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Paul Biya et la nouvelle Dynamite - Page 10

Paul Biya et la nouvelle Dynamite - Page 10

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Index de l'article
Paul Biya et la nouvelle Dynamite
Serail: Le bullocrate
Au coeur des inconguités d'un congrès
Parole d'un bonimenteur
Paul Biya fait semblant de changer pour que rien ne change
Palais des congrès: l'enfer du décor
Quand Paul Biya rate le coche
Discours pathétique d'un vieillard somnanbule
Discours creux
Un discours fourre-tout et passepartout qui confond discours politique et cours magistral
Comment sortir du
Toutes les pages
Un discours fourre-tout et passepartout qui confond discours politique et cours magistral
Par rapport à son discours au Congrès de 2006, Biya a fait une nette régression. On est face à un discours fourre-tout et passepartout qui confond discours politique et cours magistral et qui ne peut que produire un effet paradoxal sur le Camerounais moyen dont les besoins de survie sont pressants. A la lecture de ce texte, on découvre une vision abstraite formulée dans un esprit de déni des réalités quotidiennes par un homme métropolitain qui ignore le Cameroun profond malgré ses 29 ans de pouvoir absolu. On se demande bien l’opportunité pour Biya de continuer dans la mouvance des promesses utopiques et intelligentes depuis 1992.
Tout d’abord, on est frappé par la farce que représente la notion de « démocratie » au sein du Rdpc. Biya parle de « Congrès de la nouvelle dynamique » qu’il qualifie librement de « circonstance exceptionnelle » en lieu et place de « circonstance ordinaire » qui aurait pu déjà avoir lieu trois (03) fois depuis 16 ans. Il parle du Rpdc comme étant « notre grand parti » (03 occurrences), ce qui est un dérivé du « parti unique » faisant appel à un autre concept connu de : « notre Grand Manitou ». Cette image péjorative est communément utilisée pour caricaturer le patron et critiquer sa « pensée unique ». Le fait que Biya l’utilise à l’heure de la démocratie connote implicitement son désir de mettre en garde les congressistes sur la « discipline du parti » qui renvoie au fait qu’au « Grand parti, on ne discute pas ; on suit ce que notre Grand manitou décide ».
Ensuite, Biya prend le temps de protéger ses arrières. Il salue « la Communauté internationale » dont l’environnement est « marqué par des bouleversements aussi fulgurants que complexes » et il lui place l’amadoueur « bonne relation ». Cela n’est pas anodin car, il a pu observer dans l’actualité africaine que la « mobilisation » autour du « Palais » était capitale pour conquérir ou conserver le pouvoir en cas de « Révolution » ou de « Printemps subsaharien ».
Il en ressort sa peur « de la force, préconisées par certains comme moyen d‘expression ou de revendication politique ». Il cite dans la foulée les libertés garanties au Cameroun mais, il laisse connoter que « tout le monde est libre sauf pour conquérir le pouvoir ». D’ailleurs, « le peuple camerounais est un peuple jaloux de son indépendance », répond-il à la Communauté internationale qui pourrait être tentée d’activer son droit d’ingérence en dépit des « instruments internationaux que les Etats se sont librement donnés ».
On observe toutefois que Biya veut escamoter cette réalité de la « Révolution » qui arrive selon l’opposition « à grands galops ».  Il ne cite que deux événements majeurs depuis « notre dernière rencontre [congrès extraordinaire en 2006] » à savoir : « L’avènement d’Elecam et la modification en 2008 de certaines dispositions de notre Constitution ». Il ignore astucieusement les « émeutes de la faim » et les mobilisations pour ou contre sa candidature qui ponctuent la vie politique nationale depuis 2008. On a l’impression qu’il écoute les cris et appels du peuple qui fusent de toute part et n’en retient que les motions de soutien et les appels à son maintien ad vitam aeternam au pouvoir. Ce comportement de déni de la réalité ne peut qu’exacerber la relation conflictuelle que la masse entretient de plus en plus avec lui.
Au fur et à mesure qu’on avance dans le texte, on se demande sincèrement à qui il s’adresse. Ou mieux, on comprend que son « peuple Camerounais » équivaut à ses « Camarades » (15 occurrences) qui ont placé leur confiance en lui et à qui il a ouvert la « mangeoire ». Visiblement, on comprend à travers son bilan que ces personnes qui participent à son « ndjangui » ont eu leur « part du gâteau national » notamment les femmes (plus de postes), les jeunes (plus de recrutements) et le vivier électoral (plus d’attention). On a de la peine à distinguer le Président national du Rdpc du président de la République de tous les Camerounais. Quand il parle, la majorité des Camerounais à qui il a éventré tous les avantages liés à leur citoyenneté à cause de leur non-appartenance au « grand parti national », ne peuvent qu’avoir un air de désolation.
