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Affaire Marafa Hamidou Yaya: Issa Tchiroma ment et offre le Cameroun en spectacle - Une bouffonnerie communicationnelle dans un État dit de droit

Affaire Marafa Hamidou Yaya: Issa Tchiroma ment et offre le Cameroun en spectacle - Une bouffonnerie communicationnelle dans un État dit de droit

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Index de l'article
Affaire Marafa Hamidou Yaya: Issa Tchiroma ment et offre le Cameroun en spectacle
Le gouvernement répond au groupe de Travail de l'Onu
Réaction de l'Avocat de Marafa Hamidou Yaya
Issa Tchiroma, le parangon le plus achevé de l'hypocrisie
Une bouffonnerie communicationnelle dans un État dit de droit
De l'intérêt général et l'intérêt particulier
Toutes les pages
Une bouffonnerie communicationnelle dans un État dit de droit

Il y a quelque chose de risible et d’affligeant dans les sorties médiatiques du ministre de la communication, ce porte-parole autoproclamé du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary. Il donne toujours l’impression que ses points de presse convoqués après les verdicts rendus contre le Cameroun par certaines juridictions internationales changeront le cours des évènements et feront revenir les juges ou les commissaires sur leurs décisions, ou que ses opinions changeront le contenu des rapports produits par les organisations des sociétés civiles nationales et internationales. Il sait pourtant que c’est devant ces juridictions que l’État du Cameroun devait faire triompher ses arguments et que les contenus des rapports ne peuvent changer ou évoluer positivement que si le Cameroun s’engage résolument sur la voie du respect des droits humains, c’est-à-dire si le pays de Paul Biya devient un Etat de droit qui respecte ses engagements internationaux. Les points de presse organisés par cet ancien opposant au rythme des décisions de justice et des rapports produits par des ONG ne changeront pas la perception que des partenaires et opérateurs économiques – surtout – étrangers ont du Cameroun. Au mieux, les opinions du Mincom ont l’avantage de distraire les Camerounais, de le placer sous le feu des projecteurs, de satisfaire son ego et celui de ceux qui voient des complots contre le Cameroun partout. Au pire, elles offrent le Cameroun en spectacle et constituent les preuves patentes que les juridictions internationales et les ONG mettent le doigt sur les plaies du renouveau et continuent d’appuyer là où cela fait le plus mal.
Les Camerounais sont d’ailleurs habitués aux sorties grotesques du ministre des points de presse et à ses justifications abracadabrantesques qui, en réalité soulèvent le problème des droits des citoyens face à l’État. Face à la récurrence des violations de leurs droits fondamentaux, ceux-ci ne cessent de questionner la nature de l’État au Cameroun sous le Renouveau depuis le 6 novembre 1982, si l’on s’en tient à cette période. Sous Paul Biya, le Cameroun est-il une dictature, c’est-à-dire un régime politique autoritaire dans lequel le pouvoir est entre les mains d’un seul homme ou d’un groupe restreint qui n’en font qu’à leur tête et en use de manière discrétionnaire, ou un État de droit qui, selon le secrétaire général de l’Onu, « désigne un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et les entités publiques et privées y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation des lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatible avec les règles et normes internationales en matière des droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs ».
A ce sujet, Gérard soulier (1981) rappelle un truisme : « Il n’y a fondamentalement que deux types de régimes politiques : ceux où les personnes disposent de droits reconnus et effectifs qui constituent autant de bornes au pouvoir d’État, et ceux où le pouvoir de l’État, en dépit de l’existence des textes, est sans limite à l’égard des personnes. En d’autres termes, ou bien le pouvoir de l’État s’arrête effectivement aux limites fixées par le droit en général, et les droits des personnes en particulier, ou bien il ne connaît pas de limites, ce qui veut dire que ses agents peuvent tout faire, à tout moment, à l’égard de n’importe qui. C’est alors l’arbitraire, le despotisme, la dictature, le totalitarisme, ces expressions étant, sous ce point de vue général, équivalentes ».
