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Gouvernance: Etoudi, le Centre de l'Inertie

Gouvernance: Etoudi, le Centre de l'Inertie

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Index de l'article
Gouvernance: Etoudi, le Centre de l'Inertie
Concertation : le bal des caméléons?
Protocole d'Accord ministres/responsables syndicaux
La permanence de la roublardise
La (dé)fête de la jeunesse camerounaise
Toutes les pages

Paul Biya, le cœur de l’inertie au Cameroun
Paul Biya a souvent décrié l’inertie dans la marche des affaires publiques. Pourtant, il est le premier responsable des maux qui minent le pays. Parce que toujours en courts séjours privés au Cameroun.
Au cours d’un conseil ministériel réuni le 3 juillet 2008, quelques jours après avoir limogé le Premier ministre et quelques autres personnalités de son gouvernement d’une soixantaine de membres, Paul Biya a vertement tancé toute son équipe. L’annonce même de cette réunion du gouvernement augurait de cette colère du président, qui ne réunit presque jamais son équipe. « Les résultats obtenus n’ont pas été à la hauteur de toutes nos attentes. Il était donc nécessaire de se demander pourquoi, d’identifier les obstacles rencontrés et d’en tirer les leçons », a-t-il expliqué dès l’entame de ce conseil ministériel. le président de la République n’a pas eu de mots assez durs : « Certes, la crise mondiale qui a atteint le Cameroun il y a quelques mois, a compliqué notre tâche. [...] Mais la crise n’explique pas tout. Globalement en effet, notre économie

a été plutôt moins touchée que d’autres. Pour dire les choses clairement, je crois que nous avons manqué de dynamisme. L’inertie que j’ai souvent dénoncée a repris le dessus. Malheureusement aussi, la corruption, même si elle est vigoureusement combattue, continue de freiner notre action », a-t-il dit à ce gouvernement, réuni au grand complet au Palais de l’unité.
Mais est-ce vraiment ce gouvernement qui est responsable de l’inertie alors qu’il est unanimement admis que le Cameroun est pays où la prépondérance constitutionnelle et effective du président de la République ne fait aucun doute ? La preuve que Paul Biya est lui-même la cause première de l’inertie qui verrouille toute initiative politique d’envergure saute aux yeux.
Un exemple significatif est l’annonce qu’il a faite devant ses militants, au sujet de la mise en place du Senat : « A côté de l’Assemblée nationale qui fonctionne de façon exemplaire devrait siéger avant la fin du septennat en cours le Sénat prévu par notre Constitution. Nous disposerons alors d’un système parlementaire comparable à celui des grandes démocraties ». Où donc est passé ce Senat dont personne ne s’est aperçu de la création ? Autre serpent de mer annoncé, par le champion de la dénonciation de l’inertie, on compte la relance de l’école des cadres du parti, elle aussi introuvable. Concernant le fonctionnement de son appareil politique, Paul Biya y était également allé de ses diagnostics clairs, froids, aux accents quelque peu populistes. Face aux militants, il annonçait que seul le mérite conduira à la promotion des camarades militants aux postes de responsabilités : « Je le dis et je le répète, le Rdpc doit être un parti de militants et non un parti d’état-major. […]  les “ personnes dites ressources ”, soit en raison de leurs fonctions, soit en raison de leur situation matérielle, éclipsent les présidents de section issus des rangs des militants. Cela n’est pas normal. …) Les instances supérieures du Rdpc doivent veiller à garder le contact avec la base et rester accessibles. C’est le mérite et le militantisme vrai qui doivent présider au choix des responsables et des investitures. Ce n’est ni l’argent, ni la capacité d’organiser des fêtes où l’on danse plus qu’on ne pense. En effet, le folklore n’a pas grand-chose à voir avec l’engagement politique ». Là encore, le dernier congrès du Rdpc a donné à constater que le parti du chef de l’État n’a pas beaucoup progressé dans le sens de la valorisation des militants de base, ou des adhérents de première heure. De plus, son parti est resté cette structure où on « danse plus qu’on ne pense », et qui est surtout une impressionnante machine à pondre des motions de soutien aussi creuses que redondantes : « le Rdpc ne doit pas être qu’une simple machine électorale que l’on fait fonctionner tous les cinq ans à l’approche des échanges. Notre parti c’est l’âme du Renouveau, c’est l’avant-garde de la démocratie, c’est le levier qui nous permettra de vaincre la pauvreté. “ Force d’écoute et de proposition ”, il doit continuer à inspirer notre action dans tous les domaines. Cette redynamisation nécessaire devrait s’accompagner de campagnes d’adhésion qui seront d’autant plus prometteuses que le Rdpc donnera l’impression d’être un parti où le dialogue et la tolérance l’emportent sur l’arbitraire et les réflexes d’autorité ».