Par exemple, ce dis-cours magistral ne peut qu’être une provocation aux yeux de la jeunesse désespérée encore appelée « notre relève » qui n’attend plus de Biya qu’il rabâche avec « insouciance » les mêmes promesses dites « fallacieuses » d’années en années dans l’oubli coupable qu’en 30 ans, les bébés de 1982 sont devenus mâtures et ne cessent de scander qu’ils « en ont marre ». Biya ne peut pas être convainquant dans ce milieu parce qu’il ne répond pas à la principale question que se pose la « génération sacrifiée » à savoir : « Que deviendrons-nous et que deviendrons nos enfants ? ». On les entend dire entre autres  dans un élan de défaitisme : « notre sort est déjà scellé », « c’est pour nos enfants que nous nous battons maintenant ». En effet, la grosse critique à l’endroit de la politique de jeunesse de Biya est son incapacité à dire de façon claire dans quel type de moule il a voulu former la jeunesse camerounaise depuis 29 ans. Sa posture est suffisamment souillée par ses « brefs séjours à l’étranger » par opposition à la « quasi inexistence de ses séjours à l’intérieur du Cameroun profond » pour qu’il prétende dire aux jeunes avec crédibilité « Innovez,  Créez, et surtout Osez !». L’implicature de cet appel est : « On dit hein, Monsieur ! Vous nous demandez en gros de nous débrouiller tout seul comme nous pouvons pendant que vous vous faites copieusement masser en Suisse père, mère et enfants ? Yaaaaa ! Vous mentez !». Une chose est sûre : la jeunesse n’ira pas en milieu rural alors que Biya lui-même n’y va jamais. Dans l’imaginaire populaire, on sait que « l’exemple vient d’en haut » et que « le poisson commence à pourrir par la tête ».
Vis-à-vis des femmes, Biya promet d’accentuer la pratique d’une espèce de discrimination positive, ce qui est en décalage net avec les nouvelles approches genres où l’on parle simplement de la promotion de l’égalité des chances. La question n’est pas d’améliorer la participation des femmes à quoi que ce soit mais, de garantir à chacun la possibilité d’être là où il mérite. Dans les milieux de la société civile, on risque de dire que « Biya nous ramène à l’antiquité ».
On peut donc se demander d’où viennent les inspirations de Biya, à qui il parle et à quoi il répond. Ce sont-là quand même les règles élémentaires du discours qu’il prononce depuis 29 ans mais, dont il semble n’avoir pas intégré les rouages. On peut se demander aussi comment à l’heure où l’on parle pour soulever les foules, un très vieux politicien comme lui continue à s’enfermer dans des communications pathologiques qui engendrent des effets pervers. Avec désolation, on atteste clairement l’existence dans ce discours d’une dissymétrie notoire entre ses « promesses intelligentes » et les préoccupations profondes des Camerounais en quête de survie.
Sinon, comment comprendre que ce discours « de politique générale » dans une « circonstance exceptionnelle » n’apporte aucun démenti crédible et aucun éclaircissement sur les accusations quotidiennes faites au Régime de Yaoundé. On observe une rareté des adoucisseurs au profit d’une floraison de mépris à l’égard de tous ceux qui s’interrogent sur le Cameroun et qui demandent légitimement le bilan à un homme qui dirige depuis 29 ans et qui semble ne se rappeler que maintenant de son devoir de « rendre compte de l’usage que nous avons fait de cette confiance [du peuple]». Biya se laisse emporter par une attitude belliqueuse et incohérente qui le pousse à s’en prendre dans un ton insolent à ceux qui le contrarient: « Et j’ajoute, au risque de chagriner les champions de la critique pour la critique, au risque de peiner ceux qui ne voient que le mal partout, au risque de décevoir les ténors de la péroraison creuse, et d’affliger les bonimenteurs du chaos, […] que nous devons être fiers des résultats que nous avons […]». Cette réplique est une « fuite en avant » techniquement appelée « désarmeurs » dont la fonction est de décourager l’émergence des critiques. Toutefois, ce comportement impulsif ne peut qu’être conflictuel dans un contexte sociopolitique actuel où les Camerounais estiment que l’ampleur des préjudices causés du fait de son administration « inerte » est telle qu’il « faut se mouiller [monter au créneau pour affronter Biya] ». Ce comportement fait partie des « procédés destructeurs » qui touchent beaucoup de dictateurs à savoir : mégalomanie, injure et arrogance.
