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Société Marafa Hamidou Yaya: le technocrate, l'homme d'Etat et l'ambition contrariée - Le délit de la loyauté et de la compétence

Marafa Hamidou Yaya: le technocrate, l'homme d'Etat et l'ambition contrariée - Le délit de la loyauté et de la compétence

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Index de l'article
Marafa Hamidou Yaya: le technocrate, l'homme d'Etat et l'ambition contrariée
Marafa Hamidou Yaya écrit à Paul Biya
Le délit de la loyauté et de la compétence
Trajectioire: Marafa Hamidou Yaya, ''l'ambianceur''
Marafa Hamidou Yaya, victime de la présomption de culpabilité
Post Scriptum: Et si Marafa Hamidou Yaya n'ignorait pas ses détracteurs!
Faire de 2018 une année utile pour le Cameroun, par Marafa Hamidou Yaya
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Le délit de la loyauté et de la compétence

On peut dire tout de ses ambitions pour le Cameroun. On peut même lui reprocher d’avoir été pendant 19 ans un pilier du régime Biya. Mais presque tous ceux qui l’on cotoyé reconnaissent qu’il est pointilleur et compétent, et qu’il a un franc parler qui dérange. Ses écrtis sont là pour le prouver. Des observateurs pensent qu’il est aujourd’hui victime de sa compétence et de sa loyauté. Des responsables au Minatd évoquent la période Marafa avec nostalgie.
La rumeur acharnée, à tort ou à raison, qui avait prospéré depuis le départ de Marafa Hamidou Yaya du gouvernement, sur la toile de fond d’un procès instruit par l’inquisition médiatique, connaît enfin son dénouement ce 16 avril 2012 qui voit son arrestation. Figure significativement remarquable, et plus-value si elle en est, dans la galerie de « l’opération épervier », Marafa est une grosse prise qui rehausse et relance une opération qui s’était arrêtée du fait, disait-on, de la volonté du prince, et pour laquelle, dès ses premières prises, les Camerounais n’ont cessé depuis lors de manifester un intérêt soutenu dont le régime, percevant sa fonction d’exutoire, entretiendra et  nourrira avec ressource et inventivité par un art éprouvé de la mise en scène qui jusqu’ici n’a jamais été démenti par les arrestations dont la chorégraphie et l’orchestration ont été toujours magistralement conduites.
2 mai 2012, soit moins d’un mois après cette arrestation, les Camerounais découvrent dans les kiosques et à travers les revues de la presse, tranches favorites et matinales sur les antennes des radios et des chaînes de télévision locales, une « Lettre ouverte à Paul Biya sur la loyauté », qui va inaugurer une série d’épîtres dont le point d’orgue sera la publication aux éditions du Schabel d’un ouvrage,  Le choix de l’action, à mi-chemin entre l’essai et les mémoires :  Depuis lors, la pensée politique de Marafa Hamidou Yaya, du moins ce qui en tient lieu, s’est progressivement constitué sous la forme d’un projet politique potentiel que le concerné nomme : « La société de confiance ».. S’il n’aura échappé à aucun Camerounais que les écrits de Marafa recèlent du point de vue de l’information, une valeur réelle tant, pour le plus grand nombre de Camerounais, ils donnent à apprendre sur le sérail et confirment pour les observateurs les plus avertis ce qu’ils subodoraient déjà quant à la manière dont la barque Cameroun était conduite et qui n’aura pas échappé à la perspicacité du Camerounais doté d’un confort intellectuel modeste, de faire, entre autres, ces observations. Pourquoi la parole de Marafa ne s’est-elle libérée qu’après son départ du gouvernement et son arrestation consécutive ? Comment peut-on juger et être assuré de la sincérité du projet politique de « La société de confiance » en construction qu’il présente aux Camerounais, sur la base duquel d’ailleurs il les convie à faire de lui le futur président de la République ? Les écrits de Marafa, dans le contexte l’incarcération obéissent-ils à la logique d’un règlement de comptes ?