Fonctionnement trop vertical

Saint Eloi Bidoung, et Tobie Ndi, les challengers de Biya pour la présidence du Rdpc sont des exemples vivants de l’absence de démocratie dans ce parti où du reste, les organes dirigeants n’ont pas été renouvelés depuis quinze ans. Ayah Paul, Adama Modi, et quelques autres qui ont osé exprimer le moindre désaccord par rapport au fonctionnement trop vertical du parti, ont également payé cher leur outrecuidance. Ils se croyaient dans un parti démocratique.
Cela nous amène à parler de l’agriculture qui d’après le Chef de l’Etat, « constitue une mine de richesses énorme pour notre pays, mais son potentiel reste encore largement sous exploité. La conséquence la plus paradoxale est que notre pays, pour nourrir ses populations, est obligé d’importer des denrées que non seulement il pourrait produire, mais aussi qu’il pourrait exporter… et ceci évidemment aggrave le déficit de notre balance commerciale au lieu de le résorber… Une telle situation n’est pas tolérable ». Statu quo ante. Cinglant diagnostic fait par Paul Biya lui-même lors du Comice Agricole d’Ebolowa l’année dernière. Sauf qu’un an après ce constat qui tient lieu d’un mea culpa Urbi et Orbi, rien de concret n’a été fait pour améliorer la situation du monde rural. La banque agricole tarde toujours à voir le jour, la mécanisation ne suit pas, au contraire, l’on trouve le moyen d’abandonner dans la broussaille près d’un millier de tracteurs. De quoi mettre en doute la volonté des pouvoirs publics à améliorer véritablement les conditions de vie des populations, et de mettre un bémol sur «  l’intensification des programmes d’accès à l’eau potable et d’électrification par une utilisation optimale des sources d’énergie alternatives ». Quand on n’arrive pas à se nourrir normalement, quand on ne peut pas se soigner convenablement, quand l’éducation créée l’apartheid pour les enfants d’un même pays ayant les « mêmes droits », on comprend que ce n’est pas au niveau de l’habitat social ou de l’emploi que l’on parlera de l’équité. Grosso modo, les Camerounais doivent comprendre que l’année 2012 a commencé comme 2011 et les années précédentes sont terminées.
Sur le plan diplomatique, le langage s’est enrichi depuis le 31 décembre 2010, au soir, d’un nouveau concept : la Renaissance diplomatique. Il a été abordé par le patron de la diplomatie camerounaise, lui-même, au cours de son traditionnel discours de fin d’année à la Nation. Paul Biya a effleuré le sujet se réservant « de revenir plus en détail prochainement sur ce que l’on pourrait appeler la « renaissance » de notre diplomatie ». Sortant en fin de sa léthargie, Paul Biya a en effet pourvu, toutes les chancelleries du Cameroun de chef de mission depuis lors. Ils étaient jusqu’à la mort de Joseph Fofé, ambassadeur du Cameroun à Bangui et la nomination de Mbarga Nguellé au poste de délégué général à la sûreté nationale, 35 ambassadeurs camerounais dans le monde. Les représentations diplomatiques en Turquie et en Inde récemment créées et celle de Libye annoncée à la presse locale n’ont pas encore été pourvues. En outre, il a fait restaurer les bâtiments hébergeant l’essentiel des chancelleries camerounaises à l’étranger. On cite pelle mêle dans les milieux diplomatiques, ceux de Paris, d’Abuja etc. Mieux le Cameroun est propriétaire du bâtiment qui abrite son ambassade à Brasilia au Brésil. Mais alors qu’on pensait que la diplomatie est enfin guérie de l’inertie présidentielle, le chef de l’Etat a stoppé net son action. C’est pour cette raison que des observateurs de la scène politique estiment que ce concept serait un mot vain si Paul Biya n’organise pas, une bonne fois pour toutes, la conférence des ambassadeurs qui se tient chaque année, sous d’autres cieux. Le dernier en date au Cameroun remonte à 1985. C’est au cours de cette réunion de tous les ambassadeurs et autres chefs de mission du Cameroun en poste à l’étranger que peut être abordée la question du statut particulier des diplomates. Le texte qui régit cette profession est vieux de 36 ans et paraît désuète. Selon des sources crédibles, le président avait marqué son accord pour l’organisation depuis 3 ans. Mais depuis lors, plus rien n’a été dit. C’est également dans ce cadre que le ministre en charge des Affaires étrangères pourrait être désigné comme chef de la diplomatie de fait. Comme en France ou aux États-Unis. Cela donnerait, selon des diplomates, plus d’allant aux dossiers relevant de ce domaine. D’après de nombreux diplomates, ce n’est que par ce moyen qu’on peut prétendre faire intégrer la diplomatie dans le Pib (produit intérieur brut) ou pratiquer la politique de placement de citoyens camerounais même aux postes les plus banals au niveau des organisations internationales. Car le fait qu’on attende une décision d’Etoudi qui a de nombreux « chats à fouetter » constitue une sérieuse pesanteur… Des vœux pieux avant le dévoilement de la Renaissance de la diplomatie camerounaise par son concepteur.
Il en va de même pour la réforme de des Enseignements secondaires et de l’Éducation de base dont les projets de décrets d’application croupissent dans les tiroirs de la présidence depuis une dizaine d’années ; du statut particulier des enseignants du secondaire qui peine à trouver entière application ; de l’application de la constitution de 1996, etc. Tous ces actes dépendent exclusivement du président Paul Biya pour leur application, aucun ministre, fut-il le premier d’entre eux, n’ayant le pouvoir de leur donner application indépendamment de la volonté du chef de l’État.
Alain Didier Olinga, dans son ouvrage intitulé «Propos sur l’inertie», démontre que l’inertie est entretenue par un système dont le parti unique est le ferment. Il est vrai que dans son questionnement, l’auteur en arrive au constat que l’inertie n’est pas la «propriété naturelle» des Camerounais. Encore moins un principe de vie ; pas plus que le mode normal de fonctionnement. De ce point de vue, l’inertie, de par son ampleur, semble avoir atteint un état qui la rend résistante au changement. Le discours présidentiel sur le vocable visé, cible la sphère administrative et les dérives de la gouvernance à la dimension de l’État.
Une idée qui renforce, chez Alain Didier Olinga, la lecture selon laquelle l’inertie fait partie au moins d’une partie de l’histoire récente du pays. Au point que «le problème n’est donc pas l’inertie en tant que telle, […] le problème est notre inertie à chacun de nous, notre absence de mouvement ou notre résistance individuelle, sectorielle ou collective au mouvement, notre absence de dynamisme, de pro activité, de prompte réactivité, de rigueur, de professionnalisme, d’ardeur au travail, de capacité d’adaptation à un contexte nouveau ayant des exigences nouvelles, d’humanité à se remettre en cause et à se perfectionner, etc.»
Junior Etienne Lantier

