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Franck Biya et Vanessa Tchatchou : deux figures, deux destins, deux Cameroun en guerre

Franck Biya et Vanessa Tchatchou : deux figures, deux destins, deux Cameroun en guerre

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Même si spéculer sur la dette du Tiers-Monde est monnaie courante dans les marchés internationaux de capitaux, que le fils du dictateur camerounais gagne de l’argent sur la dette du Cameroun, synonyme de la souffrance d’un peuple, est semblable à une entreprise de pompes funèbres qui prospère parce que les morts augmentent dans le pays à cause de la mauvaise vie qu’inflige aux populations celui dont le fils fabrique et vend les cercueils.
Ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler l’affaire Franck Biya ne se limite pas seulement à une histoire de millions quoique cette dimension soit révélatrice de la crise civique, sociale et politique induite par la République de l’argent et l’esprit vénal installés et distillés insidieusement et durablement au Cameroun par le Renouveau National depuis 1982. Elargir le débat en dehors de la bataille des chiffres qui l’appauvrit analytiquement et ontologiquement donne une portée sociétale profonde à ce dossier. Une façon de le faire revient à lier l’affaire Franck Biya à l’affaire Vanessa Tchatchou afin de débusquer et de dévoiler la nature profonde du Renouveau National par l’analyse des réactions, des attitudes et des discours des institutions publiques et de certains membres du gouvernement par rapport à ces deux affaires. La figure tutélaire de Franck Biya et la figure victimaire de Vanessa Tchatchou deviennent alors, grâce à cette mise en résonnance, des types-idéaux réels et/ou des incarnations factuelles de deux Cameroun vibrant en opposition de phase sur tous les plans depuis au moins cinquante ans. Ces deux figures sont les caisses de résonnance de deux destins dont l’un est l’envers dirimant de l’autre dans une même République où s’affrontent deux angoisses concurrentes : celle de chercher toujours à être du côté des dominants et celle de chercher comment sortir du club des dominés et des souffrances inhérentes. Aussi, mettre en lumière les lignes de fractures et les dissonances historiques et contemporaines qui ravinent l’unité du peuple camerounais tout en incarnant la structure dissymétrique permet, mieux que de simples chiffres, de prendre le pouls sociopolitique du pays en écoutant la clameur qui monte des profondeurs de l’âme d’un peuple et met bout à bout la figure de Vanessa Tchatchou et celle de Franck Biya. Cela semble nettement plus instructif que les événements de surface sur lesquels s’activent plusieurs analyses depuis quelques semaines en laissant de côté les tendances lourdes que l’affaire Vanessa permet de révéler via l’affaire Franck Biya et réciproquement. Que représentent Franck Biya et Vanessa Tchatchou au Cameroun depuis plus de cinquante ans ? Que révèlent les attitudes des autorités politiques et des institutions républicaines dans ces deux affaires ? De quoi Franck Biya peut être accusé sans risque de se tromper ? Quelle dimension politique l’avènement des dictatures héréditaires en Afrique depuis quelques temps (Gabon, Togo, RDC) donne à cet épisode ?

Deux Cameroun, deux mondes en guerre, deux destins
Lorsqu’Alexandre Biyidi Awala, alias Mongo Beti publie Ville Cruelle en 1954, il est certain qu’il ne pense pas un seul instant que son ouvrage aurait pu prendre le titre Cameroun cruel tellement les tribulations de certains citoyens au sein du Cameroun indépendant de 2012 sont du même acabit que celles de Banda, personnage centrale de son célèbre roman. Sous Ahmadou Ahidjo, Tanga Nord s’est opérationnalisé par le Président et tous les privilégiés qui contrôlaient l’Etat et se sont enrichis par domination tous azimuts des Camerounais anonymes qui incarnent la plèbe de Tanga Sud et ses multiples carences dans tous les plans. L’accès aux crédits bancaires et à d’autres privilèges de l’Etat était monnaie courante au point où les créances douteuses constituaient la majeure partie du bilan des banques camerounaises. Sous Biya, les mêmes pratiques ont continué au point de mettre en faillite des banques (crédit agricole par exemple) et des structures de développement (ONCPB) ponctionnées par une élite camerounaise convaincue que la charité bien ordonnée commence par soi-même au détriment de l’Etat et du peuple. Ceux qui ont pillé l’Etat à tout vent étaient connus de tous sauf du Président Biya qui n’avait aucune preuve. Dans un Cameroun Afrique en miniature devenue un concentré des drames peints par Eza-Boto d’une Afrique dominée, Vanessa Tchatchou est la figure des humbles, des simples et des paysans. Le vole de son bébé est la traduction concrète de la condition subalterne que les gueux de Tanga Sud subissent du fait des actions des « peaux noires masques blancs » de Tanga Nord. Franz Fanon voyait déjà ces derniers en 1952 comme les traitres en