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Politique Lettre ouverte à M. Paul Biya, chef de l’État et président du parti-État Rdpc

Lettre ouverte à M. Paul Biya, chef de l’État et président du parti-État Rdpc

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Objet : Votre droit à la retraite
Monsieur le Chef de l’État et Président national du parti-État Rdpc,
Depuis juin1984,  je réside hors de notre cher et beau pays mais mon cœur et mon âme sont restés attachés à la terre de nos ancêtres ce qui m'autorise cette interpellation. C’est en votre double qualité de chef de l’État en fin de mandat et de Président national du Rdpc que je vous annonce la détermination du Peuple souverain et combattant à engager un Sursaut patriotique pour précipiter la chute de votre régime.
En 1982, lorsque vous héritiez du pouvoir, le Cameroun était un des rares pays en Afrique à connaître une embellie économique et une véritable autosuffisance alimentaire. La situation aujourd'hui s'est totalement inversée : Vous avez avoué, dans  votre discours au Comice agropastoral d’Ebolowa, en début de l’année 2011, que le Cameroun importe chaque année pour 500 milliards FCfa de produits alimentaires. Un scandale qui s'ajoute à la longue liste de nos malheurs : dévalorisation du potentiel productif, appauvrissement des masses laborieuses, insécurités de toutes sortes; alors que vous et vos partisans êtes entrés dans une course effrénée à l’enrichissement personnel alimenté par la corruption et le détournement des deniers publics, le tout au prix d'une dégradation de la morale individuelle et d'une perte de l'éthique sociale.
Le 6 avril 1984, les Patriotes des forces armées ont sonné l’alerte. Incomprise à l’époque, cette alerte est aujourd’hui plus que jamais d’actualité, après 29 ans de votre règne désastreux.
Je vous demanderais de relire attentivement ma lettre intitulée : Ma vérité sur l’élection présidentielle au Cameroun, publiée dans le quotidien Mutations en date du 2 janvier 2011, où figure ma vision d’une élection démocratique dans notre Pays. Cette vision recoupe celle de l’opinion majoritaire au Cameroun, sans ignorer les injonctions des partenaires au développement qui se résument en des élections libres, justes et transparentes, bref en des élections démocratiquement crédibles.
Depuis votre accession au magister suprême de notre Pays, vous êtes dans une logique de coup d’état permanent auquel il convient aujourd’hui de mettre fin. Vous serez personnellement responsable de la mort d’un seul Camerounais qui tomberait sous le fallacieux prétexte d’une soit disant crise post-électorale. Car jusqu’aujourd’hui, vous et votre parti-État ne faites aucun effort pour satisfaire les aspirations légitimes du Peuple camerounais pour une alternance politique pacifique.  
Dans ces circonstances d’anti-démocratie avérée, le boycott des élections me semble la position politique la plus responsable à recommander aux Camerounaises et Camerounais afin de contraindre, par un Sursaut patriotique, votre parti-État à une alternance pacifique.
Depuis l’Indépendance et la Réunification, le Cameroun vit sous l’emprise du tandem Unc-Rdpc dont les politiques sont sanctionnées par des échecs patents. Dans ce contexte, le temps d’une transformation profonde –Refondation-  du système de gouvernance, surtout celle des structures politiques, est arrivé. Car le Peuple sait que vous ne voulez pas organiser des élections crédibles, justes et transparentes. Inutile de choisir la voie d’un dauphin. Le Peuple est aussi convaincu que le système Biya sans Biya ne changera rien sur le sous-développement chronique et la mal gouvernance dans lesquels vous avez plongé le Cameroun.   
