces nouvelles institutions devaient être mises en place dans un délai de quatre mois, à compter de la promulgation de la constitution. On assiste pourtant au Cameroun à une pérennisation des dispositions transitoires.

Constat
La loi du constitutionnelle du 18 janvier 1996, a quelque chose de virtuel. 20 ans plus tard, certaines institutions prévues ne sont pas toujours mises en place. On pourrait aisément faire l’inventaire des institutions effectivement mises en œuvre : le Conseil constitutionnel n’existe pas ; la décentralisation tarde à prendre forme, la mise en place de la Haute Cour de Justice est toujours attendue.  L’application de l’article 66 semble avoir été renvoyée aux calendes camerounaises.
Le 14 avril 2008, le chef de l’Etat promulguait la loi fondamentale révisée. Les principales modifications avaient trait au statut du président de la République. Le chef de l’Etat était désormais élu pour un mandat de 7 ans renouvelable indéfiniment. Paul Biya peut ainsi se représenter, en 2018, tout en faisant en sorte que la constitution ne connaisse une application effective, et en faisant en sorte que certaines institutions prévues tels le conseil constitutionnel et la Haute Cour de Justice, ne jouent jamais leur rôle de régulateur de la vie politique ou de la démocratie au Cameroun.  La constitution ne restera donc qu’un instrument manipulable que l’on peut manipuler au profit des intérêts égoïstes du tenant actuel et provisoire du pouvoir en place. On comprend pourquoi le Pr Magloire Ondoa, parlant de la non mise en place du Conseil constitutionnel soutient mordicus que : « nous n’avons pas de constitution. Jusqu’à présent, il lui manque un élément fondamental qui est le protecteur de la constitution »
Nouvelles ou révisées, l’histoire des constitutions camerounaises est celle des projets et des visions des différents chefs de l’Etat. En effet, en mettant de côté la constitution de 1960 qui rentre dans la logique juridique de la naissance d’un nouvel Etat, « la dynamique constitutionnelle du Cameroun » porte l’estampille du président. L’illustration la plus forte et la plus remarquable demeure cette phrase du président Ahmadou Ahidjo devant l’Assemblée nationale fédérale le 9 mai 1972 : «ma conviction, mesdames et messieurs les députés, ma profonde conviction est que le moment est venu de dépasser l’organisation fédérale de l’Etat ». Le même constat peut être fait pour la loi fondamentale du 18 janvier 1996, qui est selon l’auditoire du président de la République tantôt une « nouvelle constitution », tantôt la constitution de 1972 «révisée». C’est un président convaincu que le temps était « enfin » venu de concrétiser certaines choses promises aux Camerounais lors de la rencontre Tripartite qui avait fait déposer le 24 novembre 1995 un projet de loi portant sur la « révision de la constitution du 2 juin 1972. »
Sommes toute, les Camerounais font avec leur ancienne-nouvelle ou nouvelle-ancienne constitution. Qu’elle soit nouvelle ou ancienne ou les deux à la fois, Paul Biya restera le maitre du temps constitutionnel, de la mise en place des institutions prévues ou non. Il le fait ou le fera, selon son rythme, ses intérêts politiques immédiats ou lointains, potentiels ou réels, envisagés et envisageables ou non.
Cette manière de faire de Paul Biya se répercute sur le vie politique nationale et sur et le fonctionnement des institutions et par conséquent sur le jeu politique et  la démocratie camerounaise.
Il reste aux Camerounais à graver ses propos de Rousseau dans leur esprit : « Mais au fond, que penses-tu qu’on apprenne dans ces conversations si charmantes ?[..] On y apprend à plaider avec art la cause du mensonge, à ébranler à force de philosophie tous les principes de la vertu, à colorer de sophismes subtils ses passions et ses préjugés, et à donner à l’erreur un certain tour à la mode selon les maximes du jour. Il n’est point nécessaire de connaître le caractère des gens, mais seulement leurs intérêts, pour deviner à peu près ce qu’ils diront de chaque chose. »
Et surtout ne jamais oublier que chez nous, nous avons plus affaire aux politiciens qu’aux hommes politiques. A bon entendeur….
Junior Etienne Lantier
Encadré

Une ou plusieurs constitutions en vigueur au Cameroun
Si la Constitution, suivant la doctrine classique du droit constitutionnel, est la norme fondamentale, la norme suprême de l’édifice normatif qui y trouve son fondement et sa matrice, la Grundnorm Kelsenienne, la formulation même d’une interrogation de ce type est une incongruité, voire une absurdité. Dès lors que l’on parle de Constitution, il ne peut logiquement y en avoir à un moment donné qu’une seule dans la vie d’une collectivité étatique. Et pourtant, cette question a retenu l’attention de la doctrine camerounaise du droit public, au lendemain de la promulgation de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. En fait, cette interrogation se situe dans le prolongement direct de la controverse précédente, dont elle n’est qu’une variante, un embranchement approfondi. Cette interrogation part du fait qu’il y aurait une ancienne Constitution en vigueur d’une part, une nouvelle Constitution simplement potentielle et virtuelle d’autre part. L’on part de l’hypothèse qu’en 1996, une Constitution a remplacé une autre, qu’il aurait dû y avoir une succession d’ordres juridiques, mais que l’on se retrouverait avec une superposition de deux Constitutions. Il y aurait d’un côté la Constitution proclamée, de l’autre côté la Constitution vécue et appliquée. C’est le Pr Ondoa qui a admirablement théorisé l’hypothèse de la « constitution duale » tenue pourtant équivoque dont on ne sait exactement s’il évoque le fait qu’il y aurait dans le texte de 1996 deux Constitutions en une nettement identifiables, ou s’il évoque le fait qu’il y aurait effectivement deux textes d’application concomitante, ou qu’il y aurait dans le texte des éléments relevant du passé et des éléments relevant de l’avenir, ou tout cela à la fois. Les questions posées par l'auteur sont les suivantes : quelle est la Constitution en vigueur au Cameroun ? Quel est le droit constitutionnel applicable ou appliqué au Cameroun ? La loi du 18 janvier 1996 est-elle en vigueur ? Questions intéressantes, quoique déconcertantes pour le juriste positiviste. L’auteur relève qu’il y a une « survie de l’ancienne Constitution », dans la mesure où « la loi du 18 janvier 1996 ne prévoit aucune disposition abrogative de l’ordre ancien » (P.25), ou qu’il y a « absence d’une clause abrogative du droit antérieur contraire », même s’il écrit plus loin de manière équivoque (P.33) que « l’ordre juridique abrogé demeure en vigueur ».].
Source: Alain Didier Olinga, La constituion de la République du Cameroun,Yaoundé, PUCAC, 2006  pp. 19-20