puissance d’une indépendance devant donner naissance à l’homme nouveau en Afrique noire. Franck Biya c’est donc Tanga Nord non parce qu’il exerce automatiquement directement une domination et une exploitation sur Tanga Sud, mais parce qu’il est inévitablement son antithèse dans tous les domaines. Il ne connaitra jamais la souffrance d’un Camerounais  de son âge diplômé de l’enseignement supérieur mais au chômage depuis trente ans. Il ne verra jamais le bébé de sa femme ou de sa fille s’évaporer d’un hôpital camerounais sans traces. Qu’on le veuille ou non sa vie et sa condition au monde reconstituent, en liaison avec le sort de Vanessa Tchatchou, ville cruelle, mieux le Cameroun cruel au sens politique, social, matériel, topographique et économique. Il est une figure de proue de ce Cameroun qui domine et s’embourgeoise depuis 1960 (le Cameroun d’en haut) quand la condition au monde de Vanessa Tchatchou est le Cameroun d’en bas. Ses tribulations de jeune mère sont des morceaux choisis du quotidien de ceux dont le seul péché est d’être mal nés parce que de parents en dehors du pouvoir.
« Monsieur Franck Biya a choisi un itinéraire admirable » nous le dit Jaques Fame Ndongo. Mais faisant lui-même partie de Tanga Nord, il ne perçoit pas la charge d’injustice de son propos par rapport à l’imaginaire des milliers de Camerounais plus valables que Franck Biya mais incapables de se choisir « un itinéraire admirable » parce que subissant un itinéraire de misère qu’ils n’ont pas choisi depuis trente ans. C’est déjà un gros privilège exclusif que possède Franck Biya de pouvoir choisir son itinéraire admirable. Cette liberté et cette possibilité de choix ne sont pas des réalités mais des mirages pour plusieurs Camerounais de son âge. Combien de Camerounais avec les mêmes diplômes (voir plus) que Franck Biya sont sans possibilités économiques de choisir Monaco, haut lieu de la bourgeoisie mondiale, comme lieu de vie ? Combien de Camerounais aimeraient exploiter de façon industrielle le bois camerounais et africain s’ils avaient facilement accès aux crédits bancaires comme Franck Biya ? Ces quelques questions devraient montrer à Jacques Fame Ndongo qu’exploiter le bois africain en général et camerounais en particulier, ne nécessite aucunement de posséder le génie de l’entrepreneur dont parle Joseph Aloïs Schumpeter et dont Franck Biya serait le type-idéal, mais tout simplement des capitaux et des agréments que son statut de fils de Président lui permet d’avoir aisément. Aucun génie créateur et aucune innovation ne sont exigés pour exploiter les forêts africaines car c’est le pouvoir du Nord et du Sud mit en joint-venture qui le fait au détriment de ce continent.  
A ce titre, Franck Biya est coupable moralement dans l’imaginaire des gens plus valables que lui mais qui ne sont rien au Cameroun parce que fils ou fille de paysans, de Bayam-Sellam ou d’artisans alors qu’il est l’homme d’affaire qu’il est devenu parce que fils de dictateur au pouvoir depuis trente ans. Franck Biya n’est donc pas seulement de Tanga Nord parce qu’il est fils de Président mais aussi et surtout parce que symboliquement coupable auprès des pauvres d’être riche principalement parce que fils de Président incarnant ainsi les privilèges du hasard de sa naissance sur les droits que confère la citoyenneté aux gens au moins aussi méritant que lui.  Quand le peuple est en colère, il lui faut une victime sacrificielle comme exutoire de sa colère. Cette victime sacrificielle c’est Franck Biya alors que Vanessa Tchatchou est la personnification de l’âme profonde de ce peuple camerounais en souffrance. C’est Franck Biya qui, au sens anthropologique, représente l’antithèse de la vie de misère du peuple camerounais dans sa grande majorité et devient ainsi l’incarnation de ceux qui, miraculeusement, roulent sur l’or dans un océan de misère. Franck Biya et ses affaires ont, dans l’imaginaire du peuple camerounais (institutions, normes, représentations, orientations), une grande consanguinité avec la dictature que subie ledit peuple au sein d’Etat dirigé par un homme dont il est le fruit spermatique. La culpabilité première de Franck Biya n’est donc pas d’abord judiciaire et liée à l’affaire des titres de CAMTEL. Elle est d’abord le résultat d’une sentence de la société camerounaise pauvre (Tanga Sud) qui voit en lui Tanga Nord au sens d’antithèse de sa condition misérable depuis cinquante ans. En d’autres temps, les sociétés traditionnelles avides d’égalité sociale tuaient de tels individus ou les accusaient de sorcellerie. Les sans-culottes ont coupé la tête au roi de France pour des considérations de même nature. Dès lors se pose le problème de la nature du pouvoir en place au Cameroun car la République consiste à permettre à tout le monde de devenir quelque chose via une distribution équivalence de choix et de possibilités par des politiques publiques inclusives. Pourquoi certains ont autant de possibilités et d’autres aucune possibilité dans un même pays ?

