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Controverse : tribalisme multiforme et l’État tribal au Cameroun - Le prétexte Beti

Controverse : tribalisme multiforme et l’État tribal au Cameroun - Le prétexte Beti

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Index de l'article
Controverse : tribalisme multiforme et l’État tribal au Cameroun
Le prétexte Beti
Par-delà L’État tribal. Ma réponse à Anicet Ekane
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Le prétexte Beti
La question ethnique est et demeurera, encore pour longtemps, un enjeu essentiel dans notre pays. Au cœur de cette question ethnique se trouve le problème de la nature du régime du Renouveau. La question : « le pouvoir au Kamerun est-il Béti ? » est très pertinente et les inflexions qu’elle suggère méritent donc amplement d’être examinées.
Quelles que soient les passions auxquelles donne lieu, légitimement, cette question, elle est suffisamment sérieuse pour se contenter de l’effleurer ou en faire un argument politique.
Dans notre développement, nous allons essayer de faire appel et confiance à l’intelligence des Kamerunais et à leurs convictions profondes, plutôt qu’à leurs émotions et à leurs instincts primaires.
« Le pouvoir est-il Béti ? » est une question très ambigüe, car, qu’est-ce que cela voudrait dire ?
- Que l’essentiel des rênes du pouvoir se trouve entre les mains de Kamerunais Béti ?
- Que le pouvoir au Kamerun est détenu par l’ethnie Béti, qui entretient ainsi un pouvoir hégémonique sur le reste des Kamerunais ?
- Qu’entre les clans au pouvoir, le rapport de forces est plutôt favorable au clan Béti ?
- Ou bien que ces trois affirmations sont vraies ?

I. La source du malaise
« C’est la raison qui fait l’homme, mais c’est le sentiment qui le conduit ».
L’idée selon laquelle le pouvoir est Béti, est largement partagée par bon nombre de nos compatriotes. La corruption et le népotisme aidant, le fait qu’une partie toujours plus grande de la richesse nationale est accaparée par des clans ou des ramifications autour du Président Biya, et qu’un sectarisme ambiant est entretenu par certaines élites (1) tribalistes Béti, ce fait a contribué à installer cet état d’esprit chez bon nombre de nos compatriotes non béti. Par la suite, les frustrations et les ressentiments des autres élites non béti ont alimenté le radicalisme anti-béti, béat et désuet dès 1990.
À cette période-là, nos compatriotes étaient déboussolés par la situation politique. Certains malins, prétendument leaders sociopolitiques, ont cherché l’adhésion des masses par l’exacerbation de nos différences ethniques. Toutes les thèses démagogiques et populistes prospéraient. Les années de braise ont malheureusement brouillé l’analyse politique au sujet de la nature réelle du pouvoir au Kamerun.
Malgré la réalité des faits, ces vieux, faux, et dangereux schémas persistent et sont souvent le prétexte pour susciter la haine ethnique. Il est temps, il est vraiment temps de les bousculer vigoureusement.
Ce n’est pas en installant le mensonge et la désinformation que la démocratie se renforce.

 