Concertation : le bal des caméléons?

Responsables syndicaux et ministres se sont concertés, le 6 février 2012, au ministère du Travail et de la Sécurité sociale (Mtss) pour tenter de trouver des solutions aux problèmes posés par les enseignants qui ont lancé un mot d'ordre de grève. Résultats des courses : formation d’un comité ad hoc et promesses qui n’engagent que ceux qui y croient.
Enseignants, élèves et la communauté éducative nationale en étaient encore à se demander comment sera le mois de février 2012, après l’appel à la grève lancée par presque tous les syndicats du secteur de l’Éducation, qu’on annonçait une réunion de concertation entre les responsables syndicaux et le ministre du Travail et de la Sécurité sociale (Mtss). Si l’on s’en tient aux contenus du Protocole d’accord et au communiqué signés par tous les participants, prenaient part à cette concertation qualifiée de « dialogue social », tenue au Mtss le 6 février 2012, les ministres : du Travail et de la Sécurité sociale, Grégoire Owona ;  de l’Éducation de Base, Youssouf Hadidja Ali ; des Enseignements secondaires, Louis Bapès Bapès ; de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Zacharie Perevet, du Sport et de l’Éducation physique, Adoum Garoua ; de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Angouing Michel Ange ; des Finances, Alamine Ousmane Mey. Ont également pris part à cette réunion les responsables syndicaux : Zambo Amougou Jean-Marie de la Cstc ; Mbassi Ondua Thobie Emmanuel de la Fecase, Simon Nkwenti du Cattu, Michel Tamo de l’Oneeps, Jean Pierre Atéba, Paul Bayiké du Snepma ; Maurice Phouet Foé du Snaef, Roger Kaffo Fokou du Snaes ; Emanuel Kouanang du Snieb ; Paul Ninjoh du Tac ; Louis Ewodo Du Synec et Jean Kamdem de la Feser.
Au total 7 ministres et 12 responsables syndicaux. Ce qui peut être révélateur de l’urgence et de la gravité de la situation. À l’issue de cette concertation qui a duré plus de 10  heures et dont l’objectif poursuivi par le Gouvernement était la levée du mot d’ordre de grève lancée par certains syndicats, un communiqué a été rendu public. On peut y lire : « Suite au mot d’ordre de grève lancé par les syndicats des enseignants du Cameroun, et sur hautes instructions du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, le Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale a présidé ce lundi 06 février 2012, une réunion avec les responsables syndicaux concernés, et avec la participation des Ministres de l’Éducation de Base, des Enseignements Secondaires, des Sports et de l’Éducation Physique, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative, et des Finances.
Au terme d’une longue journée de négociations âpres, mais constructives et empreintes de courtoisie et de patriotisme, chacune des parties a consenti les efforts nécessaires pour des avancées significatives.
Un comité Ad-hoc comprenant les représentants de toutes les parties va examiner au fond l’ensemble des revendications contenues dans le mémorandum des syndicats, afin d’améliorer les conditions des enseignants.
Le dialogue social ayant prévalu entre les parties, et prenant en compte les engagements pris par le Gouvernement, les responsables syndicaux ont décidé de retourner à leurs bases respectives à l’effet de suspendre le mot d’ordre de grève. »