Certains pourraient à tort ou à raison être amenés à le penser, partant du fait que c’est après son départ du gouvernement et dans le temps de son incarcération qu’il s’est décidé à écrire. Marafa est certainement après Paul Biya, le Camerounais qui aura occupé les fonctions stratégiques : secrétaire général de la présidence de la République et ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minadt). Ce qui pourrait expliquer vraisemblablement, disposant de vues qui ne sont pas communes au Camerounais lambda, qu’il ait choisi d’écrire à un moment dont l’opportunité, il n’en demeure pas moins, toutes choses étant égales par ailleurs, peut apparaître comme suspecte aux yeux du Camerounais lambda. Adoptant la posture d’homme d’État que ses détracteurs lui contestent, il se défend en ces termes : « Je ne suis pas homme à régler des comptes. L’État et la démocratie se dévalorisent dans l’étalage des scandales ». Il n’en demeure pas moins vrai, aux yeux de ses contempteurs, malgré cette explication digne d’intérêt selon son entourage, que ses dénigreurs, il y a une inopportunité qui frappe au coin le temps choisi par Marafa pour écrire et qui déteins malheureusement - peut-être - sur la sincérité de son propos et affecte sans conteste, négativement le potentiel de sympathie dont il aurait pu bénéficier de la part de certains Camerounais.
A-t-il tort de dire ce qu’il pense, simplement parce qu’il a été un pilier du régime ? Doit vouer aux gémonies tous les piliers du régime Biya ? Tous les piliers du système Biya sont-ils des partisans du statu quo ? Marafa aurait-il dû se taire alors ?  Non, évidemment. Car ses prises de position et ses écrits constituent aussi des mines d’informations sur la manière dont est géré l’État du Cameroun. Elles informent plus d’un Camerounais et constituent un témoignage majeur quand viendra l’heure de faire le bilan des années Biya.
Le mérite de Marafa Hamidou Yaya est que dans ses écrits, il prend le contrepied de ses détracteurs qui pensaient le voir se défausser à bon compte sur le système qu’il a servi pendant 19 ans et sur celui qui l’incarne et se garder bien de se remettre en cause et d’assumer sa part de responsabilité dans ce qui arrive au Cameroun et aux Camerounais. Ce qui accroit aux yeux de nombreux Camerounais et admirateurs le capital de sympathie dont il en tire les dividendes psychologiques. Comme face à un miroir et avec sincérité l’ex-secrétaire général de la présidence de la République déclare sans fioritures : « [J]’ assume ma part de responsabilité. Sous l’autorité de Paul Biya, j’ai eu l’honneur de servir l’État camerounais […]. J’ai même été, selon l’expression souvent acrimonieuse, l’un des « piliers du régime ». […] Je le dis clairement : j’assume toute mon action au service de l’État ». Avant de préciser : « […] je n’ai jamais servi Paul Biya […] personnage disjoint, insaisissable, dissimulant des gouffres intérieurs insondables […] dont [j’ai] parfois tiré profit de la grande expérience (et à qui je me suis parfois opposé frontalement), mais l’intérêt supérieur de la nation ». C’est bien ici l’homme d’État qui parle. Indubitablement, ces épitres, au regard des actions posées dans les différents postes qu’il a occupés, révèlent que Marafa Hamidou Yaya a le sens de l’État. Que l’on en juge !
