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Politique Observations préliminaires à la suite de la Décision de la Cour suprême, statuant comme Conseil Constitutionnel, ordonnant l’enregistrement et l’examen par ELECAM des dossiers du MRC

Observations préliminaires à la suite de la Décision de la Cour suprême, statuant comme Conseil Constitutionnel, ordonnant l’enregistrement et l’examen par ELECAM des dossiers du MRC

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Observations préliminaires à la suite de la Décision de la Cour suprême, statuant comme Conseil Constitutionnel, ordonnant l’enregistrement et l’examen par ELECAM des dossiers du MRC  aux élections législatives du 30 septembre 2013
La décision rendue par la Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel le 14 août 2013, concernant les listes du MRC pour les législatives du 30 septembre 2013 non déposées à ELECAM, est hâtivement interprétée ici et là comme une décision de réhabilitation des listes en cause. Certains veulent même y voir, sans inventaire, le désaveu officiel du contenu de ma précédente tribune intitulée « Maurice Kamto à l’école de la pratique politique et à l’heure du recyclage en droit électoral ». Alors même que le principal concerné se réfugie dans un silence prudent.
En attendant l’arrêt rédigé, il urge de porter un premier regard critique sur cette décision surprenante et d’en esquisser les perspectives immédiates.

La décision de la Cour suprême est surprenante
Des considérations de fait et de droit expliquent l’étonnement qui a saisi tous ceux qui suivent l’affaire des listes du MRC aux législatives après le prononcé de la Cour suprême.

Sur les faits
Si l’on se fie aux divers comptes rendus d’audience, la version des faits de Maurice Kamto, acceptée par la haute juridiction est substantiellement que le MRC était à l’heure, mais ELECAM a refusé de prendre ses dossiers le matin du 18 juillet, constat d’huissier à l’appui, parce que les agents étaient fatigués et ont disparu. La Haute Cour suprême aurait donc « donné raison » au requérant en estimant que la Direction générale d’ELECAM n’était pas fondée à refuser d’enregistrer les dossiers de candidature du MRC, même présentés hors délai. Si le constat d’huissier produit aux débats pour attester le refus des dossiers du MRC a été dressé le 18 juillet 2013, c’est-à-dire après le délai, il ne saurait prouver que le dossier a été refusé dans les délais. Il prouve seulement que le dossier a été refusé hors délai.
Le MRC a-t-il tenté de faire enregistrer des dossiers incomplets le 17 juillet avant minuit ?
Le MRC n’a jamais tenté de déposer un dossier incomplet dans les délais. Selon les aveux itératifs de ses dirigeants, ce parti a attendu que le dossier soit complété le lendemain, « au petit matin », pour tenter vainement de le faire enregistrer.
Ce parti politique a donc voulu déposer des dossiers qu’il reconnaît lui-même avoir complété le lendemain de l’expiration du délai légal, « au petit matin », « peu avant 8 heures ». Il s’en déduit que la Direction générale d’ELECAM n’a jamais refusé d’enregistrer des dossiers incomplets du MRC dans les délais, d’autant qu’elle a accepté d’enregistrer plusieurs dossiers incomplets dans les délais et que ces dossiers ont logiquement été rejetés par la suite, sur décision du Conseil électoral (1). L’on devrait donc retenir que l’enregistrement d’un dossier ne vaut pas acceptation de ce dossier et ne l’entraîne pas mécaniquement.

En droit
Deux questions principales retiennent l’attention sous cette rubrique.

La Direction générale d’ELECAM était-elle fondée à refuser le dossier complet du MRC en cause hors délai, c’est-à-dire le 18 juillet 2013 ?
Assurément, oui. Car, ELECAM ne pouvait ni légalement ni raisonnablement décider de recevoir des dossiers (complets ou incomplets) après le délai imparti sans violer frontalement l’alinéa 1 de l’article 181 du Code électoral qui l’autorise uniquement à recevoir les dossiers « dans les quinze (15) jours suivant la convocation du corps électoral ».
Cet impératif juridique avait conduit la même Cour suprême, par l’organe de sa Chambre administrative, lors de précédentes élections, à repousser les demandes d’un requérant qui voulait faire enregistrer ses dossiers de candidature après le délai imparti, dès lors qu’il n’avait effectué aucune tentative de dépôt de dossier dans le délai légal. Il s’agit de l’affaire ATANGANA Vincent, Département de la Lékié (Monatélé) c. Etat du Cameroun (MINATD) (Commune de Monatélé), Jugement n° 014/06-07/CE du 12 juin 2007, où la Haute juridiction s’est définitivement prononcée en ces termes :

« [a]ttendu que le requérant prétend que sa liste de candidats a été refusée par les services extérieurs et centraux du MINATD, pour cause de retard ;
Attendu en effet que les services extérieurs du MINATD ont réceptionné les dossiers de candidature au-delà du 14 mai 2007, date butoir de recevabilité desdits dossiers ;
Qu’il y a lieu de relever que n’ayant fait aucune tentative de dépôt de dossier, le requérant tente subrepticement d’amener l’Auguste Chambre à valider sa liste de candidature » (italiques ajoutés).