Selon certains syndicalistes, « il s’agit là d’une avancée significative dans la recherche des solutions aux problèmes que posent les enseignants depuis des années. Il est vrai que nous ne sommes sûrs de rien, mais, il fallait au moins que le gouvernement reconnaisse la légitimité des revendications des enseignants et appose la signature sur un document qui pourrait plus tard nous permettre de démontrer sa bonne ou sa mauvaise foi ». Cette façon de voir les choses est battue en brèche par d’autres syndicalistes qui voient derrière cette manière d’agir du gouvernement une manœuvre de diversion. Pour le syndicaliste Mbassi Ondoua Thobie Emmanuel, « le seul et unique objectif poursuivi par le gouvernement était la levée du mot d’ordre de grève que nous avons lancée. Tout le reste n’est que manœuvre de diversion pour tromper les enseignants. C’est dommage que certains syndicalistes se laissent prendre dans ce marché de dupes. Malgré l’assurance donnée par les ministres qui affirmaient être en mesure de solutionner ces problèmes, nous leur avons clairement dit que la solution n’était pas à leur niveau puisqu’avec eux nous nous sommes déjà penchés sur les mêmes problèmes et les propositions ont été plusieurs fois envoyées à qui de droit. Nous leur avons dit qu’il n’y a que le président de la République qui peut résoudre ces problèmes. C’est la raison pour laquelle notre syndicat milite pour le maintien du mot d’ordre de grève ».
Jean Kamdem, secrétaire général exécutif de la Fédération des syndicats de l’éducation et de la recherche (Feser), ne voit pas le problème sous l’angle de la confiance à accorder au Gouvernement. Il reconnait pourtant que pour une fois les membres du gouvernement ont été compréhensifs et ont accepté d’entrer dans la dynamique de la discussion ou du dialogue. Selon lui, « tout le monde sait que le gouvernement est passé champion des promesses non tenues. Mais, poursuit-il, il ne s’agit pas de croire aux promesses du gouvernement comme on croirait en Dieu. Nous sommes conscients que tout n’est pas gagné d’avance. Il est question de rapport de force. La leçon que les syndicalistes tirent est qu’il faudrait établir un rapport de force favorable aux enseignants de manière à faire bouger les lignes. La suite du travail dans le comité ad hoc et les résultats attendus dépendent de ce rapport de force. ».
Serge Alain Ka’abessine