À la lecture des lettres et des interviews accordées ici et là, il ressort de cela que l’ex ministre d’État est un personnage pointilleux, à l’esprit marqué par une indépendance et une objectivité trempées. Un fait objectif mérite d’être souligné : Marafa Hamidou Yaya ne s’est jamais associé aux différents « appels du peuple » adressés à Paul Biya et publiés en cinq (5) volumes aux éditions Sopecam, appels auxquels (presque) tous les ministres et autres dignitaires du régime se sont fort empressés d’associer leurs noms. Si cela ne témoigne pas de l’indépendance d’esprit, cela atteste au moins d’une force de caractère qu’on retrouve difficilement dans le sérail où l’obséquiosité le dispute à la courtisanerie la plus vile. C’est cette force de caractère qui a amené Marafa à dire à Paul Biya de ne plus se représenter à la présidentielle d’octobre 2011, tel qu’on peut dans sa première lettre ouverte adressée au président de la République, lettre dans laquelle se dit être victime d’un délit de loyauté. Des observateurs avertis qui scrutent les manœuvres dans les couloirs du régime se demandent pourquoi, Marafa Hamidou Yaya n’a jamais été indexé comme appartenant aux nébuleuses G11 et Brutus, construites par les partisans de Paul Biya dans l’optique de noyer les adversaires politiques réels ou supposés en les présentant comme des ennemis du chef de l’Etat qui « veulent prendre sa place ».
Le courage apparaît aussi comme l’une des qualités de Marafa. En effet, dans l’émergence de ce qui convient d’appeler littérature politico-carcérale à laquelle les prises de l’opération dite « épervier » convient les Camerounais, Marafa paraît être l’un de ceux qui parle avec une lucidité et une franchise qui caractérisent les hommes courageux. On perçoit dans son ton qu’il n’attend plus rien de ce régime. Avec la détermination d’un innocent, il appuie là où cela fait mal, même s’il ne dévoile pas les secrets d’État. Le courage justement est l’une des qualités que devrait avoir tout citoyen qui aspire aux plus hautes charges de l’État. N’est-ce pas justement là-dessus que capitalise le prisonnier politique qu’est devenu Marafa ?
En outre, pour lui, la grâce présidentielle n’est pas un droit, elle s’accorde. On comprend pourquoi, l’idée de la solliciter n’a jamais traversé son l’esprit.
Que l’on l’aime ou pas, on est bien forcé de reconnaître  sa compétences, des qualités mentales, professionnelles et psychologiques à côté de ses qualités d’homme d’État que même ses détracteurs ne manquent pas de mettre en exergue quand ils parlent de lui. Un responsable en service au Minadt et qui a requis l’anonymat témoigne « Beaucoup de gens au Minatd sont nostalgiques de la période Marafa. En ce sens qu’il se différencie de l’actuel Minadt parce qu’il était un bosseur. Il n’était pas glouton. Son successeur gère le Minadt comme on gère le pays, au détail près. Conséquence, il y a une démotivation généralisée, l’absence de célérité dans le traitement des dossiers et un état d’esprit et un climat malsains. Démotivés, les gens désertent les bureaux. Quand on compare la période Marafa et celle de Sadi, c’est le jour et la nuit. Je sais de quoi je parle. J’ai fait au moins quatre ans avec Marafa et depuis je travaille sous Sadi. C’est devenu tellement opaque que nous assistons au tarissement de toutes les sources d’approvisionnement. Les avantages que nous avions sous Marafa sont devenus exceptionnels, pour ne pas dire qu’ils n’existent plus et ils ne sont réservés qu’à quelques affidés du ministre qui roulent carrosse. Même les directeurs et sous directeurs qui avaient des avantages sous Marafa rongent aujourd’hui leurs freins. Le Minatd n’est plus ce qu’il était sous Marafa. »
L’un des autres traits de la personnalité de Marafa qui ne laisse personne indifférent est sa culture littéraire, de bonne facture. D’ailleurs, c’est une qualité que possèdent la plupart des technocrates accomplis qui ont toujours soif de la connaissance. Les vers tirés des Contemplations de Victor Hugo qu’il cite au début de son ouvrage Le choix de l’action, sont assez révélateurs de l’horizon vers lequel ses yeux sont rivés : « Vous dites : où vas-tu ? je l’ignore ; et j’y vais. Quand le chemin est droit, jamais il n’est mauvais. J’ai devant moi le jour et j’ai la nuit derrière ; Et cela me suffit ; je brise la barrière. »
Il appartient à la postérité et à l’histoire de dire si Marafa Hamidou Yaya est l’homme qu’il prétend être ou si son incarcération constitue un gâchis.
Tissibe Djomond



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