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Direction générale des impôts: au royaume des prédateurs - Page 6

Direction générale des impôts: au royaume des prédateurs - Page 6

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Index de l'article
Direction générale des impôts: au royaume des prédateurs
Quand les chefs d’établissement servent de boucs émissaires
Indignation des chefs d’établissement
Les impôts au cœur d’un réseau parallèle de faux timbres fiscaux
Répartition des tâches
Un réseau aux connexions profondes
Dans le labyrinthe d’une Causa Nostra tropicale
La lettre qui avait dévoilé le pot aux roses
Les machines installées au Cameroun par Mercury
Toutes les pages
Un réseau aux connexions profondes
On ne peut s’étonner de l’attitude de certaines personnes impliquées dans l’affaire des faux timbres fiscaux au Cameroun. Elles sont membres d’un réseau aux connexions profondes. Évocation
Le contrat de partenariat, entouré jusqu’ici de la plus grande confidentialité, n’a jamais été évalué. À dessein, tant il contribue à engraisser des bénéficiaires tapis jusque dans les plus hautes sphères de l’administration. C’est en 2003 que tout se met en place. Cette année-là, Polycarpe Abah Abah, alors directeur des Impôts, décide de prendre à bras-le-corps la fraude fiscale en limitant la production des timbres volants qui contribuent à l’entretenir. Pour ce faire, il initie un projet de sécurisation des recettes fiscales à travers l’adoption des machines à affranchir. Le directeur des Impôts jette le dévolu sur la société française Neopost, spécialisée dans la fabrication de ces machines à timbrer.
C’est dans cette optique que Polycarpe Abah Abah crée, d’après la lettre de dénonciation de Jacques Landry Batomlack adressé au premier ministre le 06 juillet 2009, une société-écran  dénommée Mercury, à la tête de laquelle il place un proche parent : Stéphane Soh Fonhoué, son gendre dit-on. Née sans doute pour cette seule fin, Mercury hérite donc naturellement d’un contrat exclusif pour la fourniture à l’État du Cameroun des machines à composter Neopost. Ce contrat exclusif est signé en violations des « conventions d’accord qui stipulent que Neopost ne traite directement qu’avec les États ». Elle doit en outre assurer leur paramétrage, leur maintenance ainsi que la gestion de la base des données fiscales du ministère de l’Économie et des Finances. L’attribution d’une telle mission à la fois délicate et très sensible à une jeune entreprise à l’expertise jamais éprouvée suscite des gorges chaudes.
Alors qu’elle est censée contribuer à la sécurisation des recettes fiscales, Mercury se mue par la force des choses en une machine à fraude. Le réseau de production parallèle des timbres fiscaux fonctionne avec trois piliers : Stéphane Soh Fonhoué, directeur général de Mercury, gendre du député Jean Ketcha patron du groupe Ketch Cameroun ; Laurent Nkodo, alors directeur général des Impôts et Crescence Monique Ndzié, chef de division du recouvrement et du timbre à la direction générale des Impôts. Leur mode opératoire est simple: une machine est déclarée en panne ou volée et donc hors service. Mais en réalité, elle reste dans le circuit officiel sauf que le fruit de son activité ne bénéficie qu’au réseau de fraude. Il arrive même souvent qu’une machine déclarée volée au Cameroun soit en activité au Gabon, au Sénégal, au Bénin, au Niger, au Mali, au Burkina-Faso ou en République centrafricaine où Mercury bénéficie du même contrat qu’au Cameroun. D’où la difficulté à évaluer avec précision l’ampleur des pertes infligées à l’État.
Mais curieusement, ce réseau de détournement des recettes fiscales a toujours bénéficié d’une grande protection. Même ceux qui ont le pouvoir de stopper la saignée n’ont rien fait. Informé depuis mars 2009, le ministre des Finances tarde à prendre des mesures conservatoires à défaut des sanctions. Bien au contraire, il a renouvelé le contrat de partenariat entre l’État et Mercury. Autre preuve que le réseau bénéficie des complicités à des niveaux insoupçonnés, en dépit des aveux du directeur général de Mercury, les enquêtes ouvertes à la légion de gendarmerie du Centre, à la police judiciaire ou par l’Agence nationale d’investigation financière n’ont jamais prospéré. Et comme pour distraire l’opinion, Crescence Monique Ndzié annonce que les faux timbres, qui sont loin d’être l’apanage du bac, incombent aux proviseurs.
Junior Étienne Lantier