Procès politiques
Paul Biya a certainement raison de dire qu’il n’existe pas de prisonniers politiques au Cameroun. Il sait de quoi il parle surtout qu’il a su user des artifices pour faire avaler, le plus souvent par des tours de prestidigitation savamment orchestrés et dignes d’un Maître, l’histoire selon laquelle les personnes interpellées dans le cadre de l’ « Opération Épervier » sont coupables de distractions de deniers publics. Il l’a répété mille fois, le plus souvent en se regardant dans la glace. Le peuple famélique éreinté par trois décennies d’une gouvernance catastrophique et d’une gestion à l’emporte-casse, avait besoin du sang. Il a transformé ses propres créatures en victimes expiatoires. Il a réussi certainement à se convaincre, mais pas à convaincre de nombreux Camerounais avisés qui ont démasqué le jeu de massacre de politique qu’il a orchestré dans le sombre dessein de baliser le chemin à un dauphin qui n’osera pas ouvrir les placards de la République après son départ de la magistrature suprême. On comprend pourquoi Mathias Eric Owona Nguini soutient dans le présent dossier
que l’ « Opération Épervier » «donne […] l’impression d’être une démarche calculée de purge politique. Ainsi, la lutte contre la corruption est-elle toujours menacée d’être dévoyée en pratique dévoratrice et sacrificatrice de judiciarisation manipulatrice et inquisitrice de règlements de compte. Cela ouvre alors la porte au tissage politicien d’intrigues judiciaires qui alimente la perception des dossiers de l’ « Opération Épervier » comme des procès politiques maquillés et grimées en affaires de droit commun »
Si Marafa Hamidou Yaya, Titus Edzoa, Jean Marie Atangana Mebara, Urbain Olanguena Awono, Polycarpe Abah Abah, Thiérry Atangana, Me Lydienne Yen Eyoum…étaient poursuivis pour des infractions de droit commun, le commun des Camerounais ne comprend pas toujours pourquoi Paul Biya doit ordonner les interpellations, les arrestations, les condamnations de certaines personnalités, tout usant de tous les stratagèmes pour protéger les membres de sa famille nucléaire et ses amis.
En tout état de cause, un système qui commence à dévorer ses propres créatures pour tenter de se régénérer est un système décadent.
Dossier publié dans Germinal n°082 du 07 février 2013.