Qui défendra les pauvres, les humbles et les gueux de Tanga Sud ?
Dans Ville cruelle de Mongo Beti, personne  au sein du pouvoir colonial ne défend Banda qui subit pourtant l’injustice et le pouvoir arbitraire du contrôleur colonial. Le cacao de Banda était bon et sec mais le contrôleur colonial avait décrété qu’il était mauvais et l’avais mis au feu sans autres formes de procès. Faire une lecture interdépendante de l’affaire Franck Biya et de l’affaire Vanessa Tchatchou montre que l’indépendance camerounaise n’est pas encore devenue, comme le pensa Aimé Césaire, le moment où la Négritude se mit débout pour crier qu’elle croyait en son humanité. Les inquiétudes de Cheikh Hamidou Kane se demandant en 1961, dans L’aventure ambiguë, s’il fallait envoyer les Africains à l’école du « Blanc » se révèlent fondées car ladite école a reproduit des contrôleurs coloniaux.  
En effet, les contrôleurs coloniaux sont encore là. Ils réactualisent l’Etat-colonial pour faire subir à Vanessa le sort de Banda en mettant son cacao au feu alors qu’il est tout bon. Qu’est-ce de façon symbolique le bon cacao de Banda mit au feu si ce n’est le fruit de son dur labeur de paysan incarnant aujourd’hui le fruit des entrailles de Vanessa Tchatchou mangé par le pouvoir sorcier du Cameroun ? L’injustice de Tanga Nord et de son pouvoir prédateur règne donc toujours sur Tanga Sud tout en dessinant ses contours sociologiques car alors que le mutisme total et la loi de l’omerta ont été pendant plusieurs mois l’identité remarquable des ministres camerounais pendant l’affaire Vanessa Tchatchou, Jacques Fame Ndongo monte avec une célérité inouïe au créneau pour défendre Franck Biya et Tanga Nord. Alors qu’ISSA Tchiroma n’avait ouvert sa bouche que pour annoncer à Tanga Sud ce qu’il vit déjà, c’est-à-dire le vol, la mort et l’enterrement du bébé de Vanessa Tchatchou factualisant ainsi l’Etat-croque mort dont ce ministre est le serviteur, Jacques Fame Ndongo s’empresse avec pétulance de défendre Franck Biya en distillant avec méthodes à la fois ses outrances verbales et une pestilence idéologique anti-démocratie d’opinions. Dans un pays où Vanessa Tchatchou a été ignorée dans son malheur de jeune mère affligée par un gouvernement pourtant au complet au temps du retour triomphal de la première dame de sa cure occidentale, Franck Biya qui a déjà tous les privilèges voit venir à sa rescousse des hauts fonctionnaires, des groupes d’avocats et des ministres de la République. Qui défendra donc le pauvre, le gueux, l’orphelin, la veuve, le paysan et le chômeur dans un pays où c’est Tanga Nord qui fait la pluie et le beau temps et fixe l’ordre des dominants du pays comme l’ordre normal pour tous ? Jacques Fame Ndongo a-t-il un seul instant défendu les jeunes camerounais assassinés par le Renouveau National en février 2008 ? Ces jeunes Camerounais ont-ils choisi ce destin mortifère comme Franck Biya a choisi « son destin admirable » ?
