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Le meilleur don à la jeunesse, c'est le droit de vote

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Certes, les statistiques au Cameroun, selon certains spécialistes, n’expriment que ce que veulent bien faire croire leurs auteurs à l’opinion. Et on peut en citer pour preuve cette population élastique de la région du littoral que le recensement national et les rapports de Elections Cameroon (ELECAM) fixent à moins de 3 millions d’habitants, alors que maints discours officiels des autorités municipales et administratives du Wouri estiment à plus ou moins 4 millions celle de la seule ville de Douala qui est la capitale de la même région. Mais, comment refuser de conclure, à partir des études publiées par les ONG nationales, l’INS, la Fondation Friedrich Ebert, et même certains départements ministériels, que la jeunesse compte aujourd’hui pour près de 60% dans la population du Cameroun.
Et même si elle ne représentait que le tiers du pays, comment peut-on raisonnablement penser qu’une poignée d’octogénaires continuerait à s’accrocher au pouvoir pour ses privilèges, en abandonnant à la rouille, sur le bas-côté du chemin, cette jeunesse qu’elle qualifie de « fer de lance de la nation » ?

Pour des raisons évidentes d’image personnelle, à moins que ce soit de campagne électorale prématurée, le Président de la République vient de gonfler de 75 milliards de francs une dette extérieure de l’État (qui s’envole encore et déjà vers les 6000 milliards, alors que sa soutenabilité n’est pas questionnée), pour offrir 500 000 ordinateurs (dit-on), à chaque jeune inscrit dans une université. Geste pour lequel, son propre Cabinet s’est joint au ministre de l’Enseignement supérieur, pour organiser à coup de subvention, une manifestation populaire de remerciement à Yaoundé.
Si on fait l’impasse sur les effets politico-économiques induits de ce don à crédit, il n’y a rien, en soi, à reprocher à M. Biya qui reste dans la logique de son régime, logique consistant à soigner plutôt la chaussure que la douleur de celui qui souffre d’entorse à la cheville. Car aujourd’hui dans notre pays, ce que la jeunesse exprime dans les débats sociaux, pour ceux qui ne font pas seulement semblant de l’écouter, mais qui l’entendent et la comprennent, ce n’est pas un besoin d’ordinateurs que les familles peuvent encore saigner pour trouver à leurs enfants le cas échéant. Cette jeunesse veut plutôt qu’on ne continue pas à lui donner seulement la liberté de parole sans le droit d’être écoutée. Elle veut que leurs problèmes, notamment d’orientation scolaire, de capacitation professionnelle, de chômage endémique, d’insertion politique, et d’avenir incertain… ne soient plus pour les dirigeants du pays une préoccupation marginale, ou un simple dommage collatéral, et donc négligeable, de leur combat pour se maintenir au pouvoir.
Et si d’aventure l’acte de générosité du Président était sincère, cela indiquerait qu’en plus de transformer en faveur ce qui est un droit – car c’est l’argent que ces jeunes rembourseront par leurs impôts – ils vivent et réfléchissent (lui-même et les collaborateurs qui le lui ont conseillé), soit à partir d’un état virtuel du pays, soit à partir d’un confort de vie sans rapport avec les réalités vécues par cette jeunesse, fût-elle universitaire.
C’est une tentative de manipulation du peuple camerounais, que de présenter notre Président-calculateur politique, qui a modifié la constitution pour se maintenir au pouvoir, et qui s’apprête à 84 ans à briguer un nouveau mandat de 7 ans, aime beaucoup ces jeunes à qui il refuse un espace de contribution à la construction de leur pays.
Le RDPC s’apprête en effet à reconduire M. Biya à sa tête comme président, et donc, à le maintenir dans la posture vocationnelle de « candidat naturel du parti » à l’élection présidentielle de 2018. Qu’est-ce à dire sinon que « la jeunesse de son cœur » n’est pas encore capable de poursuivre son œuvre, et qu’elle peut seulement continuer à s’initier au numérique à l’école, à émigrer en Europe, ou à faire du « mototaxi », en laissant la politique aux politiciens ? Ce n’est donc pas demain la veille de l’accomplissement de la promesse faite par Ahmadou Ahidjo le 11 février 1970 qui disait à la jeunesse camerounaise : « Et nous te cèderons fraternellement ta place, heureux de disparaître et de nous reposer de notre part de tâche accomplie dans le bon sommeil de la mort, si nous savons que tu nous continues et que tu réalises nos rêves ». Sans doute M. Biya n’a pas encore en 34 ans accompli sa part de tâche, malgré ses 20 premières années de préparation, et ne pense pas la jeunesse trentenaire qu’il a formée, capable d’assurer sa continuité et de réaliser ses rêves. Dans tout autre pays, on parlerait de cuisant échec.