Protocole d'Accord ministres/responsables syndicaux

Sur hautes instructions du Premier ministre chef du Gouvernement, s'est tenue ce 6 février 2012 à la salle de Conférences du Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale, une réunion de concertation relative au climat social dans le corps enseignant au Cameroun.
Placée sous la présidence effective du ministre du Travail et de la Sécurité sociale, cette réunion de dialogue social a connu la participation, outre des responsables syndicaux signataires du mot d'ordre de grève générale et du président confédéral de la Cstc, les membres du Gouvernement suivants :
- Le ministre de l'Éducation de Base ;
- Le ministre des Enseignements secondaires ;
- Le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle ;
- Le ministre des Sports et de l'Éducation physique ;
- Le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative ;
- Le Ministre des Finances.
- Les revendications présentées par les syndicats d'enseignants du Cameroun portaient sur :
1- La valorisation et le paiement immédiat de la prime de documentation et de recherche antérieurement négociée,
2- L'intégration immédiate des enseignants d'Eps dans le statut particulier pour bénéficier des mêmes primes,
3- Le rééchelonnement indiciaire,
4- L'attribution des palmes académiques,
5- L'intégration des instituteurs contractuels comme fonctionnaires,
6- La signature de la convention collective de l'enseignement privé,
7- La tenue d'un forum pour la réforme de l'éducation
À celles-ci, s'est ajoutée :
*L'harmonisation de la valeur indiciaire de salaire dans la fonction publique.
Au terme des débats âpres, ouverts, francs, approfondis, sincères et constructifs, les résolutions suivantes ont été prises :
-Le gouvernement s'est engagé à travailler dès le 15 février 2012 au sein d'un Comité Ad-hoc mis en place séance tenante, comprenant 06 représentants des syndicats des enseignants du Cameroun et 06 représentants du Gouvernement, sous la coordination du Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale. Ce comité Ad-hoc est chargé, dans un délai de 04 mois, d'examiner au fond toutes les revendications légitimes des enseignants dans l'objectif particulier d'améliorer la prime de documentation et de recherche, et de corriger progressivement toutes les injustices décriées par les syndicats.
Le Gouvernement a aussi pris la ferme résolution de satisfaire, à brève échéance, ses engagements pris lors des négociations du 09 août 2011. Ainsi :
S'agissant de la prime de documentation et de recherche aux enseignants, le Gouvernement prend la résolution de faire payer ladite prime aux montants respectifs de 15.000 F et de 10 000 F à brève échéance avec effet au 1er janvier 2012;
-Pour la convention collective de l'enseignement privé, le Gouvernement a donné des instructions fermes pour que les travaux de la commission mixte paritaire soient convoqués le 16 février à 9 heures ;
Le dialogue social ayant prévalu entre les parties, et prenant en compte les engagements pris par le Gouvernement, les responsables syndicaux ont décidé de retourner à leurs bases respectives à l'effet de suspendre le mot d'ordre de grève.
Fait à Yaoundé, le 06 février 2012
Ont signés: Grégoire Owona, Louis Bapès Bapès,  Zacharie Perevet,  Adoum Garoua, Angouing Michel Ange, Alamine Ousmane Mey.  Zambo Amougou Jean-Marie, Mbassi Ondua Thobie Emmanuel, Simon Nkwenti, Michel Tamo, Jean Pierre Atéba, Paul Bayiké; Maurice Phouet Foé, Roger Kaffo Fokou; Emanuel Kouanang; Paul Ninjoh; Louis Ewodo, Jean Kamdem.

La permanence de la roublardise

Peut-on faire confiance aux membres d’un gouvernement qui a fait de la roublardise et du mensonge politique son sport favori ? La question se pose depuis que certains ministres et des responsables des syndicats d’enseignants ont signé un protocole d’accord mettant sur pied un comité ad hoc, comprenant six (6) représentants des ministres et six(6) représentants des syndicats, qui devraient examiner à fond, à partir du 15 février 2012 et dans un délai de quatre (4) mois maximum, « toutes les revendications légitimes des enseignants dans l’objectif particulier d’améliorer la prime de documentation et de recherche, et corriger progressivement toutes les injustices décriées ».
Belle rengaine, vocifèrent les sceptiques. À raison.
Il est de notoriété publique que le gouvernement est presque devenu champion du monde toutes catégories des promesses non tenues, principalement en ce qui concerne les enseignants et plus généralement en ce qui concerne l’Éducation. Le scepticisme de plusieurs enseignants est d’autant plus compréhensible qu’il est admis qu’au Cameroun, « pour tuer une affaire, on crée des commissions d’enquête ou comités ad hoc alimentaires ».
Les enseignants n’ont pas encore oublié l’engagement du gouvernement qui, le 19 mars 1994, dans un communiqué conjoint gouvernement/syndicats d’enseignants (que sont le Snaes, le Synes, l’Onec, le Capsu, le Syncaae) s’engageait : 1) à réformer la Fonction publique, notamment en harmonisant les différents statuts du personnel de l’État ainsi que le plan de carrière des agents publics ; 2) à harmoniser des éléments de rémunération du personnel civil et militaire y compris le cas des contractuels et agents de l’État sur la base du principe « à travail égal, salaire égal » ; 3) à favoriser la liberté syndicale et sa mise en place dans la Fonction publique ; 4) à créer un organisme autonome chargé de la gestion des pensions des personnels de l’État.
Ces engagements n’ont-ils pas été renvoyés aux calendes camerounaises ? Comment les enseignants peuvent-ils oublier le refus du gouvernement de mettre en œuvre les recommandations des États généraux de l’Éducation tenus au Palais des Congrès en 1995 et qui dorment encore dans les tiroirs poussiéreux des ministères et de la présidence de la République. Comment peuvent-ils oublier le refus obstiné du gouvernement de procéder à la réforme de l’enseignement secondaire et de l’Éducation de base  prévue par la loi d’orientation du 14 avril 1998 ?
Comment croire que les promesses et /ou engagements contenus dans le protocole d’accord seront tenus, à partir du moment où les pouvoirs publics usent et abusent de la compréhension des enseignants. Chaque fois qu’ils sont acculés, ils n’hésitent d’ailleurs pas à sortir de leur chapeau magique la formule : « le gouvernement se propose de corriger progressivement… » Et tutti quanti !
Une chose est certaine : les enseignants ne sont plus dupes. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle, en dépit des apparences, certains syndicats ont décidé de maintenir le mot d’ordre de grève.
J.-B. Talla