Encore dans un Etat naturel à ne pas confondre avec l’état de nature de Thomas Hobbes qui en fait est une absence d’Etat, les suivis diamétralement opposés que le Renouveau National et ses mousquetaires réservent respectivement à l’affaire Franck Biya et à l’affaire Vanessa Tchatchou, représentent le fait stylisé sociopolitique d’un pays coupé en deux groupes en guerre symbolique pouvant déboucher sur une guerre réelle. Le cercle d’airain dans lequel cette réalité est enfermée est scellé par un pacte faustien qui caractérise les pays rentiers et les ordres sociaux à émancipation fermée. Jacques Fame Ndongo et son protégé Franck Biya sont membres d’une coalition élitiste (élites militaires, élites intellectuelles, élites religieuses, élites politiques, élites économiques, élites traditionnelles, élites généalogiques) qui perpétue la dictature de l’ordre dominant en place parce que celui-ci satisfait leurs intérêts par la distribution de la rente. N’en déplaise à Jacques Fame Ndongo qui n’a certainement pas bien lu et compris Joseph Aloïs Schumpeter, exploiter le bois et la dette de son pays n’est pas de l’innovation créatrice de richesses mais un comportement de rentier différent de celui d’un entrepreneur au sens schumpetérien de ce terme. Vanessa Tchatchou et Tanga Sud sont face à une barrière à l’entrée à cette émancipation que représente le régime en place dont toute l’élite assure la reproduction en bloquant ainsi la mobilité sociale et la transformation du champ politique et économique. Le régime en place contrôle donc la violence via le champ politique où se distribue la rente entre toutes les élites de la coalition. Ceux qui souffrent n’ont donc que l’affaire Vanessa Tchatchou pour crier leur mal être quand l’affaire Franck Biya représente pour eux toute la charge symbolique négative de Tanga Nord dans Ville Cruelle d’Alexandre Biyidi Awala. Sortir du quasi apartheid entre Tanga Nord et Tanga Sud peut se faire via au moins trois possibilités :

  • la bourgeoisie de Tanga Nord décide d’ouvrir l’émancipation à tous en instaurant la démocratie parcqu’elle se rend compte que le système est désormais intenable ;
  • une conjoncture historique (la pression démographie des pauvres fait exploser le système) ;
  • une guerre ouverte entre Tanga Nord et Tanga Sud.

Mélange de genres, conflits d’intérêts et délit d’initié
La crise civique et morale installée au Cameroun par un régime qui parlait en 1982 de moralisation des comportements et de rigueur dans la gestion est matérialisée par l’Opération Epervier, antithèse de ce qu’aurait dû gérer le pays en 2012 si son discours de 1982 avait été appliqué concrètement. Cette crise civique et morale s’incarne aussi via la figure de ce que nous appelons la feymania d’Etat, c’est-à-dire un concentré d’affaires mafieuses  où s’observe un sacré mélange des genres, de conflits d’intérêts et de délits d’initié. L’affaire Franck Biya est de ce registre-là. Franck Emmanuel Biya d’après ce que nous dit Jacques Fame Ndongo est un homme d’affaires mais aussi fils du Président de la République camerounaise. Ces deux casquettes soulignent un mélange des genres lorsque cet homme d’affaire fait effectivement ses affaires sur la dette du pays dont son père est le Président. La rigueur dans la gestion et la moralisation des comportements ne sont que de la poudre aux yeux une fois que l’on se rend compte que c’est le Renouveau National qui endette le pays et que le fils de l’initiateur de ce régime fait du business florissant avec la titrisation de ladite dette. Nous sommes-là en présence d’une destruction du pays (endettement par le père)  mais créatrice de richesses pour le fils qui capitalise le service de la dette du pays : c’est Schumpeter à l’envers !