II. La partie visible de l’iceberg
Personne de sérieux ne peut nier que les postes stratégiques, administratifs, politiques et militaires sont majoritairement attribués aux ressortissants béti. Les remaniements ministériels et les nominations dans les grandes administrations le démontrent sans cesse. Cela est si bien inscrit dans la pratique du pouvoir actuel que la question « d’arracher du pied cette épine devenue poutre » ne se pose plus lorsque le Chef de l’État procède aux consultations en vue des nominations aux postes clés de la République. Ce qu’il faut rapidement ajouter, mais qu’omettent de préciser ceux qui consciemment ou inconsciemment (plutôt consciemment) font des statistiques ethniques, c’est que cette structuration du pouvoir est du type néocolonial, et se retrouve dans pratiquement tous les pays du précarré français.
En faire un argument de propagande politique est donc faire preuve soit d’ignorance, soit de malhonnêteté politique dangereuse, soit les deux.
Les régimes UC et UNC, sous Ahidjo, avaient comme une de leurs caractéristiques, le contrôle politico-militaro-administratif du pays par la caste Peuhle du Nord. Bien plus, sous Ahidjo, une bourgeoisie d’affaires et de commerce, issue de la caste peuhle, et rapidement créée de toutes pièces, constituait la base de ce pouvoir militaro politico administratif. Le régime du Renouveau n’a rien inventé. Certainement qu’on peut lui attribuer une certaine grossièreté dans la fabrication des soi-disant hommes d’affaires béti. Cette opération avait pour objectif de se constituer une base économique capable de concurrencer les bourgeoisies de l’Ouest et du Nord. Le résultat est minable.
Malgré tout cela, on peut le dire sans aucun risque d’être démenti, qu’en dehors des mastodontes étrangers, qui en contrôlent l’essentiel, le résidu du pouvoir économique est détenu par la bourgeoisie de l’Ouest et du Nord.
D’Ahidjo à Biya, le pouvoir est de même nature structurelle. Sauf, qu’à l’hégémonie du camp peuhl, a succédé celle du clan béti, au niveau du rapport de force inter clans.
Si une certaine opinion tente de faire croire que cette hégémonie du clan béti est plus évidente que celle de la caste peuhle sous Ahidjo, cela relève de la manipulation. Tous ceux qui ont vécu et observé le régime Ahidjo savent bien que la caste peuhle régnait sans partage, prenant souvent un malin plaisir à humilier tous ceux qui osaient contester cette hégémonie instaurée notamment par les colons français. C’est d’ailleurs ce sentiment de frustration qui a nourri les réactions disproportionnées, sauvages et injustifiables des revanchards contre le putsch manqué de 1984. N’oublions jamais que de 1958 à 1982 Ahidjo a dirigé un régime de dictature qui avait sérieusement limité la liberté de parole. Le débat était proscrit, car dangereux. Et forcément rares étaient ceux qui osaient dénoncer cet état de choses. Depuis 1990, la parole revenue a permis d’exercer une pression plus importante sur le régime du Renouveau au sujet de ses dérives tribalistes. L’avènement du pluralisme politique ne pouvait que mettre, plus sérieusement, en difficulté cette structuration du pouvoir.

III. La réalité des faits
En effet, cette vision manichéenne du pouvoir du clan béti ne résiste pas à la réalité des faits. Sous le régime du Renouveau, comme sous celui d’Ahidjo, le pouvoir est partagé entre les différents clans villageois et tribalistes.
Si le pouvoir militaro politico administratif est détenu essentiellement par le clan béti, cela n’entraîne pas une situation ethnique hégémonique. Comme cela se faisait sous l’UC et l’UNC, avec Ahidjo, des pans entiers de ce pouvoir sont aux mains d’autres clans ethniques. Les nominations dans les grandes administrations et autres sociétés publiques procèdent de cette alchimie ethnique des pouvoirs néocoloniaux. Il est en outre indéniable que l’avènement d’un contexte politique de démocratisation ne pouvait que décourager toute velléité hégémonique, ce qui n’était pas le cas avant le multipartisme.
D’ailleurs la répartition des postes de pouvoir tient compte d’une donnée nouvelle qui bouleverse sérieusement les schémas ethniques. Le développement écervelé des sectes, qui ont fleuri sur les incertitudes d’une société en quête de sens, en perdition, a multiplié les mécanismes occultes d’accession au pouvoir, la sélection dans la reproduction sociale, accompagnée par une école où le tamis est l’argent, la persistance d’inégalités cumulatives, tous ces éléments nouveaux ont davantage nourri un système ouvert et transethnique. Tout cela a considérablement freiné toute velléité d’hégémonie ethnique.
En réalité, Biya est enfermé dans la logique des équilibres régionaux ; cette logique est indispensable à son maintien au pouvoir. Il a atomisé le pays avec cette logique. Aucune logique de représentativité populaire ne déterminant son choix dans le partage des postes de pouvoir.

