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Dégage! - Page 2

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Index de l'article
Dégage!
Le Renouveau atteint de cécité stratégique
Mensonges explosifs
Paul Biya : l’immobile à grand pas vers l’émergence
Hôpitaux : des mouroirs du Renouveau
Paul Biya, le président du verbe
Paul Biya ou le degré zéro de la communication
Paul Biya, un jouisseur impénitent
Insécurité : le lourd passif du Renouveau
Un destin si funeste
Toutes les pages

Le Renouveau atteint de cécité stratégique

Les plans quinquennaux sous Ahidjo ont permis le développement du Cameroun. Paul Biya bricole et ne sait où il conduit le Cameroun
L’un des acquis indéniables du régime du Renouveau en termes d’héritage politique est le capharnaüm communicationnel observé dans l’espace public camerounais. Ainsi, l’étranger qui débarque au Cameroun est émerveillé par le droit à l’impertinence qui caractérise l’exercice de la fonction journalistique. Une réalité tentaculaire n’épargnant aucun domaine de la gouvernance ou de la vie des gouvernants.
Même, s’il était mal avisé de s’accorder une définition sur ce qu’être journaliste veut dire dans le contexte camerounais, que l’on peut, à juste titre, qualifier de pré-démocratie. Pour autant, en se laissant instruire par ses usages, il faut reconnaitre que ce qui peut s’apparenter à la liberté des journalistes camerounais a plus confiné la corporation ou ce qui en tient lieu, dans une espèce d’embrigadement, dans l’immédiateté, à la diversion politique orchestrée par des politiciens sans âmes (certains gouvernants et opposants). En un mot, il s’agit d’une race de journaliste servant de support aux luttes entre réseaux positionnés pour la conquête ou l’exercice du pouvoir, qui ne se préoccupent que très peu du respect du sacro-saint principe de la critique des sources, encore moins du souci d’explication causale des faits collectés.
Au lieu d’ânonner au quotidien, de manière moutonnière les discours d’une opposition nominaliste visiblement en panne de stratégie et s’engager dans les débats oiseux qu’impose et priorise l’ordre gouvernant actuel ; il faudrait repenser notre fonction de journaliste en devenant ces missionnaires de la raison dont parle le philosophe Leibniz. Heureusement, cette profession regorge de talents reconnus, mais hélas, noyés dans un océan de brebis galeuses. Il faut de tout pour faire un monde, nous dira-t-on.
Avec le recul, nous ne manquerons pas d’observer que : les affaires Vanessa Tchatchou à Yaoundé, Koumateke à Douala, du quintriplé à Yaoundé…participent bien de l’état de naufrage systémique dans lequel est enfoncée notre configuration sociopolitique depuis des lustres.
Ce constat froid auquel nos lecteurs ont été habitués dans nos précédentes parutions par ailleurs repris et c’est tant mieux par le président de la République (discours de fin d’années 2013), a pour explication pertinente la gouvernance aveugle, qui n’est rien d’autre qu’une gouvernance sans vision, sans contenu en termes de programme et qui, pour donner l’impression d’exister au travers d’une rationalisation de l’action publique affuble ou mieux anesthésie les populations de slogans creux du genre, émergence en 2035 qui n’est qu’une prospective politique et non un programme ou des initiatives propagandistes telles que le plan triennal, le plus d’urgence comme si on devait gérer un pays dans l’urgence permanente, organisation des CAN, projets structurants…Bref, un catalogue d’actions sans cohérence qui participent de l’escroquerie politique dont on a du mal à voir avec des lunettes métaphysiques, pour paraphraser Mgr Jean Zoa, l’impact au plan économique et en termes d’amélioration du niveau de vie.
Au plus, on s’en sort, comme c’est les cas aujourd’hui, avec une crise d’endettement, synonyme d’un nouvel ajustement structurel. À preuve : la ballade ces derniers temps au Cameroun, des disciples d’une thérapie de sortie de crise économique ne trompe personne, une crise qui a déjà fait beaucoup de mal aux populations camerounaises (Visite de Christine Lagarde, conférence économique avec la participation des défenseurs de l’ordre libéral le plus achevé).
Entre temps aussi, nous assistons impuissants au surdimensionnement d’ego à la mesure des prébendes obtenues de la caste des responsables de cette nième crise économique qui pointe à l’horizon.
Que voulez-vous ? C’est un trait constant de la situation politique et sociale de notre temps : plus cruelle est la misère qui, telle une lèpre, ronge les masses, plus éclatants sont les privilèges d’une petite caste de miraculés sociaux formant l’édifice de l’aristocratie locale compradore africaine comprenant familles et clientèles.
Illustrant quelques aspects sociaux de cette cécité stratégique, il y a cinq ans environ, une édition spéciale de Germinal, faisait le constat d’une paupérisation en vrille des populations camerounaises en ville et plus particulièrement encore de la paysannerie qui en forme la grande majorité. L’expression, que le lecteur pouvait croire hyperbolique alors parait bien faible aujourd’hui. Qu’on en juge par cet exemple pris dans un domaine pouvant être considéré comme un bon baromètre de l’évolution d’un pays sous-développé : l’investissement social. Bien modeste sous le régime Ahidjo au regard du nombre d’hôpitaux et d’écoles construits, mais réels sous le régime Biya, les services de santé n’ont cessé de péricliter depuis la crise économique des années 1990 pour s’effondrer paradoxalement dans le contexte d’embellie économique retrouvée du fait de l’atteinte du point d’achèvement, comme l’atteste les observateurs les moins suspects de malveillance à l’égard du régime. Désormais, le malade qui vient se soigner dans un hôpital doit se munir de ses compresses, de ses propres médicaments, des gangs de soin, de l’alcool, des seringues ; rien n’est donné à l’hôpital pour un waman (pauvre). Mais, la bourgeoise compradore aux affaires et leurs sous-multiples et sous-fifres (familles au sens africain qui est le plus large possible, maitresses, etc.) se soignent régulièrement et au prix fort, pour une affection bénigne, dans les meilleures cliniques occidentales et aux frais des misérables contribuables camerounais qu’un extrême dénuement exempte du minimum vital. Qu’est devenu le slogan santé pour tous en l’an 2000 ? Une simple incantation.
Le démantèlement de l’embryonnaire système performant d’éducation laissé par le colonisateur et conservé par Ahidjo apparait plus révoltant à l’ère du Renouveau pourtant plus alphabétisé. L’introduction d’un livre au programme scolaire est désormais soumise à la logique des guichets et non à celle de la qualité.  Dans le secteur de l’éducation, comme dans bien d’autres, les slogans font office de réalisations. École ordinaire, promotion collective et démocratique, tous engagés pour une école de qualité, nouvelle gouvernance universitaire et son slogan, un étudiant un emploi, tous ces gadgets n’ont conduit qu’à une privatisation méthodique à tous les niveaux de l’enseignement. Pourtant, à l’examen, l’ordre gouvernant a souvent consenti des moyens colossaux pouvant permettre aux responsables de ces secteurs de se doter de politiques publiques pertinentes. Hélas, leur manque de vision installe ces secteurs dans la sinistrose.
Pour tout dire, sortir le pays du marasme dans lequel il se trouve aujourd’hui, impose une rupture avec la gouvernance aveugle ou par embuscade. Une démocratie sans vision ne peut conduire qu’à l’impasse. C’est le cas de certains pays africains, qui malgré le respect des principes démocratiques, des règles du FMI et de la Banque Mondiale demeurent des pays sous-développés, car en panne de vision.

Étienne Lantier