 En dehors des millions dont on parle à gauche et à droite, la condamnation est donc d’abord morale et éthique car alors que le service de la dette plombe les Camerounais dans la misère depuis trente ans au point d’être devenus pauvres et très endettés au sens privé et public, le fils du Président se fait de l’argent sur cette dette. Gagner de l’argent sur la dette du Cameroun est semblable à une entreprise de pompes funèbres qui prospère parce que les morts augmentent dans le pays à cause de la mauvaise vie qu’inflige aux populations celui dont le fils fabrique et vend les cercueils. Cette faute morale et éthique qui marque la défaite morale du Renouveau National depuis plusieurs années est automatiquement aussi un délit d’initié car comme fils de Président et homme d’affaires, Monsieur Franck Biya a un accès privilégié aux informations qui concernent l’Etat camerounais dont celles relatives à sa dette et aux opportunités d’investissements qui s’y présentent. Le groupe d’avocats qui vole au secours de Franck Biya et Jacques Fame Ndongo qui en fait autant n’ont certainement qu’une connaissance sommaire et bancale de l’économie car quand on veut préserver la fortune publique on ne traite pas avec une entreprise en situation de monopole mais la mieux disante susceptible d’offrir à l’Etat moins de décote de sa dette. Le Cameroun qui a un taux de croissance positif peut même, en situation de concurrence, gagner de l’argent sur sa dette car sa signature est crédibilisée par une économie en croissance.  Seule la concurrence le permet et non l’oligopole et encore moins le monopole dont a bénéficié AFRIONE CAMEROUN en appliquant ainsi le malthusianisme du monopoleur pour appauvrir l’Etat en augmentant sa propre plus value. Cette dette est le sang, la sueur et la souffrance des Camerounais car lorsque Tanga Sud se meurt c’est aussi sous le poids de la dette du pays alors que des pseudo-hommes d’affaires la transforment en matériaux d’accumulation. Lorsque le bébé de Vanessa Tchatchou est volé c’est qu’il n’y a pas assez de ressources pour sécuriser les hôpitaux camerounais que ne fréquent pas Tanga Nord. Contribuer au PIB ne justifie donc pas qu’on fasse tout avec tout comme veut le faire passer Jacques Fame Ndongo car celui qui provoque un embouteillage à la poste centrale de Yaoundé participe aussi à la hausse du PIB (hausse de la consommation du carburant) alors qu’il entraîne un désagrément sur les populations qui circulent. Franck Biya peut donc participer à la hausse du PIB comme la Bayam- Sellam du marché mais à la différence de celle-ci qui nourrit le peuple, se faire de l’argent sur la dette qui plombe ledit peuple est un crime éthique et moral car Franck Biya est ainsi un rentier de la dette publique camerounaise qui représente les souffrances d’un peuple : c’est l’aspect anthropophagique et cannibale tant de la feymania d’Etat que du système rentier en place.

Créateur, créature et le rêve d’un dictator perpetuus
Chez les plantes, les polinisateurs sont le vent et l’eau de pluies, des rivières ou des fleuves. La pollinisation politique pour l’avènement du dictator perpetuus (dictateur à perpétuité) est assurée par les outrances verbales de Jacques Fame Ndongo. Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur signale que le Cameroun n’est pas une monarchie mais un Etat libéral où le peuple est souverain alors que c’est lui le concepteur de la théocratie camerounaise où ce peuple existe au mieux en « créatures » et au pis en « esclaves ». Son argumentation est donc polluée par son messianisme politique et ne peut être crédible lorsqu’il veut éluder la problématique de la succession du « créateur » par « le fils du créateur » car son approche théologico-politique de la République camerounaise et du régime de Biya ne peut échapper à la volonté de faire du « fils du créateur », le « créateur » lui-même comme les théologiens firent du Christ (le fils de Dieu), Dieu lui-même car de la même essence (homoousios) que lui : père = fils et fils =père= Dieu.  Le souhait de construire un dictator perpetuus est donc omniprésent dans la plaidoirie de Jacques Fame Ndongo qui, tel une coléoptile qui protège la pousse le temps qu’elle sorte de terre, nous présente un immaculé Franck Biya aussi saint que le père, son double dont la dette publique ne serait que l’albumen pour la croissance. Historiquement tous les dictateurs et leurs gourous ont toujours essayé de réunir ce que l’Eglise catholique avait réussi, c'est-à-dire à unifier le temporel et le spirituel en affirmant que le Christ est à la fois homme et Dieu sans scissiparité aucune. Ce qu’il faut savoir, et c’est là que gît le danger des tentatives théologico-politiques, c’est que la dispute sur la christologie, c'est-à-dire le statut divin ou non du Christ entre Arius simple prêtre contestant que Jésus est Dieu et Athanase évêque d’Alexandrie soutenant que si, a plongé l’Eglise catholique dans une guerre interne meurtrière de près d’un siècle. Le peuple Camerounais a donc raison de s’inquiéter, non seulement pour cela, mais aussi parce qu’il connaît que le peuple dont parle Fame Ndongo se réduit à la motion de soutien qui peut soutenir le fils de même essence que le père, son double. Le peuple camerounais a raison de poser la question de la succession du père par le fils car en Afrique noire cela ne sera pas une première avec l’instrumentalisation du vote du peuple par la coalition des élites rentières au pouvoir. Le peuple camerounais a raison d’en parler car lors de la dernière présidentielle la phrase « Franck Biya Président ! » est sortie à Douala des rangs des groupes de danse du RDPC, parti dont Jacques Fame Ndongo est membre du bureau politique et secrétaire à la communication. Pour Tanga Sud ce serait alors la poursuite de la vie des damnés de la terre  dont parlais Franz Fanon en 1961.
Thierry Amougou,
Université catholique de Louvain, Belgique