IV. Les raisons de cette nouvelle levée de boucliers
La fin du régime du Renouveau, va de plus en plus alimenter les batailles pour le leadership de la succession. Les différents membres de ces élites de la petite bourgeoisie se chargent consciemment ou inconsciemment de défendre les intérêts de leurs bourgeoisies respectives, des intérêts qui s’accordent avec les leurs, dans le sens qu’elles aspirent à prendre la place de leurs ainés. Ainsi voit-on d’éminentes personnalités universitaires par ailleurs très brillantes, défendre des thèses plus ou moins fumeuses, mais dangereuses pour la Nation, dans un charabia pseudo universitaire. Peu importe, pensent-elles, l’essentiel étant d’assurer la victoire de leur camp.
Il en est ainsi du débat sur le prochain Président du Kamerun. On entend, pêle-mêle, « un Béti ne doit pas succéder à Paul Biya », « un Nordiste au pouvoir et se sera le chaos », « pas de Président Bamiléké, car il y aura une hégémonie ethnique totale ». DU VRAI DÉLIRE.
En fait, cet article devait être intitulé : « Le prétexte ethnique »
Mais commençons par la fin. Dans un récent article, j’ai amplement parlé du syndrome Bamiléké dont parlent certaines élites. J’expliquais qu’en réalité, ce sont les clans bourgeois et petit-bourgeois des autres ethnies qui redoutent le clan bourgeois et petit-bourgeois de l’Ouest. En effet, la relative puissance économique de ce dernier clan donne des sueurs froides aux autres, et spécialement au clan Béti qui redoute la fin de son hégémonie, dès la fin du règne de Paul Biya.
La caporalisation et la manipulation des masses transforment leurs peurs, légitimes en tant que celles du clan, en un syndrome national bamiléké. L’objectif poursuivi étant de créer un front anti-bamiléké au sein du reste de la population kamerunaise.
La même recette est expérimentée pour stigmatiser l’éventuelle arrivée au pouvoir d’un Kamerunais originaire du Nord. Ici, c’est le syndrome du Putsch manqué de 1984 et ses conséquences qui sont agités par le clan Béti.
Il en est de même dans la tentative de créer un clan anti béti sous le prétexte que : «  maintenant c’est le tour des autres ».
Quels autres ? De qui parle-t-on ? Évidemment, des autres clans bourgeois et petits-bourgeois, actuellement assis sur la table du gargantuesque festin national, mais qui bataillent pour en assurer la direction dans l’avenir.
Honte donc à ceux-là mêmes qui tout en étant sur la table du festin, veulent entraîner nos compatriotes notamment de l’Ouest et du Nord dans l’hystérie anti béti.
Honte également à ceux qui, sentant le sol leur dérober sous leurs pieds, sentant leur hégémonie en danger, agitent l’épouvantail des « gens du Nord », ou « des bamiléké envahissants ».
Et les Kamerunais dans tout cela ?
Tous nos compatriotes qui, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest qui, soit croupissent dans la pauvreté et la misère, soit survivent difficilement à cause de la faillite politico économique de ce régime, ne doivent pas se sentir objectivement concernés par ces batailles au sommet ; même si subjectivement, les ressentiments et les instincts primaires les y entraînent de temps en temps. Cette stigmatisation entretenue par ces élites villageoises et tribalistes est à combattre avec énergie.
En effet, elles peuvent précipiter, si on n’y prend pas garde, le pays dans un chaos consécutif à des confrontations ethniques liées à la bataille pour le pouvoir.
Ce qu’il faut affirmer ici, c’est qu’il existe une tribu de synthèse, (synthèse : formation artificielle d’un corps composé), pour reprendre la belle formule de notre camarade Denis NKWEBO, qui est composée de toutes ces élites villageoises au pouvoir ou à la périphérie du pouvoir, qui ne voient notre pays que comme une juxtaposition, un agrégat de bantoustans, condamnés à s’épier, à se combattre, sans aucune volonté, sans aucun espoir d’intégration. Voilà le Kamerun tel que conçu par la tribu de synthèse.
Ce que les Kamerunais doivent rejeter systématiquement, c’est de se laisser entraîner dans cette bataille qui doit se cantonner à l’intérieur de la tribu de synthèse dont nous parlions plus haut. S’il y a chaos, ce sera et ce doit être exclusivement à l’intérieur de cette tribu de synthèse.
Pour notre pays, pour le Kamerun de nos ancêtres, les patriotes seront un solide rempart contre toute tentative de déstabilisation d’où qu’elle vienne.
Ce sont ces gens-là que les Kamerunais ne voudraient pas à la tête du Kamerun post Biya.
Ce sont les Titus EdzoA, Akame Mfoumou, Tsimi Evouna, Fame Ndongo, Mebe Ngo’o, et autres, Atangana Mebara, Joseph Owona. Ce sont ces béti là dont les Kamerunais ne veulent plus.
Ce sont les Kontchou Kouomegni, Niat Njifenji, Jean Nkuete, Siyam Siwe, et Cie.
Ce sont ces bamilékés-là dont les Kamerunais ne veulent plus.
Ce sont les Marafa Hamidou Yaya , Amadou Ali, Bello Bouba Maigari, Cavaye Yeguie Djibril , Hamadjoda Adjoudji , Yaou Aissatou, et Cie.
Ce sont ces « nordistes » dont les Kamerunais ne veulent plus.
Évidemment, les Kamerunais ne veulent non plus de tous les autres membres des élites villageoises, tribalistes et abrutissantes des autres ethnies : les Esso, Bapes Bapes, Atanga Nji et cie.
Mais, quel Kamerunais aurait refusé qu’un patriote comme Mongo Beti, Abel Eyinga, Abanda Kpama, Enoh Meyomesse, Mevoua, Ovoundi dirige le Kamerun post Biya.
Qui aurait à redire si Jean Bosco Nkwetche, Yimgaing Moyo, Hubert Kamgang, Ghonda Nouga, Denis Nkwebo, Dongmo Fils Valentin, devenaient les dirigeants du Kamerun post Renouveau ?
Dr Albert Douffissa, Sanda Oumarou, etc., sont des patriotes au service du Kamerun de demain. Ils dirigeraient ce pays sans aucun esprit sectaire ou tribaliste, sans esprit de revanche, encore moins de velléités hégémonique.
Je ne pourrais pas dire autant de toutes ces personnalités politiques, sociopolitiques ou religieuses qui derrière des discours mielleux, sont de patentés tribalistes, conscients ou inconscients. Les lauriers dressés aux victoires électorales dans les niches régionalistes, sont là pour mettre à nu le comportement tendancieux de tous ces politiciens du village. Je ne citerai pour le moment aucun nom, mais je suis sûr qu’ils se reconnaîtront.
La solution à nos problèmes, la solution pour notre pays est l’arrivée au pouvoir de patriotes véritables débarrassés des instincts de repli identitaire et de tout sectarisme régionaliste et résolument tournés vers le panafricanisme.