La (dé)fête de la jeunesse camerounaise
La mission implicite ou explicite de tout système scolaire est la préparation de chaque jeune ou tout apprenant à son rôle social. Quand un système méprise les préparateurs que sont les enseignants, il expose sa jeunesse et ses apprenants à la (dé)fête.

Selon plusieurs sources historiques, la fête de la jeunesse est une invention du « président fondateur ». La date du 11 février était donc choisie par lui en souvenir au référendum organisé par les Nations unies en 1961, concernant le rattachement de la partie occidentale au Nigéria, ou au Cameroun francophone. Pourtant elle était célébrée uniquement dans la partie anglophone, en 1965 cette partie du pays recevra la visite d’une mission d’observation du service de la jeunesse du Commissariat à la Jeunesse, à l’Éducation et aux Sports. Son rapport obtint l’agrément des autorités fédérales qui décidèrent de consacrer une journée nationale à la jeunesse pour magnifier le rôle important de celle-ci. (Source Ariane Nkoma: Fête de la jeunesse: Une célébration très ancienne). Selon la même source, c’est en 1966, le 11 février qu’elle fut officiellement lancée, par  Félix Tonyé Mbock, ministre de la Jeunesse de cette époque. Le président Ahidjo, a profité de l’occasion pour rappeler aux jeunes qu’ils sont « le fer de lance de la nation » et qu’ils ont un rôle important à jouer dans le devenir socio-économique et politique du pays, et devraient activement participer à l’édification d’un Cameroun prospère, dans le bilinguisme et l’unité nationale.
L’attention était beaucoup portée sur la jeunesse à cette époque. Il était impératif pour les chefs des partis uniques de miser sur cette catégorie de la population, qui a été la principale force vive de la lutte pour la libération. Ils étaient alors engagés pour la défense de plusieurs idéologies à savoir, le socialisme, l’unité africaine, et surtout les indépendances nationales… la jeunesse avait donc des énergies énormes à canaliser, et il fallait tout faire, pour les premiers présidents afin de les intégrer dans la vision de leurs partis. Tout faire pour avoir les jeunes avec soi, tout leur promettre, leur construire des stades de football, construire des écoles et des lieux de loisirs, tout en veillant à leur formation dans le respect de l’ordre établi et à l’allégeance au « père de la nation ». Et comme le souligne Achille Mbembé : « la mise sur pied des mécanismes qui doivent permettre aux jeunes de…s’instruire et de s’épanouir devient, de la part de l’État un geste magnanime pour lequel on lui doit, en retour reconnaissance et obéissance » (Achille Mbembé, Les jeunes et l’ordre politique en Afrique noire, L’Harmattan, p.18). Ce qui doit en effet se traduire par le silence de la part des jeunes, sinon l’autoritarisme de l’État et ses forces répressives se mettront en place.
C’est dire qu’une fête, comme celle-ci n’est pas un fait du hasard, de la part de ceux qui l’ont institué. La fête à ceci de particulier qu’elle est une force capable de capturer les esprits, les vouer à l’évasion, et dévier les énergies. Elle est aussi comme l’ajoute Achille Mbembe : « inscrite dans la symbolique des pouvoirs africains comme un moment privilégié au cours duquel le peuple…administrerait la preuve de son adhésion totale aux “nobles idéaux“ poursuivis par l’État et le parti ». (ibidem, p.150), une question reste donc en suspens : quelle est la véritable place qu’on accorde à la jeunesse dans la célébration de cette fête ?

