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La Citadelle des Enflures

La Citadelle des Enflures

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Le climat politique postélectoral au Cameroun est dorénavant au centre de toutes les attentions et pour les observateurs patentés de l’Afrique subsaharienne, notre pays ne serait pas différent today d’une bombe à retardement, certains ayant même probablement déclenché déjà le chronomètre du compte à rebours vers une hypothétique déflagration, tandis que d’autres touchent du bois ou se signent d’abondance, quand ils n’allument pas des cierges, pour que rien de tel ne se produise au voisinage nord de la latitude zéro. Entre la sophistiquée réalité camerounaise et ses représentations opérant dans l’espace des opinions les plus répandues sur l’ampleur de la volatilité ou de l’apathie présumée des myriades vert-rouge-jaune ployant d’une aube à l’autre sous le joug de la Frustration et de la Déception, il y a cependant plus que tout un monde, pour paraphraser la formule consacrée. Les biais optiques trempés dans le plâtre des constructions intellectuelles triviales ne manquent point à ce propos et ces distorsions plombent singulièrement maints discours s’avançant parés du diadème du sens dans la palabre publique ainsi ouverte par les circonstances.

Entre les imprécateurs ardents du chaos et les apôtres veloutés du verrouillage, il s’agit dès à présent, sous le signe du tiers-inclus cher à Michel Serres, de frayer au Cameroun contemporain une issue transversale qui est forcément de secours, pour échapper à une polarisation historique porteuse de tous les dangers : le texte méticuleux de Jean Pierre Bekolo ne dit pas autre chose et c’est sur sa "tolstoïenne" sortie que j’entends à mon tour embrayer.
La sagesse humaine assure qu’il n’est point de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre et de pire aveugle que celui qui ne veut pas davantage voir. Au commencement du Cameroun actuel, convient-t-il quand même de se rappeler, étaient une imposture et une usurpation orchestrée qui ont fait florès en cinquante trois ans sonnés. La cuvée 58 s’est reproduite depuis un certain 18 février cette année-là, en se maintenant au pouvoir, par la cooptation et la séduction. La vieille garde venue des eaux turbides d’une décolonisation incomplète, tronquée, n’entend certes point lâcher la barre du pays, et les usufruitiers de cet ordre politique courant sur déjà deux générations veillent au grain, sous cette houlette paternaliste à souhait. Des grenouilles frêles sont devenues des buffles vindicatifs et des sardines minces des requins aux dents longues. Le principe de l’enflure fait la pluie et le beau temps au pays d’Osende Afana. Les chantres et les parties prenantes à cet ordre ne sont en aucune manière disposés pour un quelconque dialogue concernant une évolution politique de la trajectoire du Cameroun dans l’Histoire. Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes et qu’on cesse de la réduire partant à un gadget arithmétique et quantitatif comptabilisant des voix : Démocratie est d’abord fille de Tolérance et dans cette direction éminente, sur ce palier spécifique, la société postcoloniale vert-rouge-jaune a beaucoup de chemin encore à faire, enfermée qu’elle est dans une culture du préjugé et de l’intolérance qui va nécessairement avec.

Fraîchement embourgeoisée, cette pseudo-élite prébendière ancrée en ville et qui n’en finit pas d’instrumentaliser le village via la parentèle à son avantage, sur le mode ressource clientéliste, ne va pas aller scier la maîtresse branche sur laquelle elle est assise. En l’occurrence les dividendes de sa "collaboration" avec la France à l’écrasement sanglant de l’insurrection upéciste. Dans les faits, la société camerounaise post-1960 reste profondément marquée au coin de ce "péché originel", source infernale du népotisme, du conservatisme et de l’autoritarisme qui y sévissent. Déjà, dans le pays battant pavillon Ahmadou Ahidjo, l’establishment du parti alors unique entretenait la perspective que sans sa lourde férule ce serait forcément l’apocalypse. Si un grand nombre de ces "big guns" gisent désormais six pieds sous terre, quelques-uns de leurs compères septuagénaires et octogénaires sont encore et toujours de ce vilain bas monde. Farouchement sourds et aveugles à leur échec historique, ils s’entêtent à rester aux commandes du pays contre vents et marées, alors même que ce sont eux les fossoyeurs en chef de l’Indépendance, les fauteurs objectifs du vaste Fiasco qui pourrit la vie quotidienne des myriades camerounaises, qui réduit leurs rêves à néant chaque jour que le Soleil fait et qui passe. Le blocage de la situation est donc on ne peut plus réel, la clique vert-rouge-jaune des enflures appréhendant en effet de se retrouver avec l’alternance dans une atmosphère inédite, voire révolutionnaire, pleine d’épines sur lesquelles elles ne manqueraient pas d’exploser au moindre frôlement hasardeux. Et nul ne pourrait l’en préserver, avec une absolue garantie que rien de tel ne se produirait en cas que…

Pathétique par sa teneur en mauvaise foi, l’obstination de la clique venue de 1958 à s’accrocher au pouvoir sous le signe de l’abus est d’autant plus pathologique. C’est cette fixation même qui ouvre et entretient la possibilité du chaos dont ses multiples mégaphones de chair et d’os agitent le spectre en mode allégeance-générale-aux-grandes réalisations, sinon çà va barder. Il est bien connu que la honte ne tue pas. Et l’Histoire nous montre régulièrement que la Déception et la Frustration, en se conjuguant à d’autres ingrédients inflammables, deviennent des barils de poudre. Invariablement. Il vient fatalement un moment imprévisible où la Dépossession n’a plus rien à perdre d’autre qu’une vie sans relief, pas même plate, misérable, tellement dépourvue d’espérance que ce n’est plus une existence à poursuivre, sauf à demeurer dans un statut parfaitement subhumain, semblable à celui du lombric ou du cafard. C’est le verrouillage politique et historique ratifié par le pseudo-scrutin du 9 Octobre 2011 qui va lancer un beau jour l’apathie ou la patience à l’assaut de la citadelle des enflures retranchées derrière les fameuses forces de troisième catégorie qui sont intervenues en Février 2008 contre des jeunes en colère et aux mains nues. Et quand les colères se font saintes dans l’Histoire, rien ne peut les arrêter : aucun oukase, aucune balle, aucun char.