On ne le sait que trop, les Camerounais souffrent dans leur chair des affres des successives politiques du « Renouveau », discours que vous avez adopté pour votre gouverne et pour lequel toute tentative d’évaluation par les intellectuels camerounais (y compris d’une exégèse par vos propres partisans) conduit généralement à des intimidations de divers ordres.  
En tout état de cause, le bilan, votre bilan reste celui d’un désastre national perceptible dans tous les secteurs de développement.  Exemple, pourquoi continuez-vous à exploiter abusivement l’emblème que constituent nos Lions indomptables alors que votre régime est inapte à capitaliser sur les succès de la cuvée du mondial 1990?  
Quoiqu’on en dise, la problématique est d’ordre éthique, idéologique, politique, économique, culturel et j’en passe. Le Rdpc est quant à lui devenu le parti des fonctionnaires de la République faisant d’eux des partisans/militants d’un genre nouveau, en un mot des sangsues. En effet, Trente (30)  ans de « Renouveau » ont  démontré avec suffisance les limites objectives et réelles d’une classe politique géronto-bureaucratique transformée en ennemie du Peuple camerounais.
Monsieur le Président national du Rassemblement démocratique du Peuple camerounais,
Solennellement, j’annonce à votre parti -s’il souhaite encore exister dans le paysage politique camerounais- que le moment est venu pour vous d’observer une halte en vue d’une introspection salvatrice. Dans le cas contraire, ne soyez pas surpris de me voir avec le Peuple déterminé et en mouvement.
Si  la contrainte est le dernier moyen qui nous reste pour vous faire entendre cette instruction ferme et sage, nous appelons au boycott d’une élection que vous vous entêtez à vouloir organiser dans les conditions actuelles de méfiance et sur des bases antidémocratiques.
À toutes les chancelleries et missions diplomatiques,  au nom du Peuple camerounais en ce moment prêt à rompre les chaînes de la dictature, j’exhorte d’ignorer les incantations affolées des chantres et thuriféraires du régime Biya qui, sous le prétexte d’un patriotisme béat, veulent faire vivre le Cameroun en autarcie. Par conséquent, je les invite à rester disponibles pour maintenir leurs relations avec le Cameroun de l’après Paul Biya et Rdpc.
Le chantage à la paix que brandissent de plus en plus les pontes du régime Rdpc pour présenter Paul Biya comme le garant de la stabilité sociale apparaît pour le moins ridicule. Mgr Albert Ndongmo, que j’ai connu à Nkongsamba quand j’avais huit ans, demandait à juste titre : « Mes frères, il importe que chacun de nous, face au problème de la paix, se pose les trois questions essentielles suivantes : Qu’est-ce que la paix au juste ? À quelles conditions la paix s’installe-t-elle chez un peuple et dans le monde ? Qui donne la paix authentique ?».  
Il y répond en partie: « La paix est la tranquillité dans l’ordre. La paix est le fruit mûr qu’on cueille de l’ordre. L’ordre de quoi ? L’ordre de la vie humaine fondée sur quatre conditions : la Vérité, la Justice, la Liberté et l’Amour. » (Homélie du sacre de Mgr Albert Ndongmo en 1964 à Nkongsamba).

