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Elecam divise l’Église catholique

Elecam divise l’Église catholique

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Elecam divise l’Église catholique
Loi n° 2011/001 du 6 mai 2011
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L’éventualité de la nomination d’un évêque au sein du conseil électoral d’Elections Cameroon oppose les évêques camerounais. Arguments et contre arguments s’entrechoquent.
Personne ne veut s’exprimer à visage découvert. Mais (presque) tout le monde en parle dans les milieux épiscopaux. La nouvelle, dont l’origine et la véracité restent incertaines, se répand comme une trainée de poudre. Selon cette nouvelle, le nonce apostolique, Monseigneur Peiri Pioppo (51 ans), conseiller de nonciature élevé à la dignité d’archevêque et désigné par le Saint-Siège ambassadeur permanent du Vatican auprès du  gouvernement camerounais le lundi 11 janvier 2010 en remplacement de Mgr Eliseo Antonio Ariotti arrivé en fin de séjour à Yaoundé, a récemment été reçu par le président de la République. Au cours de leur entretien, le président de la République, Paul Biya, lui aurait demandé de proposer un évêque pour être membre du conseil électoral d’Elections Cameroon (Elecam).
D’après certaines sources, cette question a été débattue au cours de la 36e Assemblée des évêques du Cameroun tenue à Mvolyé du 2 au 6  mai 2011.
Le nom de l’Évêque aurait même déjà été proposé au chef de l’Etat. Deux noms circulent parmi lesquels celui de Mgr Joseph Atanga, archevêque de Bertoua, président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun(Cenc)  et celui de Mgr Cornelius Fontem Esua, archevêque Bamenda

Silence

Du côté de la Nonciature, c’est motus et bouche cousue. On nous apprend juste qu’« habituellement, la nonciature ne souhaite pas s’impliquer et s’exprimer sur de tel sujet ». De son côté, Mgr Sébastien Mongo Behong, promu au poste de secrétariat général de la Cenc à l’issue de la 36e Assemblée plénière des évêques du Cameroun clôturée le vendredi 6 mai 2011, ne saurait infirmer ni confirmer une telle information, étant donné que, n’ayant pas été présent lors de la réunion entre le nonce et les évêques, il « ne sait pas  ce qu’ils se sont dits ».
Qu’à cela ne tienne et malgré ce nuage sombre qui enveloppe une éventuelle nomination d’un évêque au Conseil électoral d’Elecam, des sources concordantes soutiennent que le sujet a bel et bien été au centre des discussions lors de la récente assise de la Cenc. Selon ces sources, le sujet a suscité la désapprobation de ceux qui estiment que « l’on ne doit pas utiliser le nom de Dieu pour duper le peuple camerounais ». Un évêque ayant pris part à cette réunion s’insurge : « l’Église catholique ne doit pas servir de caution morale à un régime qui ne tient pas compte des aspirations au bien-être et à la liberté du peuple camerounais. Voyez-vous, le sujet sur Elecam est trop controversé. Les acteurs politiques ne sont pas tombés d’accord sur la manière dont Elecam doit fonctionner. Le fait de dire que cette institution ne doit pas proclamer les résultats provisoires des élections n’arrange pas les choses et jette un doute sur son indépendance, sa crédibilité et sur les intentions réelles de ceux qui ont préparé la loi que le chef de l’État vient de promulguer. On dirait que l’on est revenu à l’Onel qui ne pouvait pas aussi donner les résultats provisoires. Dans cette situation, envoyer un évêque catholique à Elecam risque d’être interprété comme si l’Église catholique avait pris position pour le pouvoir en place alors qu’elle est là pour tous les fils de Dieu, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition. Le risque est grand qu’elle ne serve que de caution. Face à ce risque, l’Église catholique ne devrait pas s’impliquer dans cette histoire d’Elecam. Elle devrait demeurer à équidistance entre les protagonistes et montrer ainsi qu’elle est à l’écoute de tous les chrétiens, aussi bien ceux du pouvoir que ceux de l’opposition. La sagesse commande que notre église adopte cette position médiane». Un autre évêque se demande si le Conseil électoral d’Elecam sera une institution œcuménique où toutes les confessions religieuses reconnues au Cameroun seront représentées. « Sinon, s’interroge-t-il, pourquoi le pouvoir en place s’intéresse seulement à l’Église catholique ». Avant de poursuivre : « L’Église catholique doit éviter de participer à toutes les entreprises qui tendraient à diviser les Camerounais. Notre mission est d’œuvrer pour la paix et la fraternité entre les fils de Dieu. Or, au regard de ce nous observons, Elecam suscite tellement de controverses qu’il serait hasardeux et imprudent d’y envoyer un des nôtres».