Une fête de trop pour les jeunes

La fête de la jeunesse est une fête de trop pour les jeunes. Du moins ce qu’on observe lors de cette journée n’est qu’un masque qui cache beaucoup de choses inavouables. La vérité c’est qu’elle n’intéresse plus ou pas les jeunes. D’abord parce qu’ils n’y trouvent pas d’importance et ensuite parce qu’ils sont pour la plupart des cas contraints. Les jeunes se moquent même de cette fête, parce que pour se réjouir ils en ont déjà assez.
Il y’a quelques semaines seulement pour marquer la fin du premier trimestre, ces jeunes scolarisés étaient en plein dans les kermesses, le lendemain ils partaient au centre-ville, pour ceux de Yaoundé et Douala, participer à l’ouverture des foires qui devaient occuper tout leurs congés, ils étaient aussi assez nombreux, on vous épargne des différents concerts de ces stars internationales qui regroupaient des milliers d’entre eux. La fête de noël et de Nouvel An ils y étaient, à peine entré dans la nouvelle année, voilà la Can qui commence, avec tous ses enjeux (discussions, commentaires et paris stupides), et ceci pendant deux bonnes semaines. Plusieurs d’entre eux ne veulent pas dépenser et se dépenser dans le 11 février parce qu’ils attendent une autre fête plus significative pour eux : le 14 février la fête de l’amour.
C’est dire que pour plaire aux jeunes par une fête, il faut plus qu’un 11 février, il faut leur proposer quelque chose de nouveau, parce que tel qu’elle est célébrée, elle ne vient qu’ajouter le festin sur le festin, la jouissance sur la jouissance. Beaumarchais ne disait»-il pas qu’ « on peut instruire en s’amusant » ? Préface le mariage de Figaro. Le cas du Cameroun répond par la négative.

La fête de la défaite de la jeunesse et de l’État

D’habitude on fête des victoires remportées et des travaux achevés. Mais les jeunes par cette fête célèbrent plutôt, et peut’ être en toute naïveté leur défaite. Défaite face aux différents rôles qui leur sont et qui leur avaient été assignés. Ils ont abandonné la culture du culte de l’effort, le sens de l’honneur (termes de Njoh Mouellé), pour se consacrer à des non-valeurs animées par le slogan de la culture de la gratuité. Comme le souligne Achille Mbembé : les utopies qui, hier, mobilisait les jeunes, s’effondrent et se taisent. L’on se trouve face à une génération sans mémoire historique. (Achille Mbembe, op. cit., p.56)
Les jeunes ne s’intéressent plus à rien. La liberté d’indifférence est leur partage. Ils ne veulent pas participer à la chose publique en croyant être libres. Sans savoir qu’ils sont là, en train de transférer leurs libertés de choisir à d’autres. Ils disent qu’ils ne veulent pas faire de politique que ça ne les regarde pas. Ils ne savent pas que les problèmes politiques sont leurs problèmes, et que leurs problèmes sont des problèmes politiques. Périclès l’a si bien: seuls nous regardons celui se désintéresse des affaires de l’État pas comme un citoyen de tout repos, mais comme un être inutile.
Des êtres inutiles, ainsi nous pouvons qualifier sans risque de nous tromper les jeunes d’aujourd’hui. Ils ne possèdent plus rien, c’est les autres qui pensent à leur place, qui décident de leur avenir, qui les instrumentalise, qui les utiles à des fins perverses… ils ont abandonné l’esprit de critique, au bon gré de l’esprit moutonnier, ils vivent par procuration, et sont ce que le hasard a voulu faire d’eux.
La jeunesse n’a plus de repères, et elle est incapable de construire elle-même son propre échelon de valeur, en bon démiurge, l’incarner et le suivre. La plus grande ambition des jeunes c’est de réussir ou partir à tout prix. Et, peu importe ce que l’État fera, pour les retenir ils finiront toujours par partir.
C’est dire que l’État a échoué lui aussi l’intégration socio-économique des jeunes. Ils ne croient plus en tous ces slogans vides de sens et à toutes ces promesses non tenues. L’État n’offre pas des possibilités aux jeunes de ressusciter en eux leur « Mozart assassiné ». Les potentialités n’arrivent presque jamais à leur réalisation parce que les conditions sont peu favorables à leur éclosion ; et comme soutient Njoh Mouellé : « la plupart des génies du monde n’auraient pas donné à l’humanité leurs œuvres s’ils n’avaient pas vécu dans un contexte stimulant ». (Njoh Mouellé, De la médiocrité à l’excellence. p.165)
L’État a failli à sa tâche de créateur d’emplois, les jeunes sont en chômage, et pour y remédier l’État lance sans réflexion aucune, des recrutements massifs qui aboutissent plutôt comme le rappelle Achille Mbembé « à financer l’inactivité et l’oisiveté » (Achille Mbembe, op. cit., p.203) et pour y répondre, l’État demande aux jeunes d’oser, de créer et de prendre des initiatives, mais refuse par le même coup de les financer.
La jeunesse est livrée à elle-même, c’est l’anarchie au plus haut niveau de l’État qui est descendue et s’est implantée au sein de la société. On assiste aujourd’hui à un transfert inexplicable de responsabilités. Ni la famille, ni l’école, ni l’État ne veulent jouer son rôle. C’est l’abandon total « abandon politique des grands problèmes culturels africains. Abandon de la jeunesse africaine estudiantine abandon des bibliothèques publiques, abandon de l’esprit de critique. » (Théophile Obenga, L’Afrique Répond à Sarkozy, Paris, Philippe Rey, 2008, p.352)
Nietzsche disait qu’ « un jour viendra où l’on aura plus qu’une pensée : l’éducation ». Pour le Cameroun ce jour n’est pas encore arrivé.

