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Le modèle démocratique sénégalais doit-il et/ou peut-il s’exporter au Cameroun?

Le modèle démocratique sénégalais doit-il et/ou peut-il s’exporter au Cameroun?

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 L’année 2011 fut un véritable cauchemar pour les démocrates et les défenseurs d’une Afrique souveraine, indépendante  et dont  la voix devait compter dans l’actuel village planétaire.
L’échec du processus électoral en Côte d’Ivoire, pourtant parrainé par la fameuse communauté internationale, ayant conduit à une intervention militaire, suivi du transfèrement du Président Laurent Koudou Gbagbo à la CPI, fut accueilli comme la fin des espoirs d’une jeunesse africaine qui pensait retrouver une fierté aussi égale à celle de leurs aînés d’avant nos indépendances.
À peine les plaies toutes béantes n’étaient pas encore pansées que la guerre surréaliste en Libye, imposée par un quartet d’États sous un mandat dévoyé de l’ONU, achevait, avec l’assassinat de Kadhafi, d’enterrer à court terme, l’espoir de voir une Afrique « new-look », reflet du bouillonnement  et de l’intelligence de ses enfants.
Les révoltes populaires en Tunisie et en Égypte que de nombreux médias ont pompeusement appelées le « printemps arabe », ont, dans le même temps, suscité le vague espoir qu’elles allaient se propager de façon tellurique