Biya donne raison à ceux qui pensent qu’il n’est pas « entier » dans ses relations de « grandes ambitions » ou qu’il est « sadique » en ce sens qu’il s’arrange à « cogner les têtes » dans un esprit de « diviser pour conserver le pouvoir ». En ce sens, le gouvernement d’ouverture dont il se vante ne peut pas être un crédit. A l’œil nu, il est indéniable qu’il remplace poste pour poste les fils et filles du même village dans un esprit de les dresser les uns contre les autres. « L’ouverture » n’est donc qu’un accident politique survenu dans un village où le plus fort était malheureusement de « l’opposition alimentaire » ou de ce genre de partis politiques créés dans la mouvance du multipartisme en 1990 pour donner l’impression du pluralisme et susciter en même temps la diversion au sein de l’opposition militante.
De plus, il ressort de l’opinion publique que la lutte contre la corruption dont il parle n’est pas un acte sain mené par un homme bien intentionné. Il s’agit, personne ne l’oubliera au Cameroun, d’une réponse vigoureuse aux actes de défiance politique ayant vu le jour sur le candidat Titus Edzoa en son temps. Depuis lors, on observe aussi que « l’équilibre régionale s’est emparé de l’Epervier ». Vraisemblablement, on n’a pas attrapé ceux qui ont volé mais, on a voulu montrer que ce ne sont pas seulement les citoyens du « pays organisateur » qui ont volé. Une fois cet objectif atteint, on constate clairement la « mise à la touche » de cette opération (« apportez-moi les preuves ») malgré la montée tout aussi fulgurante des actes de corruption au quotidien. Dire le contraire dans un discours, même devant ses militants, est synonyme de faire une insulte à l’intelligence publique. Dans l’environnement cognitif, il est clair que « l’Epervier est à tête chercheuse » et « malheur à la prochaine personne qui osera lever la tête ».
Par ailleurs, parler de la création d’Elecam comme « une étape décisive dans la modernisation de notre système électoral » ne peut que faire jaser ceux qui admirent les efforts de création dans d’autres pays des « Commissions électorales indépendantes [Ceni] » dirigées par des personnalités neutres. « Au Cameroun de Paul Biya », en lieu et place du concept de la Ceni que tout le monde connaît, Biya a préféré le concept d’Elecam dont il est le seul détenteur des clés. Dans ce discours, il ne répond pas à l’accusation selon laquelle il a confié la direction d’Elecam à son parti. Il est donc conflictuelle de prétendre que « l’indépendance et la neutralité d’Elecam sont garanties ».
Biya parle aussi de sa conception de la décentralisation comme étant une « dynamique » pourtant, par le simple remplacement des provinces par les régions, aucune impulsion n’a été donnée à l’intégration nationale. Les prochains régimes referont les choses soit en créant des régions homogènes dans le but de consolider les espaces culturelles soit en créant des régions hétérogènes dans le but de forcer les cultures et tribus différentes à cohabiter pacifiquement et à défendre ensemble leur bien-être collectif. Cette deuxième option aurait pu permettre de limiter l’ampleur du tribalisme d’Etat qui mine le Cameroun et qui domine dans la conquête quotidienne du pouvoir notamment à travers le soi-disant « axe Nord-Sud ».
Sur la scène internationale que Biya appelle « un monde de plus en plus incertain » par analogie à « un monde où les dictateurs ont un lendemain incertain », il se félicite d’avoir « veillé à maintenir le cap ». Implicitement, il se réjouit des résultats de ses promesses dit « fallacieuses » qui lui ont permis d’échapper au « vent de la Révolution » notamment l’annonce du recrutement de 25 000 jeunes dans la fonction publique. On peut comprendre que son approche soit jugée « d’irresponsable » parce qu’il annonce impunément des projets sans apporter leurs compensations budgétaires au moment où les Camerounais attendent de lui qu’il propose un plan de création de richesses et non un plan de dépenses. A une aire de mondialisation, Biya se moque des Camerounais qui suivent les débats politiques et économiques en Occident où le candidat le plus pertinent est celui qui montre le plan de financement de son programme politique. Biya joue vicieusement sur le fait que la masse pense que « l’Etat a toujours l’argent ».
Revenant même aux « Grandes réalisations », on peut se demander comment, en matière d’infrastructures routières par exemple, il n’évoque pas le lancement des travaux d’une seule autoroute au Cameroun. Il n’évoque pas la liaison entre le Nord et le Sud du Cameroun qu’il laisse cloisonné malgré le passage du « cinquantenaire des indépendances ». Pour cela, on peut remettre en doute la capacité de ces « réalisations » à conduire le Cameroun vers un pays « émergent » à l’horizon 2035. Il suffit de visiter les pays ambitieux à l’instar des Emirats Arabes Unis ou de la Chine pour comprendre le sens « réel » des grandes réalisations faites de projets futuristes et uniques au monde. Dans le milieu de la diaspora camerounaise, on rira au nez en disant que « Biya est loin de faire le compte ».