La fête de la victoire de l’État sur les jeunes

Oui l’État a échoué dans sa mission d’intégration totale des jeunes. Mais il a aussi réussi.
Il a réussi, la capture mentale des nos jeunes. Il les maintient dans le manque et le besoin, pour qu’ils se prosternent et se prostituent. Il les maintient dans une nasse et dans un état de dépendance. Se posant ainsi en pourvoyeur de solution pour les jeunes, incapables donc à trouver en eux-mêmes et par eux même les ressources nécessaires pour subsister. Pour échange ils doivent s’intégrer pleinement dans les mouvements de soutien au chef de l’État et à la première dame, et leur manifester leur soutien infaillible.
L’État a réussi, à éviter d’enseigner la vraie histoire de notre pays à ses enfants. Il sait ce que c’est que d’avoir une conscience historique éveillée. Il a réussi à ne pas leur enseigner à raisonner ou à critiquer, à contester et penser par soi même, parce qu’il sait ce que ça lui coutera. L’État sait comme le dit Maurice Kamto que « la raison nous délivre des mystifications politiques…de l’asservissement à tous les cultes. » (Maurice Kamto, L’urgence de la pensée, Yaoundé, Mandara, p.35)
Les jeunes sont sous le contrôle total de l’État, ils se croient libres, mais ils sont dans un état de « liberté en situation ». La preuve c’est que toutes les initiatives privées sont permises, mais le système est bloqué, et ne laisse aucune place à l’émergence.

Re-penser la fête de la jeunesse au Cameroun

La fête de la jeunesse n’a-t-elle pas oublié ses origines ? Où en est la jeunesse avec la citoyenneté et le civisme ? Où est en l’État avec l’unité ou le bouquet national et le bilinguisme ? La fête de la jeunesse n’a telle pas recouvert le masque de l’instrumentalisation politique ? Où en est-on avec les valeurs culturelles et historiques de nos patrimoines ?
La manière avec laquelle on a conçu cette fête et la manière avec laquelle on la célèbre méritent une re-vision pure et simple. Voici par exemple comment l’administrateur du site Web du Minjeun décrit la 45e fête de la jeunesse : «  Après le salut aux couleurs et l’audition du message du chef de l’État aux jeunes...le ton est donné pour le défilé. Établissements des sept arrondissements de la ville…ont fait sensation avec leur fanfare et surtout la souplesse et la dextérité de leurs majorettes... Le ministre de la Jeunesse a exprimé sa satisfaction pour l’enthousiasme et le patriotisme de défilant sans oublier le bon encadrement des organisateurs .La fête s’est achevée dans la joie pour tous les jeunes. » Que de la jouissance, du loisir et du festin. Où est la place au débat du thème de cette journée ? Où est la sensibilisation des jeunes sur les problèmes graves de l’heure ? Rien à foudre l’État se réjouit de sa victoire, et ment monumentalement et froidement qu’il le fait pour la jeunesse.
Cette fête a été octroyée à la jeunesse et celle-ci n’a rien fait pour cela, mais l’heure est venue pour les jeunes de récupérer leur fête, d’en faire leur affaire, et de lui redonner tout son sens.


Tatla Mbetbo Felix