Et quand en plus de cela, M. Biya aura donc rendu « chino-dépendants » les 500 000 « fers de lance » de son pays en matière d’ordinateurs, cesseront-ils d’être formatés pour la consommation de ce que nous ne produisons pas ? Seront-ils plus soutenus par son gouvernement dans leurs projets autonomes de conception et de fabrication des ordinateurs « made in Cameroun » ?
Et pourquoi avoir emprunté l’argent chinois pour acheter chinois, au lieu de l’utiliser pour booster les pionniers qui sont déjà connus dans le pays. M. Biya a-t-il seulement compris qu’en empruntant 75 milliards de francs au gouvernement chinois pour acheter 500 000 ordinateurs en Chine, il oblige les contribuables camerounais à financer l’industrie chinoise pendant que les PME camerounaises se meurent ? Avons-nous vraiment foi en cette jeunesse ou n’est-elle qu’un perpétuel alibi politique ?
À l’occasion de la récente journée internationale de la jeunesse (qui n’a été célébrée au Cameroun que par les médias), un leader respecté de l’opposition s’est aussi payé la tête de cette jeunesse par un message dans lequel il invite, on ne sait pas qui, à « agir très vite », pour résoudre un problème qui selon lui, « rend la jeunesse inopérationnelle dans la construction d’un bloc unifié face aux vieillards qui hantent nos vies de jour comme de nuit » (sic)
Ce grave problème serait l’existence de 4 catégories de jeunes dans lesquelles il invite chaque jeune à se situer et à s’interroger sur le sens réel de sa position actuelle. Il classe comme suit, les quatre catégories des jeunes :
« 1- ceux qui sont dans le coma, et qui ne sont en vie qu’en vertu du fait qu’ils respirent encore, qui s’estiment exclus et étrangers à leur propre pays, et pensent ne pas avoir droit au chapitre pour sa marche.
2- ceux qui n’ont plus de repères, ne savent plus où aller, et se servent de la débauche, de la dépravation, du vandalisme et de la prostitution pour survivre.
3- ceux qui sont conscients des enjeux, mais ont la tète dans le ventre, sont suspendus aux réclamations stomacales, ou habités en permanence par la peur, et qui n’ont guère la personnalité nécessaire pour affronter le lourd dossier de la libération de nos pays. Ce sont ici les plus nuisibles parce qu’ils vendent le découragement aux autres jeunes Africains ; parce qu’ils deviennent les agents diffuseurs de la notion de passivité et de résignation.
4- ceux qui comprennent les enjeux, et qui, contre vents et marées, sont prêts à affronter la dangerosité du chemin qui mène à la libération. Ils sont hélas! en nombre dérisoire, et ont la charge de tirer tout le reste vers le haut ! »
Voilà un début d’analyse qui, si elle n’est pas faite seulement pour enfumer les jeunes comme ces promesses électorales qui n’engagent que ceux qui y croient, pourrait conduire un parti politique vers l’élaboration d’une politique d’intégration des jeunes dans le processus de développement politique, économique et social du pays. Pourquoi faut-il que, hélas! elle reste parcellaire et sans initiative d’action, alors qu’il faut « agir très vite » selon l’injonction du leader militant ?
Il est évident qu’à 2 ans de quatre, et pourquoi pas de cinq échéances électorales qui vont déterminer, soit une continuité chaotique, soit une transition salutaire, la jeunesse sera « en haut » dans tous les discours et gesticulations politiciens, sans pouvoir discerner qui du pouvoir et de l’opposition lui veut du bien ou du mal. Encore faut-il qu’au moins, elle puisse jouir du droit de vote qui continue de lui être refusé à 18 ans. C’est le meilleur don que Paul Biya puisse donner aujourd’hui à ses « Cops ».