à l’ensemble du monde arabe et de l’Afrique subsaharienne.
Entre ces espoirs déçus, se sont glissées des élections présidentielles un peu partout en Afrique avec des fortunes diverses.
Des processus électoraux controversés du Cameroun, de la République démocratique du Congo à l’alternance en Zambie, l’Afrique, en 2011, aura cherché la voie et la conduite à suivre pour désigner, de manière incontestable, les dirigeants de ses États.
Mais, au moment où d’autres États allaient organiser, cette année 2012, des élections présidentielles, voilà que resurgit du côté du Mali, exemple de démocratie et d’alternance en Afrique francophone (peut-être pas de meilleure gouvernance), une méthode d’accession au pouvoir  que l’on croyait révolu à jamais en Afrique. Un coup d’État organisé par des soldats commandés par d’officiers subalternes dont les motivations demeurent toujours floues, en dehors  de leur mécontentement à propos de la gestion de la crise Touareg.  Touaregs qui, au passage, auront longtemps combattu dans la « légion islamique » de Kadhafi, mais curieusement épargnés par les bombardements et laissés libres de leur mouvement, avec leurs stocks d’armements, dans un vaste territoire désertique où les groupes terroristes agissent et kidnappent déjà des ressortissants étrangers.  Ont-ils été épargnés pour mener, par procuration, le combat contre ces groupes terroristes venus d’Algérie ou alors pour d’autres raisons?  
« Mille remerciements » aux initiateurs de cette guerre dont les effets collatéraux, pensés ou non, ont pour corollaire aujourd’hui, la déstabilisation du Mali, demain peut-être du Niger, de la Mauritanie, l’Algérie, du Tchad, Nigéria et même du Cameroun.
En effet la porosité de nos frontières, la prolifération des armes et munitions issues des gigantesques stocks de l’armée de Kadhafi finiront tôt ou tard par nous rattraper si aucune action concertée n’est organisée par tous ces États.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, après l’Irak, la Libye, le désordre risque de se répandre plus vite que l’on ne le croit. À qui profitera ce désordre?
D’une relative bonne démocratie malienne, on en vient à une pâle dictature militaire, par les métastases d’une guerre libyenne qui ne s’imposait nullement pas, comme si le message subliminal que l’on souhaitait nous adresser était que la « démocratie n’est qu’un luxe pour nous ».
« Circulez, il n’y a rien à voir » pourrait-on se dire.
Malheureusement pour les détracteurs de cette démocratie en Afrique, qu’ils se recrutent à l’étranger ou à l’intérieur, non seulement le peuple sénégalais vient d’écrire une nouvelle page de son histoire démocratique, mais plus important celle de la démocratie en Afrique francophone.
Un peuple à la hauteur des enjeux
Les évènements de ces derniers mois auraient pu décourager les velléités de ce peuple qui souhaitait une « alternative à l’alternance ».
Le Président Wade en se présentant, en dépit de tout bon sens politique, a oublié, en l’espace de 10 ans, le processus par lequel  il avait lui-même accédé au pouvoir. Le « Sopi » (changement en Wolof) qu’il incarnait aux yeux du peuple sénégalais, des petites gens des quartiers populeux des villes ou des campagnes du pays, avait eu raison de son adversaire de l’époque Abdou Diouf. Le peuple l’avait accompagné comme il le fait aujourd’hui avec Macky Sall.
Comment a-t-il pu imaginer le contraire?  L’appétit et/ou la solitude et/ou l’usure et/ou le caractère enivrants du pouvoir ont-ils eu raison de la lucidité de l’éternel opposant-avocat qu’il fut avant son accession à la magistrature suprême ?
En tout cas, son entourage ne l’aura pas aidé jusqu’au bout. Mais force est de reconnaître, qu’en animal politique, conscient, après le premier tour, qu’il avait perdu sa dernière bataille politique et connaissant l’engagement de ses concitoyens à défendre leurs votes, il n’a point attendu les résultats officiels pour reconnaître sa défaite, imitant en cela son prédécesseur Abdou Diouf et surtout court-circuitant ceux qui, dans son entourage, auraient pu engager avec le peuple, qui s’est inscrit et a voté massivement, une épreuve de forces  aux conséquences incalculables.
C’est une victoire obtenue par le peuple et pour le peuple. Toutes choses qui n’auraient pu se faire sans des institutions fortes et la grandeur des femmes et des hommes qui les incarnent.
Des institutions, une administration et une armée républicaines et impartiales
Malgré les soubresauts de ces derniers mois, les institutions sénégalaises, perfectibles au demeurant, auront bien fonctionné. La  Justice que l’on a crue inféodée au pouvoir exécutif, comme dans bon nombre de pays dans le monde, a joué sa partition notamment quand il s’est agi de valider la candidature du Président sortant.
L’administration a contrôlé, sans anicroche, de bout en bout, le processus électoral. Les fonctionnaires, ayant comme tous les citoyens, leurs penchants, ont agi avec impartialité, rigueur et sens du service public.
Les forces de maintien de l’ordre ont veillé au grain dans un esprit républicain malgré les tensions. Elles n’ont jamais été dotées pendant les manifestations, de munitions létales afin d’éviter de malheureux incidents.
L’armée est restée dans son rôle de « Grande muette » républicaine, loin des arcanes politiques. En tout cas, le contraire, dans ce pays, aurait été étonnant tant cette armée s’est forgée ainsi que les officiers qui la commandent, dès sa naissance, dans le moule du respect de la légalité et des institutions, hormis l’intermède de 1962.
D’ailleurs elle n’aura, non plus, eu de raison de sortir des casernes puisque le processus électoral en place était accepté, de manière consensuelle, par l’ensemble de la classe politique et le peuple.
Un processus électoral libre, transparent et surtout ouvert à une alternance.
Le Sénégal est l’un des seuls pays d’Afrique francophone à avoir maintenu, post indépendance, le multipartisme, même au plus fort de la guerre froide entre les deux grandes puissances  de l’époque qui instrumentalisaient leurs alliés ou satellites régionaux.
Contrairement au multipartisme « étatique » instauré dans la majorité des États africains, post chute du mur de Berlin, qui n’offre aucune possibilité de modifier l’ordre établi, le multipartisme sénégalais autorise, deux fois vérifiée en une décade, l’alternance.