Conseil électoral

La présence d’un évêque au sein du Conseil électoral d’Elecam ne pose aucun problème aux yeux des Évêques, qui citent comme exemples, le rôle joué par Mgr Desmond Titu en Afrique Sud pendant et après l’apartheid, surtout celui de président en 1995 de la Commission vérité et réconciliation créée par le président Nelson Mandela. Ceux-ci font remarquer qu’après trois ans d’enquêtes et des milliers d’audition les conclusions de cette commission sont aujourd’hui considérées comme l’une des pierres angulaires de la réconciliation sud-africaine. Sans oublier les rôles joués par plusieurs prélats en Afrique lors des Conférences nationales souveraines. Ils citent, pêle-mêle, Mgr Kombo, président du présidium de la Conférence nationale souveraine (Cns) au Congo Brazzaville ; Mgr Monsengwo Pasinya, président de la Cns au Zaïre ; Monseigneur Isidore de Souza, président du présidium de La Conférence nationale des Forces vives de la Nation du Bénin ; Mgr Fanoko Kpodzro.   président de la Conférence nationale du Togo et Mgr Basile Mve Engone, président de la Conférence nationale du Gabon. C’est pour dire, poursuit un orateur, que dans l’histoire politique des pays africains, les prêtres de l’Église catholique ont joué des rôles majeurs. « Pourquoi ne le feraient-ils pas ici au Cameroun ? » Pour lui en tout cas, il ne trouve aucun inconvénient qu’un Évêque soit au conseil électoral d’Elecam. Au sein de ce conseil, « il travaillera la Bible en main et contribuera à pacifier les cœurs. Même s’il y a des choses à dire sur Elecam, il n’est pas question pour l’Évêque qui sera nommé au sein de cette institution d’aller pour encourager la division des Camerounais.» Même son de cloche du côté d’un autre Évêque qui estimé que « les hommes de Dieu doivent être partout où il y a tension et  risque de division, afin d’œuvrer pour la paix des esprits et des cœurs ».

« Difficile élection »

Visiblement donc, les avis sont partagés. Les différents protagonistes campent sur leur position malgré la décision qui aurait été prise de proposer le nom d’un Évêque au président de la République.
Cette situation fait resurgir la vive querelle qu’il y a eu entre les hommes de Dieu lors de la 35e assemblée plénière des évêques du Cameroun tenue au courant de la semaine du 15 au 17 avril 2010 au Centre Jean XXIII de Mvolyé à Yaoundé, session au cours laquelle Mgr Joseph Atanga avait été élu président de la Cenc. Cette élection avait fait couler beaucoup d’encre et de salive. Elle avait présenté un épiscopat fortement divisé. Cette élection de Mgr Joseph Atanga avait été considérée par beaucoup d’évêques comme un « scandale », car soutenaient-ils à l’époque, le poste revenait  légitimement à Mgr Samuel Kleda, actuel archevêque de Douala, vice-président de la Cenc au cours des deux mandats  de Mgr Victor Tonyé Bakot à la tête de cette structure. Avec l’éventualité de la  nomination d’un évêque au sein du Conseil électoral d’Elecam, ils évoquent cette « difficile élection » - Mgr Joseph Atanga avait été élu après 4 tours de scrutin et n’avait remporté l’élection qu’avec un écart d’une voix – pour montrer et dénoncer la politisation de l’épiscopat,  l’interférence du pouvoir politique dans l’élection du président de la Cenc  et la « corruption de certains évêques » lors de la 35e assemblée. Pour eux, « en corrompant des évêques qui avaient soutenu Mgr Atanga, le pouvoir de Yaoundé voulait caporaliser la Cenc et mettre plus tard cette structure à son service. C’est ce qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux ». De plus Mgr Samuel Kleda, soulignent-ils, ne pouvait pas être président de la Cenc parce qu’on dit qu’il «est le poulain de l’aumonier des opposants, le Cardinal Christian Tumi, et est un prélat récalcitrant».
Du côté de ceux qui estiment que « Mgr Joseph Atanga est à sa place »,  il s’agit des « jérémiades des mauvais perdants et l’Église catholique n’a pas besoin de ce spectacle qui ne l’honore pas ».
Faut-il le rappeler, sous la pression des partis politiques, des bailleurs de fonds internationaux et des organisations de la société civile camerounaise (Oscc), le président de la République a promulgué, le 6 mai 2011 la loi n°2011/001 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’« Elections Cameroon » (Elecam). Celle-ci fait passer le nombre de membres du conseil électoral de 12 à 18. Elle enlève à cette institution la possibilité de publier les tendances et les résultats provisoires des élections. Ce qui  fait dire à certains observateurs qu’Elecam a été transformé en Onel 3.
J.-B Talla