Certes, il y a peu de pays au monde qui peuvent se reconnaître parfaitement dans le premier type de régime, même si aucun chef d’État ou de gouvernement ne confessera l’existence sous son règne de prisonniers politiques ou la pratique de la torture et de la dictature. Est-ce une raison pour que le Cameroun notamment, érige la violation des droits de l’homme en système de gouvernement, sous prétexte qu’il y aurait pire ailleurs ?
L’idéal lorsqu’un gouvernement prétend être en « démocratie avancée », n’est-il pas qu’il s’éloigne alors et absolument des pratiques horriblement détestables et courantes dans le second type de régime, où l’État se met indûment au-dessus des lois et de la société dont il émane ? A moins, bien sûr, qu’il s’agisse d’un gouvernement-menteur dont le porte-parole autoproclamé a pour mission d’enfumer les Camerounais, c’est-à-dire de troubler leurs esprits en débitant, à travers une communication discutable, pour ne pas dire bouffonne, mensonges et contre-vérités.
Or, comme il est écrit dans le préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen édictée en 1789 (il y a deux siècles), « L’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ». Aussi le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme adopté le 10 décembre 1948, signée et ratifiée par le Cameroun et intégrée dans le préambule de la loi constitutionnelle camerounaise, considère-t-elle « que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme ».
Le Cameroun de Paul Biya - par ricochet celui du porte-parole de son gouvernement -  fait aujourd’hui semblant, à ses dépens, de découvrir ces vérités, parce que ses dirigeants, en réalité des mandataires des puissances coloniales, affichent un souverain mépris à l’égard des droits des citoyens. Une attitude qui constitue de nos jours le soubassement de l’envahissement de certains pans du territoire national par les groupes dits terroristes aux intentions clairement affichées : instaurer l’anarchie, les guerres intestines et pourquoi pas une guerre civile.
Malgré des justifications peu convaincantes, nos dirigeants n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes, car ce qui se passe dans certaines parties de notre territoire, notamment à l’extrême nord et dans une certaine mesure à l’est, attentats suicides, exactions des forces de défense et de sécurité décriées par Amnesty International dans son récent rapport, sont des conséquences fatales des frustrations nées de l’arbitraire politique, des inégalités sociales et de l’indigence matérielle entretenues par un pouvoir sourd aux souffrances des compatriotes vivant dans ces parties du territoire, et qui sont autant de violations des droits de ces citoyens.
Nos dirigeants, bourrés de culture politique pour la plupart, mais faute d’abnégation, hélas!, font semblant de ne pas comprendre que l’existence de l’État (de droit) n’a aucun sens, si celui-ci n’est voulu de façon consensuelle par les citoyens qui constituent le peuple, pour harmoniser et protéger la jouissance par ces mêmes citoyens-peuple, de ses droits et libertés individuels.
L’État est donc un appareil au service des citoyens-peuple. Mais, hélas, au Cameroun, ses dirigeants se le sont approprié pour les asservir au lieu de les servir. La question des droits de l’Homme -  dans ce pays de cocagne où « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles », selon l’Oracle Pangloss, personnage de Candide (Voltaire), du château de Thunder-ten-tronck en Westphalie, reprenant les enseignements de Leibniz - est devenue un thème de propagande pour lever les citoyens en mal de libération, soigner une image suffisamment écornée ou une astuce pour accéder aux ressources financières extérieures. «Or, les droits de l’Homme, lit-on encore dans la déclaration de 1789, ne seront jamais rien de consistant aussi longtemps qu’ils ne seront pas devenus la politique ordinaire et obstinée de chacun et de tous ».
Parce que les hommes en charge de la gestion quotidienne des affaires de l’État au Cameroun en ont fait un patrimoine, ils ne peuvent que combattre de telles idées « subversives » qui bousculent l’ordre établi de leurs privilèges et rentes. Et pourtant, ils auraient pu, s’ils avaient une vision pour le Cameroun, s’ils étaient patriotes, démocrates et humanistes, ils auraient pu disions-nous, anticiper et conduire eux-mêmes des changements plutôt que d’avoir à museler les citoyens, réprimer les révoltes et les convulsions violentes ayant pour sources l’existence d’une démocratie nominale ou formelle, le dénuement, la paupérisation ou la clochardisation, l’abandon des pans entiers du territoire national, des populations et citoyens camerounais à leurs tristes sorts.
Jean-Bosco Talla