Monsieur le chef de l’État,

Le vœu profond du Peuple camerounais est de vous voir quitter le pouvoir par la seule porte de sortie honorable qui vous reste : la retraite après 49 ans de service dont 29 à la tête de l’État, lesquels équivalent à l’âge de la Jeunesse que vous continuez de tromper jusqu’aujourd’hui. C’est pourtant l’âge où le jeune doit s’affirmer socialement  et économiquement. Sachez-le, cette génération est lasse d’endurer votre style de gouverne et ne souhaite plus être « mangée par votre vieillesse ».
Des villes et des villages du Cameroun émanent des injonctions populaires de toutes sortes pour vous faire comprendre la fin d’un cycle politique et d’un long règne, de même que les aspirations au changement véritable par une alternance démocratique.
Hormis une modification de votre part comme vous en avez seul le secret et les raisons, le calendrier électoral du Cameroun prévoit une élection présidentielle en Octobre 2011. Votre candidature à cette élection serait non seulement du mépris mais de la pure provocation.  
En 1991, afin de mettre fin à l’effervescence sociale consécutive à la demande de la tenue d’une Conférence Nationale Souveraine, que vous aviez déclarée comme étant « sans objet » pour le Cameroun, vous avez convoqué en lieu et place « La Tripartite » à laquelle ont participé au moins 500 représentants de toutes les couches socioprofessionnelles de la Nation, y compris vous-même par le truchement de votre représentant personnel, M. Sadou Hayatou, alors Premier Ministre.  
À l’issue des débats houleux, il s’en est certes dégagé un compromis accepté par tous. Nul doute que la puissance de la résolution adoptée le 17 Novembre 1991 par l’ensemble des participants faisait de cette résolution une Déclaration Constitutionnelle. De ce fait, elle lui conférait force de loi car au lendemain de sa signature, le Peuple a mis fin aux opérations ‘’ Villes mortes’’, cette arme populaire qui avait paralysé notre pays pendant six mois et face à laquelle votre régime était manifestement impuissant.
Tout en vous invitant à relire entièrement votre copie, je vous reprends in texto, certaines dispositions telles  qu’énoncées dans la résolution finale. Celle-ci avait pour but de consolider l’indépendance et l’unité nationales, d’enraciner la démocratie dans notre société, de moderniser nos institutions, de les adapter à nos réalités nationales et d’assurer un rayonnement politique, social et culturel de notre pays, et un large consensus s’est dégagé sur les options constitutionnelles majeures suivantes à proposer aux pouvoirs publics :
- La nécessité de sauvegarder les principes de l’unité, de l’intégrité et de la souveraineté  nationales.
- La nécessité d’intégrer dans la constitution un code des libertés fondamentales, des droits de la personne et des minorités.
- L’instauration d’un régime semi-présidentiel avec : a) Un président de la république, chef de l’État ; b) Un conseil des ministres avec un Premier Ministre, Chef du Gouvernement ; c) Une Assemblée Nationale qui légifère et contrôle l’action du Gouvernement.
- La limitation du mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une seule fois.
- La garantie de l’indépendance du pouvoir judicaire dans le cadre d’une véritable séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judicaire)…
À ma connaissance, il n’existe pas au Cameroun depuis l’indépendance, un autre accord politique d’émanation populaire qui érige et fige aussi fermement les principes constitutionnels de notre Pays.  
Le 18 Janvier 1996, contre toute attente et en violation totale des accords passés entre partis, par la Loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 Juin 1972, les dispositions fondamentales des résolutions de la tripartite -tout en conservant néanmoins le principe de la limitation du mandat présidentiel à deux tours, sont unilatéralement modifiées et ainsi retranscrites dans la Constitution de 1996 : Art. 6.- (1) Le Président de la République est élu au suffrage universel direct, égal et secret, à la majorité des suffrages exprimés. (2) Le Président de la République est élu pour un mandat de sept (7) ans renouvelable une fois.
Sans doute lors des élections présidentielles de 1997, pensiez-vous que 14 ans seraient une éternité ; mais que non ! Pour les élections présidentielles de 2004, élu ou pas élu, le Peuple camerounais faisant preuve de maturité et de stoïcisme vous a « accordé » un second mandat de 7 ans.
Je vous rappelle qu’en 2008, alors que vous êtes encore lié au Peuple camerounais par les résolutions de la Tripartite et les dispositions constitutionnelles introduites au forceps en 1996 fixant les mandats présidentiels à deux tours et dont vous aviez entamé l’exécution en 2004, vous sortez de votre léthargie pour annoncer que le principe de la limitation de mandat est contraire à la volonté populaire.  Pour ce faire, vous envoyez cyniquement 200 Camerounais outre-tombe simplement parce qu’ils s’opposent à une nouvelle modification de la constitution et vous interpellent  sur la pauvreté ambiante au Cameroun.
Sans pour autant nous engager dans du juridisme, la levée de la limitation du mandat présidentiel que vous dites contraire à la volonté populaire serait juridiquement acceptable si elle avait été engagée avant le début de l’exécution de votre mandat en 1997, soit exactement lors de la modification de la constitution en 1996.