En cela, la démocratie sénégalaise se distingue des « DEMOCRATURES» en vigueur dans la plupart de nos pays c’est-à-dire des démocraties qui y ressemblent sans avoir la couleur ni l’odeur encore moins le goût.
Le processus est libre, transparent. Malgré quelques couacs, les électeurs inscrits ont eu leurs cartes avant le scrutin, connaissaient leurs bureaux de votes.  Le fichier électoral n’était pas vérolé avec des doublons. Pas de votes multiples, l’encre fut indélébile.
Le scrutin à deux tours permet au peuple de sélectionner au premier  et choisir au second. Les candidatures suscitées ont peu de chance de prospérer sous cette latitude.
Malgré la prime au sortant, avec les moyens d’État, tous les candidats ont été logés à la même enseigne pendant la campagne électorale entre autres au niveau des temps de parole dans les médias.
Lesquels médias, notamment les radios libres, avaient déjà pris une part prépondérante dans la victoire de Wade, à l’époque, contre Abdou Diouf.
Des médias conscients de leurs droits et surtout obligations
Contrairement à l’image négative  que nous avons des journalistes, au Cameroun, les Sénégalais sont fiers de leurs médias en général, de leurs plumes, en particulier, qui, malgré la modicité de leurs moyens, vendent très peu leur âme aux gens du pouvoir. Ils informent, enquêtent, défendent aussi, par convictions, en fonction de leur ligne éditoriale, des positions. Les joutes oratoires sont la normale et non l’exception, des débats entre candidats sont organisés. Certes nous n’avons pas eu droit à un débat télévisé entre Wade et Macky comme celui entre Laurent Gbagbo et Ouattara, mais tout de même.
Il est certain qu’avec la mobilisation des médias acquis à l’opposition notamment le groupe du chanteur Youssou Ndour, la partie était mal engagée pour le candidat sortant qui s’était par ailleurs aliéné beaucoup de gens. L’omniprésence de son fils, Karim Wade l’aura desservi également. L’idée, véhiculée par les médias, de sa volonté vraie ou fausse de léguer le pouvoir à ce dernier, a fini par susciter  une unanimité contre lui, tant au sein de la classe politique, tous partis confondus qu’au sein de la population.
L’ultime recours aux confréries religieuses ne l’aura finalement pas sauvé de la défaite qu’il aurait pu éviter s’il avait renoncé à se présenter pour ce qui peut s’apparenter à une candidature de trop.
Qu’à cela ne tienne, la reconnaissance avant l’heure de sa défaite lui épargnera les quolibets publics et lui vaudra les vivats de son peuple pour la grandeur de son geste et surtout  la reconnaissance d’une classe politique responsable.
Une classe politique responsable
Oui en effet, le Sénégal est doté d’une fine fleur de femmes et d’hommes politiques qui ont le sens de l’État, des intérêts supérieurs de leur nation et enfin de l’honneur.
Est-ce le reflet d’un peuple fier, d’intellectuels dignes, d’une société civile active et prolifique en propositions concrètes ?
Certainement un mélange de tout cela.  Un tel bouillon n’existe-t-il qu’au Sénégal?
Pourquoi dans les pays d’Afrique francophone comparables au Sénégal, un tel foisonnement ne produit-il pas le même résultat?
L’arbre ne serait-il pas saint au Cameroun pour ainsi produire des bons fruits?
Indépendamment des obstacles et obstructions  aux possibilités d’alternance chez nous, nos partis d’opposition, aussi diversifiés que ceux du Sénégal, savent-ils prendre la mesure des enjeux de l’heure ?
Dans ce scrutin présidentiel, leurs homologues sénégalais ont su le faire.
Une opposition riche de sa diversité, mais unie face aux enjeux de l’heure
Le rejet de Wade, de sa politique, du clanisme systémique qu’il avait mis en place, les multiples provocations et bourdes internes et externes ont sans doute favorisé le rapprochement tactique des partis de l’opposition autour du candidat Macky Sall. Davantage qu’une adhésion à la politique du nouveau Président.
Mais fallait-il encore que cette opposition réussît à s’unir face à cet enjeu et qu’il n’y ait pas de trublions instrumentalisés par le pouvoir en place. Ce pari, l’opposition l’a gagné parce que les partis qui la constituent sont bien structurés,  judicieusement organisés, animés par des militants de terrain convaincus et disposant des fruits d’un travail programmatique de leurs cadres.
Surtout ne se réveillant pas la veille des élections pour battre les estrades, faire les marchés et se plaindre à tort ou à raison par exemple de leur manque de moyens.
Là aussi l’exemple du Sénégal peut-être une inspiration pour nos partis en général et pour les partis de l’opposition en particulier, en matière de financement de leurs activités.
Le PS de l’ancien Président Abdou Diouf a bien survécu à son échec et à son retrait de la vie politique nationale. Son candidat ayant perdu l’élection, comment finance-t-il ses activités depuis 12 ans?
Le Sénégalais n’est ni plus riche ni moins pauvre que le Camerounais. D’où viendrait l’erreur chez nous ?
Alors une page se tourne au Sénégal, mais le plus dur commence pour le nouveau Président Macky Sall qui, ayant côtoyé le pouvoir comme premier ministre, sait mieux que quiconque les attentes des populations sénégalaises et surtout de sa jeunesse en proie au chômage et à la misère.
Après les flonflons de la victoire, la durée de l’État de grâce ne sera pas longue. Comment gérera-t-il politiquement cette union, disparate des 12 partis de l’opposition, qui l’a porté au pouvoir, et ce jusqu’aux prochaines élections législatives?
Ciao Mr le Président Abdoulaye Wade. Nous n’oublierons pas vos conseils avertis au Président  Laurent Koudou Gbagbo qui attend d’être jugé par la CPI à la Haye et qui certainement doit méditer sur votre sort sans oublier votre défunt ami Mouammar Kadhafi, assassiné et qui n’est plus là pour vous recevoir sous sa tente autour d’un thé chaud à la menthe.
A vous, Mr le Président Macky Sall, l’honneur et le devoir de ré enchanter votre peuple à la politique, de lui donner à nouveau le sourire et par ricochet aux autres peuples d’Afrique francophone, meurtris dans leur chair et esprit par les tristes évènements de l’année 2011.


Adrien Macaire Lemdja

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