Loi n° 2011/001 du 6 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006 portant création organisation et fonctionnement d'« Elections Cameroon» (Elecam)
L’Assemblée nationale a délibéré et adopté, le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article 1er : Les dispositions des articles 6, 8, et 22 de la loi n° 2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’« Elections Cameroon » sont modifiées et complétées ainsi qu’il suit : « Article 6 (nouveau) (1) Le conseil électoral veille au respect de la loi électorale par tous les intervenants de manière à assurer la régularité, l’impartialité, l’objectivité ; la transparence et la sincérité des scrutins. (2) A ce titre, le conseil électoral :
- opère les vérifications et les contrôles qu’il juge opportuns;
- examine les dossiers de candidature et publie la liste ou les listes définitives des candidats à l’élection présidentielle, aux élections législatives, sénatoriales, régionales et municipales;
- transmet les procès-verbaux des élections au Conseil constitutionnel ou aux instances prévues par la loi ;
- veille à ce que la liste des membres (tes bureaux de vote soit publiée et notifiée, dans les délais impartis, à tous ceux qui, selon la loi électorale doivent la recevoir, notamment les représentants des listes des candidats ou les candidats ;
- contrôle la mise en place du matériel électoral et des documents électoraux dans les délais impartis par loi;
- connaît des contestations et réclamations portant sur les opérations préélectorales et électorales, sous réserve des attributions du Conseil constitutionnel et des juridictions ou administrations compétentes ;
- ordonne les rectifications rendues nécessaires à la suite de l’examen des réclamations ou contestations reçues, relatives aux élections ou aux opérations référendaires
Article 8 - (nouveau (1) Le Conseil électoral comprend dix- huit (18) membres, dont un (01) président et un (01) vice- président.
(2) Les membres du Conseil électoral sont choisis parmi des personnalités de nationalité camerounaise, reconnues pour leur compétence, leur intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur sens patriotique, leur esprit de neutralité et d’impartialité.
(3) Le président, le vice-président et les membres du Conseil électoral sont nommés par décret du président de la République après consultation des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et de la société civile.
(4) Le président et le vice-président du Conseil électoral assurent tes fonctions de président et de vice-président d’Elections Cameroon.
(5) Le mandat des membres du Conseil électoral est de quatre (04) ans, éventuellement renouvelable.
-6) Avant leur prise de fonctions, les membres du Conseil électoral prêtent le serment suivant devant le Conseil constitutionnel : « je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et des lois en vigueur, de ganter 1e secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence d’Elections Cameroon ». (7) Ils sont soumis à l’obligation de déclaration de biens et avoirs ».
Article 22- (nouveau) (1) Le Directeur général des Elections est chargé sous le contrôle et la supervision du Conseil Electoral, de toutes les opérations électorales ou référendaires, notamment :
- La constitution, la gestion, la mise à jour et la conservation du fichier électoral national ainsi que des documents et matériels électoraux ;
- L’acquisition et la distribution du matériel et des documents électoraux;
- L’établissement et la publication des listes électorales ;
- L’établissement et la distribution des cartes d’électeur ;
- L’organisation ou la supervision de la formation du personnel chargé des scrutins ;
- L’élaboration du projet de budget annuel d’Elections Cameroon et du projet de budget des élections ;
- L’exécution du budget d’Elections Cameroon et du budget des élections;
- La gestion des ressources de toute nature et des matériels mis à sa disposition;
- La réception et la transmission au Conseil électoral des dossiers de candidatures à l’élection présidentielle et aux élections législatives, sénatoriales, régionales et municipales;
- La remise, dans les délais impartis par la loi, des spécimens de bulletins de vote aux candidats ou partis politiques prenant part au scrutin, en vue des campagnes électorales ;
La coordination des actions des observateurs accrédités par les autorités nationales compétentes ;
- L’organisation des bureaux de vote et la désignation des responsables ;
- La saisine des autorités compétentes en cas de menace à l’ordre public dans tes bureaux de vote ;
- La coordination de l’ensemble des structures chargées des opérations électorales ;
- Le transport des procès-verbaux des élections et autres documents électoraux à partir des bureaux de vote jusqu’au siège d’Elections Cameroon;
- La transmission des procès-verbaux des élections au Conseil électoral.
(2) A cet effet, le Directeur général des Elections est investi de tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de ses fonctions.
(3) Il rend compte de ses activités au Conseil Electoral au moins une fois par semestre.
(4) Après chaque scrutin, te Directeur général des Elections est chargé de la centralisation de tous les documents et matériels électoraux ainsi que de leur conservation. Il élabore le rapport final sur le déroulement des élections.»
Article 2- La présente loi sera enregistrée, publiée suivant la procédure d’urgence, puis insérée au Journal officiel en fiançais et en anglais.
Yaoundé, le 06 mai 2011
Le président de la République
(é) Paul Biya