V. Le prétexte ethnique
La question du pouvoir béti est intimement liée aux enjeux du pouvoir au Kamerun aujourd’hui. Les difficultés d’alternance politique ont été le détonateur de cette fracture politique entre le peuple béti et le reste du pays.
L’examen objectif du terroir béti et les conditions d’existence de ce peuple suffisent à eux seuls pour affirmer que ce peuple sert de masse de manœuvre de groupe de pression, d’objet de chantage au pouvoir minoritaire. Le rapport de forces au Kamerun se fait encore en grande partie par les ethnies, l’exercice du pouvoir également. D’ailleurs, les différents clans au pouvoir ne se gênent point pour se servir de leurs ressortissants dans ces manœuvres.
Ce n’est donc point une spécificité ni du clan béti, ni du pouvoir actuel. Comment peut-on donc stigmatiser un peuple qui n’a commis d’autres crimes que de compter des fils incompétents et antipatriotes à la tête d’un pouvoir impopulaire ?
Un peuple en acculturation effrénée, de plus en plus misérable, sans perspectives culturelles et matérielles ; la scolarisation est en régression partout, même dans les contrées proches du palais du Chef de l’État à Mvomeka. Les infrastructures de communication sont largement insuffisantes ou sont totalement dégradées. Les béti sont ainsi partagés ou coincés entre la coercition et le désenchantement.
Comme tous les autres Kamerunais, ils subissent les méfaits d’un pouvoir au service essentiellement des intérêts étrangers et peu soucieux du bien-être des Kamerunais.
Les autres peuples du Kamerun ne sont pas en reste, embarqués malgré eux, dans cette dérive de stigmatisation ethnique injuste. Ils sont véritablement des otages de leurs élites qui s’en servent comme monnaie d’échange dans les positionnements économiques et politiques.
En réalité, c’est le discours des revanchards et opportunistes passés dans l’opposition politique et l’aliénation ethnique des kamerunais qui ont fait du prétexte beti, un pouvoir beti.
Et comme la lumière crée l’ombre, le prétexte béti permet d’occulter les questions fondamentales liées à la nature de classe du pouvoir au Kamerun. Ils sont nombreux, les faux opposants infiltrés dans les sectes tribalistes et réactionnaires, et dans les médias, dont la contribution principale au départ de Biya semble être l’exacerbation du chauvinisme tribal et l’amalgame consistant à rendre le peuple béti solidairement comptable des échecs du « Renouveau »
Un proverbe haoussa affirme : « qu’une parole de vérité pèse plus que le monde entier »
Il faut donc cultiver la Vérité.
On ne fait pas la politique avec des sentiments et des remords. Mais avec un projet. Ce projet est de construire une Nation Kamerunaise, une véritable Nation Kamerunaise tournée vers un avenir de puissance africaine.
« Le Kamerun est notre Patrie et l’Afrique notre Avenir », affirmons-nous au MANIDEM.
C’est notre devoir. Le devoir de tous les vrais patriotes kamerunais.
Anicet Ekane, homme politique
Alias Pierre Nguenkam *
*Mon nom de lutte en clandestinité upéciste
(1) Ce terme d’élite est très ambigu, car cela renvoie, dans le contexte d’aujourd’hui, à des gens soit aux diplômes ronflants, plus ou moins authentiques, soit à des individus riches, aux revenus plus ou moins mal acquis. Par contre, une élite doit tirer la masse vers le haut, l’excellence, vers la probité, vers des valeurs humanistes. On est loin du compte au Kamerun du Renouveau.