L’on est bien en présence d’un cas en tout point similaire à celui du MRC, dans lequel le dossier a été « refusé […] pour cause de retard », alors même qu’aucune tentative de dépôt du dossier dans les délais n’avait été effectuée. Comment donc expliquer que la décision concernant Vincent Atangana soit différente de la décision concernant Maurice Kamto ?
De deux choses l’une. Soit la Cour suprême a opéré un revirement de jurisprudence assumé le 14 août 2013 en validant les tentatives de dépôt de dossier du MRC postérieures au délai de dépôt des candidatures ; soit la Cour suprême a institué une tolérance judiciaire inédite à jurisprudence constante, permettant le dépôt de candidatures à titre dérogatoire après le délai, dans le cadre des municipales et législatives du 30 septembre 2013.
Est-ce une bonne décision ? Juridiquement non, car il est constant que la Direction générale d’ELECAM a simplement appliqué la loi qui ne l’autorise pas à recevoir des dossiers de candidature après l’expiration du délai de 15 jours fixé par la loi.
En enjoignant la Direction générale des élections à enregistrer les dossiers litigieux du MRC et à les faire examiner par le Conseil électoral dans les prochains jours, la Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel a fait preuve de subjectivité au profit du MRC. Une subjectivité qui pourrait rappeler la « tolérance administrative » prescrite par le Premier ministre chef du Gouvernement pendant le double scrutin du 22 juillet 2007. La mesure primo-ministérielle avait alors permis à tous les partis politiques de faire enregistrer leurs dossiers de candidatures pour les législatives et municipales jusqu’au 31 mai 2007, alors que le délai initial était fixé au 14 mai 2007. Il se trouve cependant que la décision du Premier ministre était générale et profitait à tous les partis politiques et à tous les candidats aux deux scrutins, alors que celle prise par la Cour suprême le 14 août 2013 ne profite pas à tous les partis politiques. D’où l’intérêt d’en dégager quelques conséquences immédiates.

Les perspectives immédiaes
Deux séries de perspectives immédiates se dégagent de la décision du 14 août 2013. Elles s’articulent autour de ce que fera la Direction générale des élections d’ELECAM et le Conseil électoral de cet organisme, puis autour des suites logiques des décisions qui seront prises par les deux structures faîtières d’ELECAM.

Que fera la Direction générale d’ELECAM ?
Il est hautement probable qu’en exécution de la décision du 14 août 2013 rendue par la Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel, la Direction générale d’ELECAM s’emploiera à enregistrer les dossiers de candidatures litigieux du MRC. Cependant, elle aura vraisemblablement soin de préciser que ces dossiers ont été proposés pour enregistrement hors délai, « au petit matin du 18 juillet 2013, vers huit heures », suivant les déclarations itératives de Maurice Kamto.
Par une demande d’interprétation de l’Arrêt du 14 août, la Direction générale des élections pourrait par la suite demander à la Cour suprême de préciser si sa nouvelle ligne jurisprudentielle ne s’applique qu’au MRC ou si elle devrait s’appliquer à tous les recalés se trouvant dans la même situation que le MRC, en vertu des principes d’« impartialité » et d’« objectivité » (2) vis-à-vis des autres candidats dont les dossiers de candidature n’ont pas été déposés à bonne date, parce qu’ils étaient également en attente de telle ou telle pièce dont l’établissement s’est avéré plus laborieux que prévu.

Que fera le Conseil électoral ?
Le Conseil électoral aura à trancher deux questions pour conclure à l’acceptation ou au rejet des dossiers du MRC.

La question cruciale de savoir à quel moment les dossiers du MRC doivent être considérés comme complets
Les faits établissent à suffire que les dossiers du MRC n’étaient pas complets au moment de l’expiration du délai de dépôt des dossiers, le 17 juillet 2013 à minuit. Maurice Kamto a narré en détail les tribulations de son parti au Trésor et au siège d’ELECAM dans le quotidien Mutations (dont il est actionnaire), édition du 19 juillet 2013. Il y a déclaré que « [l]es représentants du MRC sont arrivés à Elecam avant minuit ! Seulement, nous ne pouvions pas déposer nos dossiers avant d’y avoir enjoint [sic] les récépissés du versement des cautionnements ». En clair, le MRC avoue qu’il n’a même pas essayé de déposer les dossiers en cause à bonne date, en raison de ce que l’ensemble des pièces requises n’étaient pas prêtes avant minuit.
L’examen de ces dossiers par le Conseil électoral ne devrait donc pas conduire à leur acceptation, ELECAM ne pouvant accepter des dossiers que les mandants n’étaient pas disposés à lui remettre avant l’expiration du délai légal.