Monsieur le chef de l’État et Président national du parti-Etat Rdpc,

Je vous invite sans délai à reconnaître qu’au regard de vos engagements pris tant à l’endroit du Peuple Camerounais par la résolution de 1991 qu’en vertu de la constitution de 1996, la levée du  verrou ainsi introduite dans la constitution en avril 2008 ne s’applique pas à vous en vertu du principe de la non rétroactivité des lois.
Votre candidature à l’élection présidentielle de cette année procèderait à un déclenchement d’hostilités auxquelles vous auriez inéluctablement conduit le Peuple affamé, malade, en manque d’eau potable,  d’électricité, de logement, d’écoles, etc.
Vous avez certainement entendu un compatriote vous dire : “Si vous ne respectez pas l’engagement pris à la Tripartite de deux mandats maximum, et la Loi  qui  fait que vous êtes désormais inéligible, alors nous n’entrons pas dans la compétition avec vous”.

Monsieur le chef de l’État et Président national du parti-État Rdpc,

Je vous redis que le moment est venu pour vous de faire valoir vos droits à la retraite.  
Il y a certainement un honneur à être un ancien chef d’État mais il n’y en a pas du tout à être un dictateur  déchu. Vous n’avez cessé de multiplier des maladresses croyant implanter une stratégie bénéfique à votre ego, d’où le refus catégorique par le Peuple de la mascarade électorale.
Monsieur le Chef de l’État et Président du parti-État Rdpc  
Le Cameroun mérite des institutions fortes, fondement d’un système nouveau, riche, harmonieux et dynamique. Ceci impulsera un changement véritable qui est une transformation observable dans le temps et dans l’espace, affectant en permanence la structure et le fonctionnement de la société/communauté tout en modifiant de manière positive le cours de son histoire.  
Ainsi, « Le Cameroun dont je rêve, c’est un Cameroun qui doit se convertir, se perfectionner, se transformer en profondeur. Un pays prêt à acquérir de nouvelles façons de vivre et d’agir. Bref, un pays qui doit être le contraire de ce qu’il était hier. Se convertir, c’est éliminer de sa manière de faire tout ce qui est négatif » (Christian Cardinal Tumi, Ma foi : Un Cameroun à remettre à neuf, éd. Veritas, Douala, p39.).  
C’est ce que Nous, Refondateurs, appelons la Refondation du Cameroun (Guerandi Mbara G., Refondation sociale : La renaissance par l’Éthique rédemptrice, éd. Minsi, Paris, 2004).

Monsieur le chef de l’État et Président national du parti-État Rdpc,

Avez-vous jamais été Homme d’État ? Car l’homme d’État, selon Henry Kissinger, se définit non par la grandeur de ses objectifs, mais par la catastrophe qu’il saura éviter à son peuple.
Veuillez accepter Monsieur le chef de l’État, mes salutations patriotiques et néanmoins respectueuses.
Le 17 août 2011  
Guerandi Mbara Goulongo
Coordonnateur national des Refondateurs, spécialiste en Géopolitique et Géostratégie. Il est Professeur des Relations Internationales et conférencier dans des Institutions académiques en/hors d’Afrique. Consultant International, il dirige Andal Afriq, un cabinet d’Études stratégiques.
Docteur es Science Politique de l’Université René Descartes (Paris V), il est également titulaire de diplômes militaires obtenus au Cameroun (Emia) et en Allemagne. Enfin, il a obtenu un Diplôme d’études approfondies (Dea) de  Relations Internationales et de l’Economie Internationale de Développement de l’Université René Descartes (Paris V), un Diplôme d’études supérieures spécialisées (Dess) des Etudes Diplomatiques Supérieures et Stratégiques de l’Institut des Hautes Etudes Internationales (Ceds) à Paris.