On peut qualifier ses propositions « d’électoralistes » car, il se limite à énoncer tout ce qui est de l’ordre du possible sans qu’on ne puisse être en mesure d’établir une idée de société cohérente et une relation de causalité entre les préoccupations profondes des Camerounais et les projets énoncés. Biya est fort pour tromper le peuple et se faire élire. Mais vu le contexte politique de plus en plus tendu, on peut se demander pour combien de temps encore il réussira à le faire. Car, après les élections, il accuse toujours les « crises », les « obstacles », les « difficultés » comme si les dirigeants qui ont conduit leurs pays au développement n’avaient pas connu ces phénomènes. Dans l’imaginaire populaire, le mot « crises » conçu comme bouc-émissaire de toutes les actions manquées, est un acte subordonné de justification à effet irritant. Paradoxalement, Biya cherche à placer un amadoueur pour compenser par quelques douceurs, l’amertume de l’accusation selon laquelle « rien n’a été fait ». De plus, il veut désamorcer toute tension et anticiper sur les critiques en reconnaissant en premier que « beaucoup reste à faire ». Mais ce faisant, il dévoile son incapacité à diriger, à « Innover », à « Créer » et à « Oser » pour conduire son peuple vers le « bout du tunnel ». Le bilan sur lequel il s’appuie n’est qu’un répertoire de cadres institutionnels créés en vue de « dilapider l’argent public », dira-t-on. On ne relève aucune statistique, aucun indice de développement, aucune donnée factuelle. Une fois de plus, les gens pourront légitimement se demander si Biya lit sur le Cameroun et s’il voit comment sous d’autres cieux, les « hommes politiques modernes » portés par des « partis politiques modernes » abordent le débat politique à l’aide d’indicateurs fiables. Sauf que ces gens devront aussi comprendre que pour lui, le « Cameroun, c’est le Cameroun » et qu’au Cameroun donc, le bilan peut se faire avec rhétorique : « beaucoup a été fait et beaucoup reste à faire ».
En tant que chef de l’État, on n’attend pas de lui qu’il fasse des déclarations péremptoires. Le peuple attend de lui qu’il apporte des solutions à la transformation de tous les secteurs car, comme il le dit lui-même: « Une telle situation n’est pas tolérable [le paradoxe camerounais] ». On dirait qu’il s’est présenté au Congrès du Rdpc visiblement comme un soldat qui est allé en guerre sans son arme. Sinon, comment comprendre qu’un candidat en campagne dise : « J’annoncerai bientôt un plan concret pour la création de plusieurs milliers d’emplois ». C’est typiquement là, l’exemple d’une communication pathologique à effet pervers qui laisse sous-entendre qu’il a déjà l’assurance de gagner les élections prochaines. Il dit aussi qu’« à partir de janvier 2012, le Cameroun sera transformé en un immense chantier ». Sous d’autres cieux et en toute modestie, un candidat aurait ajouté l’atténuateur « si je suis encore élu » pour montrer que le jeu est encore ouvert. Mais, Biya s’en fout. Il le dit quand même bien qu’il ne se doute pas qu’il y a de bonnes raisons de ne plus lui faire confiance puisque le Cameroun n’est pas en chantier depuis 29 ans. Dans le milieu politique, il est clair qu’on lui demandera : « pourquoi organiser alors les élections si vous savez déjà que vous serez là en 2012 ? ».
C’est pour cela que d’aucuns trouveront toujours « raisonnable » de rapporter l’image perçue de Biya comme « politicien opportuniste » dont les discours et actes sont essentiellement orientés vers sa réélection ou son éternisation au pouvoir au lieu d’être orientés vers les préoccupations profondes du peuple qu’il prétend servir. Dans la mouvance « populiste » envisagée à la fois au sens propre et au sens figuré du mot et observée dans l’actualité des rues africaines, on comprend qu’il fasse partie des dirigeants de « l’autre époque » à qui l’on dit : « dégage ». En restant sourd et muet sur cette question de l’aspiration légitime des peuples à l’alternance (il ne parle pas du tout de sa candidature pour un sixième mandat consécutif), Biya ouvre une brèche politique intéressante à son opposition. Il sait lui-même que son accueil en liesse au Congrès par les militants du RDPC n’est qu’une apparence encore appelée « feu de paille ». Il sait que l’adhésion des militants du Rdpc aux motions de soutien est instrumentale et peu sincère et que le silence plat de la masse n’est que de la « cendre sous le feu ». Mais, qui saura s’en servir ?
Louis- Marie Kakdeu