La question subsidiaire de la validité des certificats de cautionnement produits par le MRC
En déclarant devant les médias que « [c]ertains partis politiques sont arrivés avant nous. Donc on traite leurs dossiers avant les nôtres. Il est évident qu’on ne pouvait pas avoir traité cela avant minuit, puisque eux-mêmes sont arrivés presqu’à minuit », Maurice Kamto suggère fortement que le MRC est arrivé au Trésor le 17 juillet 2013, après minuit. Il est en effet tout à fait vraisemblable que le parti qui suit un autre arrivé « presqu’à minuit » est nécessairement arrivé après minuit. Auquel cas, l’on devrait se demander comment les certificats de versement du cautionnement délivrés au MRC peuvent porter la date du 17 juillet 2013.
Sous cet angle, une sous-question s’auto-présente : faut-il s’en tenir superficiellement à la date du 17 juillet portée sur les certificats de cautionnement ou faut-il rentrer dans les circonstances de l’établissement de ces documents de cautionnement ? Si l’on s’en tient à la date du 17 juillet portée sur les certificats de versement des cautionnements, ces documents seraient valables, sans pour autant fonder l’acceptation des dossiers querellés, dès lors qu’ils ont été présentés à l’enregistrement après les délais légaux. Par contre, il est évident que, si l’on retient la seconde hypothèse, celle où le MRC se serait présenté au trésor après minuit, les certificats de versements des cautionnements datés du 17 juillet devraient être considérés comme des pièces falsifiées. Ce qui aggraverait le cas des dossiers à l’examen.

3- Quelles sont les conséquences de la décision de la Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel ?
La conséquence la plus évidente est que le dossier litigieux du MRC aux législatives sera enregistré par la Direction générale des élections d’ELECAM et sera par la suite examiné par le Conseil électoral.
Que se passera-t-il si le Conseil électoral décidait malgré tout d’accepter les dossiers de candidature litigieux du MRC ?
La conséquence implicite, mais nécessaire, de l’improbable acceptation des dossiers de candidature du MRC non déposés à bonne date pour les élections législatives est qu’ELECAM devrait accepter toutes les listes de candidats qui ont été refusées parce que présentées hors délai, le lendemain voire quelques jours après l’expiration du délai de dépôt des candidatures, en application de la tolérance judiciaire décidée par les juges suprêmes ou du revirement de jurisprudence opéré par la Haute juridiction.
Ces dossiers devraient également être enregistrés par la Direction générale des élections et soumises à l’examen du Conseil électoral, en vertu du principe d’égalité entre les candidats à une élection.

Pr James-Mouangue-Kobila
1 Cf. Résolution du Conseil électoral portant rejet des listes de candidats à l’examen pour les élections des députés à l’Assemblée nationale du 30 septembre 2013, in : Cameroon Tribune du vendredi, 2 août 2013, Cahier spécial, pp. VIII-IX :
i) liste incomplète avec un seul candidat et un seul suppléant dans une circonscription comptant sept sièges (liste du RSDC dans le Mfoundi) ;
ii) absence de suppléants pour deux candidats titulaires (liste de l’AFP dans le Mayo-Danay-Est) ;
iii) absence de certificat ou de quittance de versement du cautionnement (listes SDF dans le Faro et Deo ainsi que dans le Nyong et So’o puis dans la Kadey et dans le Logone et Chari, dans le Mayo-Louti et dans le Noun-Centre ; liste de l’UDC dans le Mfoundi ; liste  de l’UPC dans le Mbéré ; liste du RCPU dans le Djerem ; liste du POUC dans la Lékié-Ouest ; listes du RPD pour la Lékié-Est et Lékié-Ouest ; liste du BRIC dans Wouri-Est ; listes de l’UNDP dans le Moungo-Nord, dans le Moungo-Sud et à Wouri-Sud ; liste du CPSJ dans la Mezam-Centre ; liste de l’UMS dans la Menoua) ;
iv) absence d’extrait d’acte de naissance, de bulletin n° 3 du casier judiciaire, d’attestation d’inscription sur une liste électorale et de certificat de nationalité (liste du MERCI dans le Mbam et Kim ; liste du MDP du Moungo-Sud et liste du SDF dans le Noun-Centre pour le premier et le troisième motif ; liste de l’UMS dans la Menoua pour le dernier motif) ;
v) absence de bulletin n° 3 du casier judiciaire (liste du SDF dans le Noun-Centre ; liste du BRIC à Wouri-Est ; liste de l’UFDC à Wouri-Sud) ;
vi) absence du certificat d’imposition ou de non-imposition entre autres griefs (liste du SDF dans le Logone et Chari, ainsi que dans le Noun-Centre ; liste du MDP du Moungo-Sud ; liste du MERCI de la Mefou et Akono ; liste de l’UMS dans la Menoua) ;
vii) production d’une seule déclaration de candidature pour un candidat et absence de déclaration de candidature pour une candidate (listes de l’UFDC à Wouri-Ouest et à Wouri-Sud ainsi que la liste du SDF dans le Mayo-Louti et la liste de l’UMS dans la Menoua pour le premier motif ; liste du PURS dans la Mefou et Akono pour les deux motifs) ;
viii)production d’un seul exemplaire de déclaration de candidature de surcroît non légalisé (liste du SDF dans le Mayo-Louti);  
xi) absence de certificat de nationalité et de déclaration sur l’honneur de certains candidats (liste du SDF dans le Noun-Centre ; liste du MDP dans le Moungo-Sud).
2 Alinéa 1 de l’article 10 du Code électoral.